Le Cese propose des "états généraux" de la vie chère en outre-mer

Trois mois après la tenu du comité interministériel des outre-mer, le Cese livre de nouvelles propositions pour lutter contre la vie chère dans les territoires ultramarins où les prix sont parfois 40% plus élevés qu'en métropole. Entre mesures d'urgence face à l'inflation et mesures de plus long terme, il propose notamment des "chèques" versés par les CCAS et la tenue d'états généraux dans chacun des territoires.

 

Trois ans après un avis sur le pouvoir d'achat en outre-mer ("Pouvoir d'achat et cohésion sociale dans les outre-mer : fractures et opportunités"), le Conseil économique, sociale et environnemental (Cese) revient à la charge. "La vie chère est l'une des principales causes de tension sociale en outre-mer, et ce depuis de nombreuses années, les prix y sont de plus en plus élevés et les écarts avec l'hexagone se sont encore accentués en 2022", souligne-t-il dans un nouvel avis adopté à une très large majorité le 11 octobre 2023, présenté par la délégation ultramarine de l'assemblée. Ces écarts sont de l'ordre de 30 à 40% entre l'hexagone et la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie par exemple. Dans ces territoires, 900.000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté avec moins de 1.010 euros par mois.

La réforme de l'octroi de mer

Les principaux enjeux identifiés par le Cese sont la pauvreté et la faiblesse des revenus, l'ouverture à la concurrence et le développement de la production et de la fiscalité locale. Et parmi les dix préconisations avancées, le Cese propose des mesures immédiates pour répondre au contexte inflationniste, comme la mise à disposition par les centres communaux d'action sociale de "chèques" dédiés à l'aide alimentaire, à l'énergie, au transport, à l'eau et au logement pour les foyers les plus modestes. Objectifs : augmenter leur pouvoir d'achat, prévenir le surendettement et maintenir l'accès aux services essentiels. Le Cese préconise aussi de majorer les primes d'activités pour tenir compte de la faiblesse des revenus de nombreux salariés avec un même mode de calcul pour tous les territoires d'outre-mer. L'idée est d'agir vite, dès les textes budgétaires en cours d'examen.

Des mesures de plus long terme sont aussi listées comme la réforme de l'octroi de mer. Il s'agirait d'élargir son assiette à l’ensemble des biens et services, tout en simplifiant les taux et en maintenant un différentiel de taux entre les produits locaux et les produits importés. "Une liste de produits de première nécessité devra être exonérée", précise le Cese.

Un dispositif de dérogation aux normes françaises et européennes

Le gouvernement envisage une réforme en profondeur de l'octroi de mer mais il veut se donner le temps de la réflexion. Il souhaite notamment examiner l'ensemble des taux. Une concertation est prévue avec les élus pour inscrire la réforme dans le projet de loi de finances pour 2025, pour une mise en œuvre en 2027. Le Cese demande au gouvernement à être officiellement saisi par la Première ministre dans le cadre de la préparation de la réforme. Il propose la tenue d'"Etats généraux du coût de la vie et du pouvoir d'achat" dans chacun des territoires, qui permettraient aussi d'associer les Ceser et les citoyens.

Autres pistes : renforcer les moyens de contrôle de la concurrence en outre-mer et réaliser régulièrement des contrôles programmés dans les secteurs de la distribution, du fret, du transport aérien et des communications, réaliser une enquête spatiale de prix par l'Insee tous les trois ans et en continu sur les données de caisse et développer des filières alimentaires locales, structurées et "capables de fournir le marché en produits frais, fruits et légumes, produits laitiers et viande". Le Cese propose enfin de mettre en place à titre expérimental un dispositif de dérogation aux normes françaises et européennes, tel que cela a été annoncé lors du Comité interministériel des outre-mer (Ciom) du 18 juillet 2023 (voir notre article du 18 juillet 2023). Le Cese préconise "d'adapter ces normes 'RUP' aux besoins propres des différents territoires (climatiques, sismiques, …) en maintenant un haut niveau d'exigence sociale, environnementale, de qualité, de sécurité et de durabilité des produits".

L'outre-mer est l'objet de beaucoup d'attention en ce moment avec la publication d'un rapport sénatorial sur la "continuité territoriale" en mars suivi d'un rapport de l'Assemblée en juillet sur le coût de la vie.