Archives

Réforme de la PAC - Le Comité des régions réclame un soutien accru aux petites exploitations

A l'issue de sa session plénière à Bruxelles les 11 et 12 mai, le Comité des régions a adopté trois avis pour exiger une approche plus cohérente et équitable de la future politique agricole commune. Les responsables locaux demandent un rééquilibrage en faveur des petits et moyens exploitants et des zones défavorisées.

En réponse à la communication de la Commission européenne "La PAC à l'horizon 2020 : Alimentation, ressources naturelles et territoire – relever les défis de l'avenir", le Comité des régions a adopté trois avis, lors de sa session plénière des 11 et 12 mai, soulignant la nécessité de corriger les déséquilibres actuels de la politique agricole commune (PAC). 30 millions de personnes travaillent dans le secteur de l'agriculture et dépendent à ce titre de la PAC, rappelle le comité pour qui la réforme en préparation doit être plus équitable et éliminer les déséquilibres qui persistent. Le comité condamne la distribution des aides couplée au volume de production, sur la base de références historiques, qui renforce les inégalités entre grandes et petites exploitations. Aujourd'hui encore, 20% des exploitations perçoivent 80% des aides.
"Les paiements directs doivent rester l'instrument fondamental de la stabilisation des revenus agricoles en tant que rétribution pour la fourniture de biens publics et en compensation des normes de production plus rigoureuses appliquées dans l'UE ; néanmoins, les périodes historiques de référence, encore utilisées pour de nombreux paiements, engendrent une distorsion du marché et continuent à favoriser les grandes exploitations agricoles par rapport aux exploitations plus petites et plus pauvres. Il est essentiel qu'un système plus équitable soit mis en place", estime Luis Durnwalder, gouverneur de la province autonome de Bolzano (Italie) et rapporteur de l'avis sur "La PAC à l'horizon 2020". En ce sens, le Comité des régions exige que les aides de la PAC soient conditionnées aux besoins des exploitations agricoles, ce qui permettrait "non seulement de favoriser les petites et moyennes exploitations mais aussi d'encourager et inciter de jeunes agriculteurs à entrer sur le marché. La future PAC devra avoir une fonction incitative pour les plus faibles par un soutien économique et préférer la qualité à la quantité des produits agricoles", souligne le Comité des régions pour Localtis.

Développement rural

Dans son avis, Luis Durnwalder propose aussi une définition plus claire du rôle de la politique de développement rural (2e pilier) et une coordination de la programmation des objectifs de la PAC avec la politique de cohésion. Au-delà de l'actuel processus de réforme de la PAC, le Comité des régions souhaite à terme une régionalisation des paiements de l'aide agricole. Mettant en avant la fonction écologique et de développement de l'emploi de l'agriculture, il demande à la Commission de "clarifier les objectifs de chacun des piliers de la PAC" et de contribuer ainsi à l'apport au développement durable et à la réalisation des objectifs de la stratégie 2020. En ce sens, Luis Durnwalder insiste sur l'importance du second pilier de la PAC pour le développement global de l'espace rural et des zones périurbaines et sur la responsabilité des régions dans son aménagement au nom du principe de subsidiarité.

Produit de l'agriculture de montagne

René Souchon, président du conseil régional d'Auvergne (FR/PSE), estime dans son avis sur "Les systèmes agricoles de qualité" que la PAC doit promouvoir la mise en place de systèmes agricoles de qualité pour soutenir davantage les petits exploitants et ceux qui travaillent dans les zones défavorisées. Condamnant la modification de la définition des AOP et IGP (appellations d'origine et indications géographiques protégées) proposée par la Commission, René Souchon demande de renforcer la définition des indications géographiques, de développer les spécialités traditionnelles garanties et d'exclure les OGM des produits de qualité. Dans la lignée du rapport du sénateur Jacques Blanc, présenté la semaine dernière, appelant à une politique européenne de la montagne, il propose une nouvelle appellation "Produit de l'agriculture de montagne".


Nouveaux débouchés

Au moment où le président français déclare s'opposer à un accord de libre-échange entre l'UE et les pays du Mercosur refusant d'"accepter des produits qui ne répondent pas aux normes qu'on impose à nos agriculteurs", les avis adoptés par le Comité des régions reviennent sur les opportunités offertes aux producteurs européens sur le marché mondial. A titre d'exemple, la libéralisation du marché du lait et la suppression progressive des quotas proposée d'ici à 2015 engendreront, selon Emilia Müller, ministre des Affaires fédérales et Européennes de l'Etat libre de Bavière et rapporteure de l'avis "Paquet lait", une plus grande volatilité des prix, mettant en péril de nombreuses petites et moyennes entreprises. La rapporteure y voit pourtant de nouvelles opportunités pour les producteurs européens et affirme que "l'ouverture des marchés et la libéralisation de la production peuvent créer de nouveaux débouchés à l'exportation pour des produits adaptés aux marchés des pays tiers". L'avis conclut sur l'indispensable garantie à apporter aux petits producteurs par la mise en place de nouveaux instruments pour stabiliser le marché du lait afin que ceux-ci ne soient pas livrés à eux-mêmes après la libéralisation et aider ainsi les exploitants à tirer profit de la mondialisation au lieu d'en pâtir.

La France menace de blocage

Le débat intervient dans un contexte budgétaire serré. Le commissaire européen chargé de la Programmation financière et du Budget, Janus Lewandoski, a déclaré le 10 mai qu'il n'était "pas en faveur d'une quelconque révolution". "Nous sommes en mesure de faire des économies dans ce domaine sans porter atteinte à l'agriculture", a-t-il assuré. Pour la France, il n'est pas question de transiger. Nicolas Sarkozy s'est montré ferme quant à toute réduction de la PAC lors d'un déplacement à Arras le 12 mai : "La France veut le maintien à l'euro près sous peine de bloquer les discussions", a-t-il averti, dans la continuité de la position franco-allemande adoptée en septembre 2010 et réitérée en février dernier.
Dans ce contexte, le Comité des régions se montre prudent. Il a souligné lors de sa session plénière que "les objectifs de la politique agricole ne pourront être atteints qu'à condition de disposer après 2014 de moyens financiers suffisants". Car l'enjeu pour les représentants des collectivités est aussi de sauvegarder les crédits de la politique de cohésion. "Le budget doit être à la hauteur des réformes nécessaires. Si les aides sont mieux ciblées et plus justes, si les fonds structurels complètent le 2e pilier sous-utilisé de la PAC dans le domaine du développement rural, alors le budget de la PAC ne doit pas nécessairement être revu à la hausse. Il supportera même une diminution", explique-t-on au Comité des régions.