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Finances locales - Rapport Cour des comptes : un bloc local froissé, des départements presque confortés, des régions qui veulent se démarquer...

AMF, ADCF, AMGVF, APVF, Villes de France, Acuf. Toutes figurent sur l'en-tête d'un communiqué commun dénonçant les "amalgames" et la "confusion" que risque de susciter le rapport de la Cour des comptes sur les finances locales rendu public le 14 octobre (voir notre article ci-contre). Les principales associations représentant le bloc local, donc, des petites villes jusqu'aux communautés urbaines. Comme on pouvait s'y attendre, le ton est vif, même si les constats posés - et les propositions formulées - par la Cour des comptes ne sont pas non plus une surprise. Les associations de maires et de présidents d'intercommunalités craignent comme toujours qu'il y ait méprise, auprès du grand public, sur la nature du "déficit" des collectivités, qui est uniquement un recours à l'emprunt pour financer de l'investissement, par rapport trou creusé par l'Etat "pour faire face à un déséquilibre entre ses charges et ses ressources courantes". Le communiqué parle même de comparaison "malhonnête" – un terme que Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, a jugé regrettable, assurant ce 15 octobre sur France Inter que le rapport insistait bien, au contraire, sur ce distinguo.
La riposte des élus locaux est classique : rappeler que l'évolution des dépenses de fonctionnement tient de plus en plus à des dépenses imposées par l'Etat (normes, statut de la fonction publique territoriale, réformes telles que celle des rythmes scolaires…). Et juger que "ce qui est implicitement demandé aux communes aujourd'hui, ce serait de tailler dans les effectifs de leurs agents, réduisant ainsi les services à la population" ("état civil, pièces d'identité, services sociaux, personnel dans les écoles, périscolaire…"). Pour eux, le tableau dressé par la Cour est un "procès de mauvaise gestion financière collective" qui n'est "pas acceptable".
S'agissant, plus précisément, de ces dépenses de fonctionnement liées à la masse salariale, le rapport indique que celle-ci a à nouveau progressé en 2013, de 3,1%. Afin de stabiliser ces dépenses salariales, la Cour préconise à la fois de viser une diminution des effectifs ("par la recherche accrue de gains de productivité et une plus grande mutualisation des services entre les communes et leurs groupements"), une révision des règles de gestion du personnel en matière d'avancement de grade et d'échelon (les règles actuelles étant jugées "trop généreuses") et une "meilleure maîtrise" des régimes indemnitaires. De quoi faire bondir Philippe Laurent, maire de Sceaux, qui s'est exprimé dans un autre communiqué en tant, notamment, que président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), se disant "consterné par le mépris affiché dans le rapport de la Cour des comptes à l'égard des agents territoriaux". Rappelant que dans les communes, 70% des fonctionnaires sont des agents de catégorie C, dont la rémunération n'excède pas 1,2 fois le Smic, il s'interroge : "Comment peut-on laisser entendre que ces agents soient favorisés et bénéficient de promotions trop rapides ? Dans un grand nombre de cas, ces agents sont à l'indice terminal de leur grade et ne peuvent espérer aucune promotion, ni aucun avancement. Compte tenu du blocage de la valeur du point d'indice, il a même fallu mettre en place une garantie spécifique pour que leur rémunération ne soit pas inférieure au Smic, et ce, parfois après 20 années de carrière !"

Des tensions ravivées entre niveaux de collectivités ?

Du côté des départements et des régions, les réactions sont beaucoup moins virulentes. Il faut dire que pour la Cour, c'est bien le bloc communes-EPCI qui à la fois dispose des ressources fiscales les plus dynamiques et qui offre les plus grandes "possibilités d'économies sur les dépenses de fonctionnement". Départements et régions sont donc davantage épargnés.
Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France, juge même que "l'analyse que fait la Cour de la situation financière des départements rejoint celle de l'ADF", notamment sur le fait que la hausse de leurs dépenses de fonctionnement sont essentiellement due à celle des dépenses sociales, dont ils n'ont pas la maîtrise. Ce qui, en profite pour rappeler l'ADF, "légitime plus que jamais la nécessité de considérer avec attention la situation financière particulière des départements", notamment à l'occasion de la clause de revoyure prévue par l'accord du 16 juillet dernier.
Une situation particulière devant donner lieu à un traitement particulier… C'est aussi en quelque sorte ce que revendique l'Association des régions de France, sur un ton clairement plus offensif vis-à-vis des autres niveaux de collectivités. Les termes du communiqué de l'ARF sont éloquents : "les régions sont plus vertueuses que les autres niveaux de collectivités malgré des contraintes plus fortes qui pèsent sur elles", la mise en place de l'intercommunalité "s'est traduite par une inflation injustifiée des dépenses" et est donc un "échec", "la baisse des dotations doit porter prioritairement sur les échelons qui disposent le plus de marge, notamment le bloc communal, et moins impacter les régions"…
Les règles de répartition, entre niveaux de collectivités, de la baisse des dotations pour 2015 ont déjà été fournies lors de la présentation du projet de loi de finances – elles resteront en fait les mêmes qu'en 2014. Calculée en fonction des recettes réelles de fonctionnement, la baisse devrait être de 2,07 milliards pour le bloc communal, 1,14 milliard pour les départements et 0,45 milliard pour les régions. Sauf que pour la Cour, "cette modalité de péréquation au prorata des ressources totales ne tient pas suffisamment compte de la situation financière relative de chaque catégorie de collectivités". La baisse devrait plutôt, juge-t-elle, "être partagée en prenant en compte leurs trajectoires financières respectives" et leurs "niveaux de charges". S'il s'agit d'un appel à modifier le PLF en ce sens au cours de la discussion parlementaire, tout laisse à penser que les régions seront les premières à appuyer en ce sens.