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Tourisme - Le CAS a des idées pour les vacances

Avec un remarquable sens du calendrier, le Centre d'analyse stratégique (CAS) publie une note d'analyse consacrée à un sujet de saison, intitulée "Les vacances des Français : favoriser le départ du plus grand nombre". Si le terme de vacances n'évoque pas spontanément les grandes problématiques sociales, le sujet abordé par le CAS n'a pourtant rien d'anecdotique et constitue au contraire une vraie question de société.

Les départs en vacances stagnent depuis dix ans

Côté soleil, la proportion de Français partant au moins une fois par an en vacances - entendues comme un déplacement d'agrément d'au moins quatre nuits - se situe au-dessus de la moyenne européenne. Avec 62% en 2010, le taux de départ des Français de plus de quinze ans s'établit à six points au-dessus du taux européen (56%), même s'il est loin de ceux des pays nordiques (75% pour les Danois, par exemple). Mais, côté ombre, ce taux ne progresse plus depuis dix ans et, cet été, près d'un Français sur deux (45%) ne partira pas en vacances (proportion à ne pas confondre avec le taux de départ annuel). Cette stagnation succède à quatre décennies de progrès continu, qui a vu le taux de départ en vacances passer de 43% en 1964 à 64,6% en 2004 - "sous l'effet de l'évolution de la législation du travail, des aspirations des Français, des aides dispensées ou encore du développement d'offres meilleur marché" - avant de reculer légèrement depuis trois ans avec l'arrivée de la crise.
La note du CAS détaille le profil des vacanciers et des non-vacanciers. Sans surprise, il apparaît une étroite corrélation entre le taux de départ et le niveau de diplôme et de revenu. Ce taux tombe ainsi à 32% pour les personnes sans diplôme, tandis qu'il est de 78% pour les personnes gagnant plus de 3.000 euros par mois, contre 35% pour celles qui ne disposent que de 1.500 euros mensuels. Mais il existe également d'autres facteurs discriminants, comme le lieu de résidence (les taux les plus élevés s'observent dans les agglomérations de plus de 100.000 habitants) et surtout l'âge : les plus faibles taux de départs en vacances s'observent ainsi chez les 20-24 ans - qui "vivent souvent une période de transition professionnelle et familiale" - et chez les plus de 70 ans, "essentiellement en raison de problèmes de santé". Le CAS pointe aussi les difficultés propres à certains métiers ou situations : les agriculteurs bien sûr, qui combinent faibles revenus et fortes contraintes professionnelles, mais aussi les personnes en situation de handicap ou les aidants familiaux.
Le CAS précise cependant que "l'objectif de 'solvabilisation' des particuliers ne constitue qu'une partie de la réponse au non-départ". D'autres freins existent également, de nature personnelle - c'est-à-dire de santé et familiales (34% des motifs avancés pour expliquer le non-départ en vacances) -, tenant à des choix délibérés (29%), du fait de l'isolement social (24%), pour contraintes professionnelles (23%) et enfin pour motifs organisationnels (15%).

Des fonds communs pour l'aide aux vacances

Face à ce constat, le CAS formule un ensemble de propositions, éclairées par quelques exemples étrangers ou par des initiatives locales, émanant notamment de collectivités territoriales.
Ces préconisations sont regroupées en deux grands axes. Le premier consiste à "définir une politique globale de soutien au départ en vacances pour tous". Trois mesures sont proposées à ce titre, mais leur envergure et leur audace semblent toutefois assez limitées. Il s'agirait ainsi de clarifier les objectifs et les moyens de l'Agence nationale des chèques-vacances (ANCV), dans le cadre d'une convention la liant à l'Etat, et d'articuler cette démarche avec la politique vacances de la branche Famille. Cette convention et l'articulation avec les caisses d'allocations familiales devraient notamment mettre l'accent sur les aides financières aux séjours familiaux, ainsi que celles ciblées sur le logement et le transport. Seconde mesure proposée : l'établissement d'une cartographie des structures du tourisme social pratiquant des tarifs différenciés selon les revenus - afin de les faire connaître du grand public - et le lancement d'une réflexion sur leur devenir. Enfin, au niveau local, le CAS recommande d'"améliorer l'offre de services en termes d'aides et d'accompagnement par une meilleure coordination des acteurs", par exemple sous la forme de fonds communs de financement ou de schémas locaux de développement. Ces fonds communs pourraient s'inspirer du fonctionnement des fonds de solidarité logement.

Des mesures spécifiques pour quatre publics cibles

Le second axe retenu par le CAS consiste à "développer en priorité des actions en direction de quatre publics cibles". Le premier d'entre eux est constitué par les personnes encore jamais parties en vacances. La note préconise de fixer "un objectif national ambitieux de premier départ", en invitant à mobiliser en ce sens les aides disponibles. Les jeunes constituent la seconde cible spécifique. Il conviendrait de faire en sorte qu'ils puissent partir au moins une fois au sein de l'Union européenne avant leurs vingt ans, en développant notamment les programmes européens Jeunesse en action et Sac ados. Vis-à-vis des personnes en situation de handicap, le CAS - tout en se félicitant de la montée en charge des labels Tourisme et handicap (depuis 2001) et Destination pour tous (depuis cette année) - préconise de "promouvoir et fluidifier le système d'échange de logements adaptés en labellisant les sites internet qui leur sont dédiés". Enfin, pour les aidants familiaux, le CAS recommande de garantir la possibilité d'un départ annuel en vacances comme modalité de l'exercice du droit au répit.
Reste à savoir si ces propositions seront entendues par les pouvoirs publics. Comme le reconnaît le CAS, "le soutien au départ en vacances est souvent perçu comme accessoire dans les politiques sociales, alors que les bénéfices potentiels sont multiples (bien-être, parentalité, lutte contre l'isolement, insertion, etc.)". Mais, à tout le moins, "l'importance des moyens qui sont d'ores et déjà consacrés [à l'aide aux départs en vacances] invite à une mise en cohérence permettant d'atteindre des objectifs partagés plus ambitieux".