Développement rural / Jeunesse - Le Cese préconise de confier aux communautés de communes une compétence "jeunesse" obligatoire
Suite à une saisine du Premier ministre datant de juillet dernier, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a adopté le 11 janvier 2017 à l'unanimité un avis sur la "place des jeunes dans les territoires ruraux".
Qui sont les 1,6 million de jeunes de 15 à 29 ans (1) vivant dans ces territoires et sont-ils différents des jeunes urbains ? A certains égards, oui, répondent les rapporteurs de l'avis qui mettent en avant des spécificités liées au milieu de vie : une orientation plus fréquente vers la voie professionnelle et une entrée plus précoce sur le marché du travail, un mode de vie et un accès aux formations, à l'emploi et aux services fortement conditionnés par la question de la mobilité ou encore des inégalités entre jeunes femmes et jeunes hommes plus marquées. Ainsi, dans les zones de revitalisation rurale, 61% des demandeurs d'emploi de moins de 25 ans sont des femmes, contre 50% en France métropolitaine en moyenne.
L'avis met aussi l'accent sur le dynamisme de ces jeunes – plus souvent bénévoles à la campagne qu'en ville – ou encore sur leur absence de confiance dans les politiques. Symétriquement, les élus locaux ne s'intéresseraient que peu à ces jeunes. En Ille-et-Vilaine par exemple, selon une étude de l'Injep, "le pourcentage de communes où la jeunesse est inscrite comme une priorité politique est beaucoup plus élevé en milieu urbain (neuf sur dix) qu'en milieu rural (un peu plus d'un quart)". "Les politiques publiques s'adressent très souvent aux moins de seize ans", essentiellement autour de l'accueil petite enfance, a précisé Danielle Even, agricultrice et l'une des rapporteurs de l'avis, lors d'une présentation à la presse.
Patrick Kanner : subsidiarité et souplesse dans le cadre des CTAP
Pour combler ce manque, le Cese préconise de confier aux communautés de communes une compétence "jeunesse" (16-29 ans) obligatoire. "Ce n'est pas tant une question de moyens financiers qu'un état d'esprit", a expliqué Danielle Even. Selon elle, le caractère obligatoire de la compétence permettrait de réunir "autour de la table" l'ensemble des partenaires, à l'échelle du bassin de vie, pour poser un diagnostic et "structurer une politique jeunesse" autour des enjeux majeurs – transports, insertion professionnelle, santé, etc. Sur le modèle des projets éducatifs de territoire, des "projets jeunesse de territoire" seraient ainsi élaborés.
Venu assister à la présentation de l'avis, Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, a considéré que, si la région avait bien été désignée chef de file des politiques jeunesse par la future loi Egalité et Citoyenneté (2), les conférences territoriales de l'action publique (CTAP) pouvaient être le lieu permettant d'organiser la "subsidiarité" entre les niveaux de collectivité, selon les territoires, "le bon échelon [pouvant] être l'intercommunalité".
Les expérimentations actuellement conduites dans le cadre du programme d'investissement d'avenir (action "Projets innovants en faveur de la jeunesse") sont l'"occasion de promouvoir de nouveaux modes de gouvernance", selon le ministre ; sur 16 projets retenus, sept concernent des territoires ruraux. Patrick Kanner s'oppose toutefois à la notion de "compétence obligatoire", pointant le "risque d'exclusion" d'autres collectivités.
Maintien des services via les contrats de ruralité
Le ministre s'est dit très favorable à la deuxième proposition du Cese, celle de créer des "campus ruraux de projets" permettant de fédérer, autour de lieux nouveaux ou existants, des porteurs de projets et des acteurs de la jeunesse et du développement local.
Le Cese préconise enfin la mise en place d'un "Pacte jeunes ruraux" afin de flécher, dans le cadre des contrats de ruralité, des crédits, et notamment des crédits d'ingénierie, vers les politiques jeunesse. Cinq enjeux sont mis en avant : l'égalité hommes-femmes, la formation, le logement, la mobilité et la santé.
"Trente contrats de ruralité ont été signés", selon Patrick Kanner qui a confirmé que ces contrats "[seraient] les cadres qui permettront d'intégrer" ces enjeux. Recensant les différentes mesures gouvernementales en matière de jeunesse et de développement rural – généralisation de la garantie jeunes, financement du permis de conduire via le compte personnel de formation, maisons de services au public… –, le ministre a noté que "le droit commun [était] privilégié".
"Moins il y a de services, plus il y a de doutes sur les élus", estime Danielle Even à l'issue des auditions de jeunes réalisées dans le cadre de l'avis. Outre le maintien des services, une plus grande participation des jeunes à la vie politique locale est nécessaire. Les rapporteurs proposent pour cela une mesure concrète : bonifier les crédits de programmes territoriaux ou les dotations des communes dont les conseils municipaux feraient de la place aux jeunes.
Caroline Megglé
(1) Selon des chiffres Insee de 2006, en France métropolitaine, "14% seulement des jeunes de 15 à 29 ans (soit 1,6 millions de jeunes) résident dans l'espace à dominante rurale, alors que cet espace accueille 18% de la population totale".
(2) Au passage, le ministre a précisé que la réponse du Conseil constitutionnel à la saisine relative à la loi Egalité et Citoyenneté devrait être rendue à la fin du mois de janvier.