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Economie sociale et solidaire - Le commerce équitable soutenu en plein grain

Les ventes de café et autres produits équitables ont progressé plus lentement en 2010, dans le contexte de crise. Mais les petits producteurs peuvent encore compter sur l'appui, intact, de nombreuses collectivités territoriales françaises.

Que la Quinzaine du commerce équitable commence ! Lancée le 14 mai, et programmée jusqu’au 29, la campagne annuelle va tenter de séduire de nouveaux "consomm’acteurs" à cette économie solidaire - de brunchs solidaires en animations de marchés, et de conférences-débats en menus scolaires équitables... Bien des collectivités ont offert leur appui aux quelque 300 événements prévus - en subventionnant une manifestation, ou en mettant une salle à disposition. La Quinzaine s’est même ouverte le 12 mai par une table ronde dans l’hémicycle du conseil régional d’Ile-de-France, grâce à un soutien financier de la région, et de la mairie de Paris.

Grain orageux

Les "petits producteurs" de café ou de bananes équitables peuvent être reconnaissants : en effet, avec ces dernières années de crise, le développement de ce commerce plus juste s’est quelque peu enrayé. Les produits arborant la marque "Fairtrade Max Havelaar" constituent le principal point de repère sur le marché français : si leurs ventes, en valeur, avaient bondi de 22% en 2008, elles avaient progressé, en 2009, de 13%, avant de n’avancer "que" de 5% en 2010 – pour atteindre 303 millions d’euros. Les difficultés de pouvoir d’achat des Français pourraient avoir rendu leurs porte-monnaie un peu moins militants.
Les acteurs équitables peuvent au moins compter sur les collectivités pour passer ce grain orageux. Celles-ci demeurent en effet "un levier essentiel", comme l’explique Julie Stoll, coordinatrice de la Plate-forme pour le commerce équitable (PFCE) : par leurs propres commandes publiques, par leurs actions de sensibilisation des consommateurs, ou "par leurs dialogues avec le monde économique", elles peuvent jouer un rôle précieux pour le secteur.
Du reste, même si elles ne sont pas les seules à proposer de la restauration collective ou des distributeurs automatiques, la marque Fairtrade Max Havelaar remarque une belle poussée de 30,6% en 2010 pour ces seules ventes "hors domicile". Quant au marché des vêtements et accessoires professionnels en coton équitable, également prisés des collectivités, il a bondi de 29% l’an dernier.
"Nous sentons une volonté politique toujours très forte chez les collectivités, explique Julie Stoll. Elles ont bien compris le besoin de changer nos modes de consommation, afin de modifier nos modalités de production, et de parvenir à un développement plus durable." Rurales ou urbaines, elles se montrent aussi "très réceptives" à l’idée d’un commerce équitable Nord-Nord, qui offrirait également des conditions plus justes aux petits producteurs des Cévennes ou des Monts d’Arrée.
Quatre régions et dix-neuf communes ont d’ailleurs pris une série d’engagements précis en se faisant reconnaître "Territoires de commerce équitable". Une quinzaine d’autres collectivités manifestent aujourd’hui leur intérêt pour cette démarche internationale, relayée en France depuis 2009.

Deniers publics

Les propres difficultés financières des collectivités n’auraient-elles donc pas douché leur enthousiasme ? "Il est vrai qu’elles sont vigilantes sur l’utilisation des deniers publics", constate Gaëlle Giffard, chef du projet "Territoires de commerce équitable" à la PFCE. "Pour autant, plusieurs nous disent vouloir consommer moins, mais mieux. Par exemple, la région Nord-Pas-de-Calais et la ville de Nantes ont déjà choisi de commander des tee-shirts promotionnels en plus petite quantité, mais en équitable, et bio."
"Le mot d’ordre de notre municipalité est de faire beaucoup avec peu de moyens", affirme en écho Ikram Benyoussef, chargée des relations publiques à la ville de Longjumeau (Essonne), Territoire de commerce équitable depuis 2009. "Nous nous apercevons que nous pouvons faire beaucoup en faveur du commerce équitable avec peu de moyens, grâce aux réseaux, aux associations, aux bénévoles..." Egalement engagée depuis 2009, la ville industrielle de Cluses (Haute-Savoie) s’attend elle-même à être "fortement impactée par la suppression de la taxe professionnelle", comme l’explique Claude Hugard, conseiller municipal délégué au développement durable. "Mais notre maire, extrêmement engagé en faveur du commerce équitable, continuera de tenir la bannière !"
Si la volonté de ces élus est intacte, il reste toutefois à offrir "un accompagnement rapproché auprès de leurs services pour changer les pratiques", souligne Julie Stoll. Tout au long de l’année, sa collègue Gaëlle Giffard intervient elle-même pour former les fonctionnaires territoriaux, notamment, à l’achat public équitable. La Quinzaine lui en donne encore l‘occasion : elle devait participer le 20 mai à Strasbourg à une journée de mobilisation auprès d’une dizaine de collectivités.