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Finances locales - Les élus locaux dénoncent devant Didier Migaud la "stigmatisation" dont les collectivités font l'objet

Les membres du Comité des finances locales ont échangé ce 13 novembre avec le premier président de la Cour des comptes sur le rapport relatif aux finances locales que ce dernier a présenté récemment. L'occasion pour eux de dénoncer "l'approche contestable et partielle" des magistrats.

Le président du Comité des finances locales (CFL), André Laignel, a réclamé ce 13 novembre devant la presse que la Cour des comptes prenne le temps d'un véritable "débat contradictoire sur les finances publiques locales" avec les élus locaux. Avant de remettre des rapports abordant le sujet, les magistrats devraient selon lui auditionner des représentants du CFL ou ceux des associations d'élus locaux. Il a précisé qu'aujourd'hui, la Cour se contente "de demander aux associations d'élus locaux de formuler deux ou trois pages d'observations sur quelques questions précises".
Un peu plus tôt dans la journée, André Laignel avait exprimé ce souhait auprès du premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, qui était accompagné de plusieurs magistrats, dont Christian Martin, président de la formation "interjuridictions". Le CFL les avait invités à échanger sur le second rapport portant sur les finances publiques locales, que la Cour a remis le 14 octobre dernier (sur ce rapport et les réactions qu'il a suscitées, lire nos articles ci-contre). Un tel rendez-vous, instauré l'an dernier par le président du CFL, a vocation à se renouveler chaque année.

"Rapport à charge"

Durant cette rencontre de deux heures, les membres du CFL ont exprimé leur "ras-le-bol". En cause : "la tonalité" du rapport de la Cour. Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF), a critiqué "une approche contestable et partielle". Au final, l'appréciation des collectivités ne peut être que "globalement défavorable", a regretté Alain Richard, sénateur. Une telle posture revient à "stigmatiser" les collectivités, a lancé pour sa part Charles-Eric Lemaignen, président de l'Assemblée des communautés de France (AdCF). La Cour des comptes a "remis un rapport à charge", a dénoncé André Laignel.
Par exemple, le fait de présenter l'évolution de la dette des collectivités locales en valeur absolue (+6,2 milliards en 2013), comme l'a fait la Cour, sans prendre en considération l'évolution de son poids dans la dette publique locale (9,4% en 2013, contre 9,7% en 2011), n'est pas "juste", selon l'édile. Parler de déficit des collectivités locales, à l'instar de la Cour, alors que les collectivités ont un besoin de financement de leurs seuls investissements, n'est "pas loyal", a-t-il fait remarquer. Ou encore, s'agissant de l'évolution des dépenses de personnels des collectivités territoriales, excessive selon l'institution de la rue Cambon (de 3,1% en 2013), André Laignel a voulu rétablir les faits. En assurant que l'essentiel de cette évolution échappe à la décision des élus locaux. Selon la Cour elle-même, 40% de l'augmentation de la masse salariale des collectivités serait dû à des décisions prises par l'Etat. La quasi-totalité des dépenses restantes seraient générées par les avancements d'échelon liés à l'ancienneté.

Pour boucler les budgets, "les élus s'arrachent les cheveux"

Le président du CFL a balayé d'un revers d'autres sources d'économies souvent citées par la Cour. Du fait de l'uniformisation des rémunérations par le haut, la mutualisation serait coûteuse dans un premier temps. Si, sur la lutte contre les normes, il y a bien "des progrès à faire", cela "ne suffira pas" toutefois. Quant à la revalorisation annuelle par le Parlement des valeurs locatives qui servent au calcul des impôts directs locaux (probablement +0,9% en 2015), elle est certes parfois supérieure à l'inflation évaluée par l'Insee pour les ménages, comme le souligne souvent le gouvernement. Mais elle s'avérerait inférieure à l'inflation que connaissent réellement les collectivités locales, celle que l'AMF évalue chaque trimestre – c'est le fameux "panier du maire".
Alors que l'Etat doit baisser ses dotations de 11 milliards d'euros entre 2015 et 2017, les élus locaux ne voient pas "bien comment faire pour boucler les budgets", a affirmé André Laignel. "L'ajustement le plus facile va se faire par la baisse de l'auto-financement", s'est-il inquiété. Le président du CFL redoute que l'investissement des collectivités territoriales ne connaisse une chute de 10% en 2015, après un recul supérieur à 7% en 2014.
Il a donc de nouveau réclamé que le gouvernement réalise des simulations sur l'impact des baisses de dotations sur l'économie nationale et l'emploi. André Laignel a par ailleurs déploré l'absence d'un véritable lieu de négociation entre le gouvernement et les représentants des collectivités territoriales.