Le commerce en ligne aurait détruit 85.000 emplois en dix ans
Le développement du commerce en ligne aurait détruit 85.000 emplois en France entre 2009 et 2019 d'après une étude des Amis de la Terre, qui évoque le "plus grand plan social en cours actuellement en France". L'avenir ne s'annonce pas meilleur, les grandes entreprises pouvant être à leur tour impactées par la vente en ligne.
Entre 2009 et 2019, le développement du commerce en ligne a détruit 85.000 emplois en France en solde net*, d'après l'ONG Les Amis de la Terre qui publie le 23 mars 2022 une étude sur le sujet. "C'est le plus grand plan social en cours actuellement en France", alerte l'ONG dans son communiqué. Pour la seule année 2019, le solde s'établit à 3.800 détruits. C'est le commerce de détail qui paye le plus lourd tribut, avec 8.400 emplois détruits. En revanche 4.600 ont été créés dans le commerce de gros.
Les plus petites entreprises de commerce (de 0 à 19 employés) sont toujours les premières victimes de la digitalisation du commerce, détaille l'étude, élaborée à partir de la méthodologie du cabinet Kavala Capital qui a déjà travaillé sur le sujet. Elles ont perdu environ 7.600 employés en 2019. Toutefois, elles en perdent moins qu'avant ; le chiffre est en effet inférieur à la moyenne annuelle sur la période 2009-2018 (12.100). L'ONG avance deux explications : le ralentissement de la croissance du e-commerce, après une période faste (sachant que l'étude ne porte pas sur la période du Covid qui lui a été favorable), et la présence aujourd'hui d'acteurs résilients qui limitent les destructions d'emplois, après une sélection naturelle qui s'est traduite par la faillite des entreprises les plus fragiles.
Les entreprises moyennes (de 20 à 249 salariés) sont quant à elles plus impactées qu'auparavant. Elles ont perdu environ 1.020 emplois en 2019, contre 900 en moyenne sur la période 2009-2018.
Tous les secteurs sont concernés
De leur côté, les plus grandes entreprises (plus de 250 salariés) continuent à bénéficier du développement du e-commerce, "mais dans une moindre mesure que durant la période 2009-2018", précise aussi le document : 173 employés en plus seulement en 2019 contre une moyenne annuelle de 1.600 entre 2008 et 2018. "Ceci est visible notamment pour le secteur des équipements électroniques et informatiques et celui des articles ménagers, pour lesquels les grandes entreprises sont désormais elles aussi victimes de destructions d'emplois", détaille l'étude, qui en résumé énonce le principe suivant : "Pour chaque emploi créé dans une entreprise de 50 salariés et plus, près de 2 ont été détruits dans les plus petites entreprises en 2019."
Tous les secteurs sont concernés par cet impact négatif, sauf le secteur de l'électronique et du matériel informatique. Dans ces derniers, la création d'emplois chez les grossistes a compensé les destructions d'emplois dans le commerce de détail. Le secteur de l'habillement est le plus touché par l'impact du e-commerce, avec 4.800 emplois détruits en 2019.
Des perspectives d'avenir peu réjouissantes
Pour Les Amis de la Terre, les perspectives d'avenir ne sont pas réjouissantes. L'association craint notamment que les grandes entreprises soient les prochaines victimes de la digitalisation du commerce, avec un nombre d'emplois concernés encore plus important. Cette tendance serait déjà perceptible selon le rapport avec les fermetures depuis 2020 de magasins d'enseigne type Conforama, Naf Naf, André, La Halle, Célio, Devianne, Orchestra ou Camaïeu. "H&M et Inditex (Zara) sont, eux aussi, en train de fermer des centaines d'autres afin de digitaliser leur activité et faire face aux grands acteurs de la vente en ligne", souligne l'ONG qui regrette le manque d'actions du gouvernement en place. Pire, l'association estime que les cadeaux fiscaux et autres soutiens administratifs et politiques réalisés favorisent l'implantation d'entrepôts logistiques d'entreprises de commerce en ligne comme Amazon. "De 4 entrepôts construits par Amazon en 2017, la France est passée à 44 aujourd'hui et 14 entrepôts supplémentaires sont en projet", déplore l'association qui souligne l'impact environnemental de ces bâtiments. Le développement des dark stores et des épiceries en ligne, favorisé par la crise covid, pourraient encore accentuer le mouvement.
* Les chiffres prennent en compte les créations et les destructions d'emplois dans l'ensemble de la vente de détail et de gros incluant les fonctions supports nécessaires à l'activité (transport, logistique, services associés) pour indiquer si le solde est positif ou négatif.