Finances locales - Le CFL auditionne Didier Migaud et rejette des mesures assouplissant les normes comptables
Pour la troisième fois, le Comité des finances locales (CFL) a auditionné le premier président de la Cour des comptes. Il y a un an, la rencontre entre les élus locaux et le haut magistrat avait comporté "une dose conflictuelle non négligeable", a rappelé le président de l'instance consultative (voir notre article du 13 novembre 2014). Le deuxième rapport sur les finances publiques locales, en particulier son diagnostic sur le "déficit des collectivités locales" et ses pistes d'économies sur les dépenses de fonctionnement avaient suscité l'ire des édiles. Mais cette année, l'ambiance a été à l'apaisement. Autant André Laignel que Didier Migaud ont mis en avant "les convergences d'analyses" qui existent entre leurs deux institutions depuis la préparation et la publication, le 13 octobre dernier, du troisième rapport sur les finances publiques locales (sur ce rapport, voir notre article du 14 octobre 2015). Il reste toutefois quelques désaccords entre la Cour et les élus locaux, comme l'a rappelé le président du CFL. "Focaliser sur les personnels et la masse salariale comme le fait la Cour des comptes n'est pas raisonnable", a-t-il estimé. En outre, la mise en place d'une loi de financement des collectivités territoriales, comme le préconisent les magistrats financiers, susciterait une levée de boucliers des élus locaux si elle "enserr[ait] de contraintes les collectivités". Si, en revanche, la loi était seulement "indicative", ils ne s'y opposeraient pas.
Lors de leurs échanges, les élus locaux et les magistrats se sont accordés sur la nécessité pour la Cour d'étudier la fiscalité locale dans un futur rapport. De son côté, la Cour a déjà prévu de se pencher dans une prochaine publication sur les agents territoriaux et leur gestion.
Par ailleurs, le CFL s'est penché sur un projet d'ordonnance et six projets de décrets.
Le projet d'ordonnance examiné par le CFL précise et complète les dispositions fiscales et financières applicables à la métropole du Grand Paris, aux établissements publics territoriaux et aux communes qui la constitueront. Il est pris sur le fondement de l'article 59 de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr).
Les projets de décrets ont trait à :
- la mise en œuvre de l'une des annonces du comité interministériel aux ruralités qui s'est tenu le 14 septembre dernier à Vesoul. Dans le contexte de baisse des dotations, deux projets de décrets visent à donner "des marges d'action" aux collectivités, afin de favoriser les investissements (voir notre article ci-contre). Ils allongent de 15 à 30 ans la durée des amortissements des subventions d'équipement versées par les communes, leurs établissements publics, les intercommunalités à fiscalité propre, les départements et les régions pour le financement des bâtiments et des installations. Pour les subventions d'équipement qui financent des projets d'infrastructure d'intérêt national, la durée des amortissements passerait de 30 à 40 ans. De plus, les deux projets de textes étendent à toutes les collectivités et aux intercommunalités à fiscalité propre la faculté qu'ont aujourd'hui les régions de neutraliser budgétairement la dotation aux amortissements des subventions versées. Ces mesures doivent entrer en vigueur le 1er janvier 2016 pour s'appliquer aux subventions d'équipement versées en 2015.
- l'élargissement des cas dans lesquels les collectivités territoriales peuvent reprendre l'excédent de la section d'investissement de leur budget en section de fonctionnement. Si des circonstances exceptionnelles surviennent, celles-ci pourraient solliciter une décision conjointe des ministres chargés du budget et des collectivités locales.
- la modification de la réglementation concernant les prélèvements sur les communes, lorsque celles-ci ne s'acquittent pas de l'obligation d'avoir 20 ou 25% de logements sociaux. Le projet de texte précise aussi une mesure de la loi Alur du 24 mars 2014 qui permet de déduire du prélèvement les dépenses en faveur de l'intermédiation locative.
- l'application de la réforme de la fiscalité des produits des jeux des casinos contenue dans la loi de finances rectificative pour 2014, notamment la mise en place d'un crédit d'impôt dont peuvent bénéficier les casinos.
- la fiscalité directe locale, plus exactement les abattements dont bénéficie la Poste dans ce domaine en contrepartie de sa mission d'aménagement du territoire. Pour 2015, ces abattements s'élèveront à 170 millions d'euros (comme pour 2013 et 2014). Cette somme inscrite dans un projet de décret doit permettre de financer le maintien de quelque 11.000 points de contact de la Poste dans les zones rurales, les quartiers prioritaires de la politique de la ville et en outre-mer (sur les 17.000 points de présence que compte le réseau de la Poste). Le coût net de la mission d'aménagement du territoire confiée à l'établissement public a atteint l'an dernier 242 millions d'euros.
Le CFL a émis un avis défavorable sur les trois projets de décrets assouplissant les normes comptables des collectivités. Il a redouté qu'au motif de donner un peu d'air aux finances locales, on n'aboutisse à une régression de la fiabilité des comptes locaux. L'instance a en revanche accordé un avis favorable aux autres projets de décrets et au projet d'ordonnance.
Comme il en a coutume en cette période de l'année, le CFL a procédé à la répartition de la dotation spéciale instituteurs (DSI), qui compense les charges résultant pour les communes du droit au logement des instituteurs. Pour 2015, la dotation totale s'élève à 18,6 millions d'euros et concerne les 6.114 instituteurs recensés en 2014. Le montant unitaire servant de référence à la répartition dans chaque département a été fixé à 2.808 euros. Il est identique à celui de l'an dernier.
Le CFL a aussi approuvé la répartition pour 2015 des 64 millions d'euros attribués annuellement aux départements sur le produit des amendes de police relevées par les radars automatiques. En sachant que les départements, les régions d'outre-mer et la collectivité territoriale de Corse perçoivent des montants qui varient suivant la longueur de la voirie dont ils sont propriétaires et d'une "valeur de point" (166,92 euros en 2015, soit quasiment le même montant que pour les deux années précédentes). Les bénéficiaires devront utiliser cette ressource en vue de financer l'amélioration de la sécurité du réseau routier départemental.