Archives

Elan - Le climat se tend autour de la commande publique pour la construction de logements sociaux

Dans une lettre ouverte à Edouard Philippe, le Conseil national de l'Ordre des architectes (CNOA) et cinq organisations professionnelles du secteur de la construction et du bâtiment (Capeb, Fédération Cinov, Fédération des Scop BTP, SNSO et UNSFA) remettent au premier plan le conflit récurrent entre les architectes et les organismes HLM. Ils demandent au Premier ministre de "maintenir les règles actuelles de la commande publique, garantes d'une maîtrise d'ouvrage exemplaire et de constructions publiques de qualité, pour le bénéfice de tous".
Les signataires s'en prennent précisément "à ce qu'affirment l'USH et les ESH dans leurs contributions à la conférence de consensus organisée dans le cadre du projet de loi Elan" (Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique). Dans leurs contributions à la conférence de consensus organisée par le Sénat, l'Union sociale pour l'habitat et les entreprises sociales pour l'habitat demandent en effet une dérogation aux principes de la commande publique, en faisant valoir que l'organisation de concours d'architectes contribue à renchérir le coût des logements sociaux.

Un conflit qui remonte à la loi LCAP de juillet 2016

Le contentieux n'est pas nouveau. Il trouve sa source dans l'article 83 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (loi LCAP, voir notre article ci-dessous du 12 juillet 2016). Très favorable aux architectes, ce texte prévoit notamment que "les maîtres d'ouvrage publics et privés favorisent, pour la passation des marchés de maîtrise d'œuvre ayant pour objet la réalisation d'un ouvrage de bâtiment, l'organisation de concours d'architecture, procédure de mise en concurrence qui participe à la création, à la qualité et à l'innovation architecturales et à l'insertion harmonieuse des constructions dans leur milieu environnant".
Un décret du 10 avril 2017 portant diverses dispositions en matière de commande publique est venu, depuis lors, conforter la position des architectes (voir notre article ci-dessous du 13 avril 2017). Ce texte fait obligation aux offices publics de l'habitat (OPH), à compter du 1er juillet 2017, d'organiser des concours d'architectes pour leurs projets de construction.

Un coût d'indemnisation de 20 à 36.000 euros par candidat au concours

L'USH et les ESH sont donc revenu à la charge dans le cadre de la conférence de consensus. L'USH consacre ainsi un chapitre de sa contribution aux moyens de "libérer la maîtrise d'ouvrage HLM". Elle y préconise notamment de "supprimer la soumission des organismes HLM à la loi MOP" (loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée), mais aussi de "supprimer l'obligation de recours au concours de maîtrise d'œuvre pour les organismes HLM", jugée "longue et coûteuse". L'indemnisation représenterait ainsi en moyenne entre 20.000 et 36.000 euros par candidat et 40.000 à 56.000 euros du fait de la perte de loyers due à l'allongement des délais "de 6 à 8 mois, en raison de la longueur de la consultation relative au choix des concourants pour l'esquisse".
En outre, l'USH fait valoir que "la procédure de concours d'architecture peut conduire les élus soucieux de produire vite à préférer une maîtrise d'ouvrage soumise à moins de contraintes, c'est-à-dire la maîtrise d'ouvrage des promoteurs privés, ce qui in fine conduit à sortir du cadre de la commande publique, synonyme de transparence et d'égalité de traitement, la production des logements sociaux".

Une charge contre la Vefa

Des arguments qui font bondir les signataires de la lettre ouverte au Premier ministre. Ils affirment en effet que les outils juridique mis en cause par l'USH et les ESH "ont démontré leur pertinence et leur efficacité et ont permis la production d'un cadre de vie apprécié en France et envié à l'étranger".
Ainsi, la loi MOP "structure les relations entre les acteurs de l'acte de construire, garantit leur indépendance, responsabilise la maîtrise d'ouvrage et les maîtres d'œuvre en imposant à ces derniers des obligations de résultat". En ce qui concerne l'organisation des concours d'architectes, "l'émulation entre les équipes et le choix des projets par les responsables publics contribuent à une production architecturale et technique innovante, reconnue et appropriable par tous". Mais, en aucun cas, "ces règles ne viennent surenchérir le coût des opérations. Elles les obligent en revanche à une gestion transparente et efficace des deniers publics".
Les signataires dénoncent également "l'augmentation incontrôlée du recours à la Vefa [vente en l'état futur d'achèvement, ndlr] [qui] se traduit, de l'avis même des bailleurs sociaux, par une augmentation des coûts des logements et une faible qualité architecturale et urbanistique".