Education - Des élus partent à la reconquête des classes de découvertes
Les classes de découvertes sont en chute libre. S'inspirant des propositions du rapport de 2004 de la députée de la Sarthe Béatrice Pavy-Morançais sur l'intérêt des classes de découvertes (lire ci-contre), des associations nationales d'élus de montagne et de maires réagissent et interpellent Education nationale, gouvernement et transporteurs pour relancer une formule, auparavant prisée des écoles. Ces dix dernières années, ces séjours ont en effet connu une baisse oscillant de 20 à 30% selon les régions.
"Les freins à l'origine du désengagement pour les classes de découvertes sont liés tout d'abord à la sécurité des enfants", explique Pierre Bretel, délégué général de l'Association nationale des élus de montagne (Anem), qui a participé à une réunion sur le sujet, le 11 mai, avec plusieurs associations d'élus*. "Des événements dramatiques, comme celui du Drac en 1995, ont ébranlé le goût des uns et des autres pour les classes de découverte, les conditions draconiennes de la circulaire Royal sur les violences faites aux enfants ne sont pas encourageantes, et les lourdeurs administratives rencontrées par les enseignants volontaires peuvent également avoir raison de certaines velléités", poursuit-il. "Nous souhaitons désengager de certaines responsabilités les enseignants, les soulager à plusieurs niveaux tout en valorisant leur rôle qui est primordial dans ce dispositif. Ils font un travail considérable en amont et ils doivent souvent le faire sans beaucoup de soutien", estime Pierre Bretel. "Est-ce vraiment leur rôle de s'occuper du transport, de parfois chercher les subventions alors qu'ils s'occupent du déroulé du séjour, des activités parallèlement aux cours qu'ils donneront ?", interroge-t-il. Le 10 mai dernier, l'Anem, représentée par son président et sa secrétaire général, Vincent Descoeur et Chantal Robin-Rodrigo, a pu, lors d'une rencontre avec le ministre de l'Education, dans le cadre de la défense des écoles de proximité en montagne, aborder la question des classes de découverte et demander une remise à plat des règles qui pourrait se faire sous forme de circulaire.
Valoriser le rôle des enseignants
Dans un communiqué du 19 mai (lire ci-contre), les associations préconisent des "solutions pragmatiques et proches des réalités locales". Elles demandent ainsi à l'Education nationale de "valoriser le rôle des enseignants et d'encourager les projets de départs en classes de découverte, en allégeant les charges administratives qui pèsent sur les enseignants, en harmonisant les modalités de constitution des dossiers et en créant un dossier unique, commun à toutes les académies".
"Nous menons ces réflexions depuis fort longtemps. A plusieurs reprises, nous avons tenté de sensibiliser le ministère de l'Education mais aussi de l'Ecologie. Aujourd'hui, d'autres associations concernées ou non par la montagne, urbaines ou rurales, font écho à notre message. Nous faisons cause commune auprès du ministère, des syndicats enseignants, des professionnels", se réjouit Pierre Bretel.
La rencontre avec Luc Chatel, le 10 mai, s'est avérée fructueuse : "Le ministre nous a encouragés spontanément dans cette voie, sous réserve d'inventaire, mais à double titre, en tant que ministre de l'Education mais aussi de la Jeunesse. Il a donc décidé, c'est l'une de nos requêtes principales, de désigner un représentant de son ministère qui serait force de proposition pour participer, à nos côtés, aux réflexions en faveur de cette relance."
"Un moyen de socialisation indéniable"
Parallèlement, les associations préconisent "une espèce de boîte à outils" qui serait mise à la disposition des enseignants pour les informer, pour faciliter leurs démarches... "Pour ne pas refaire le monde à chaque fois, on pourrait ainsi capitaliser sur les expériences faites", assure Pierre Bretel. Des expériences valorisantes pour l'image des communes qui s'investissent dans ces projets mais surtout pour les enfants. "La classe de découverte est un moment privilégié pour permettre à l'enfant de découvrir d'autres modes de vie, de comparer le monde urbain au monde rural, de prendre conscience de la nature, d'apprendre à l'aimer et la respecter, de vivre en collectivité avec les règles de tolérance que cela implique, d'assumer des responsabilités loin du milieu familial, d'acquérir une autonomie, mais surtout, c'est un moyen de socialisation indéniable", témoigne Matthieu Claure, instituteur à l'école Jules-Ferry à Clichy (Hauts-de-Seine), qui revient, enthousiaste, d'une classe de découverte de dix-sept jours avec ses élèves de CM1, à Murat-Le-Quaire, en Auvergne. "On s'investit dans cette démarche qui nous demande une organisation professionnelle et personnelle puisqu'on s'absente de chez soi plusieurs jours, car notre motivation c'est de les aider à se développer, à se révéler parfois, en dehors d'un contexte connu, et cela fonctionne !", confie Matthieu Claure. Et d'ajouter : "En général les parents comme les enfants sont demandeurs de classes de découverte, c'est un changement bénéfique pour tout le monde. Passées les questions et les inquiétudes d'usage la formule fait l'unanimité." Et pourtant, un seul bémol, qui rejoint le constat des associations d'élus : encore et toujours les lourdeurs administratives. "La constitution du dossier peut être longue. Le projet à monter, contacter les professionnels sur place, l'acceptation par l'académie de circonscription puis le passage à l'académie... Tout ceci peut engendrer des projets qui arrivent tard dans l'année où tout est presque joué", regrette Matthieu Claure.
Des ambassadeurs locaux
Les associations souhaitent résoudre ce problème en préconisant d'une même voix la désignation d'"un ambassadeur local" à travers la signature d'un protocole dans la mesure du possible entre les communes émettrices et les communes réceptrices. "Il y a des communes qui ne le pourront pas bien entendu, mais nous préconisons qu'un interlocuteur s'occupe de toute la coordination sur place entre les différents professionnels, de l'acheminement des enfants... en résumé une personne qui facilite l'organisation", détaille Pierre Bretel. Certains instituteurs suggèrent même des sortes de "packs séjour découverte" qui seraient proposés aux mairies, comme le soulève Matthieu Claure. "Une voie tout à fait envisageable", acquiesce Pierre Bretel.
Avoir des ambassadeurs, c'est aussi permettre aux zones rurales et de montagne qui connaissent une baisse de la fréquentation touristique de maintenir une activité sur place. "C'est aussi investir sur de futurs touristes. Les jeunes qui auront découvert la montagne ou des zones rurales reviendront. C'est capitaliser sur le futur", affirme Pierre Bretel. "Mais c'est à chacun de s'impliquer, insiste-t-il. Education nationale, collectivités, associations, professionnels doivent aller dans le même sens."
Les associations nationales d'élus organiseront d'ailleurs à compter de 2012 une opération pilote afin d'expérimenter les solutions proposées et d'assurer dans le temps un suivi des classes de découverte. Cette opération permettra de promouvoir des séjours dans les villes et les communautés situées en zones urbaines ou rurales, de bord de mer ou de montagne. "Nous avons déjà le soutien de professionnels, moniteurs de ski et autres. Beaucoup de gens sont prêts à faire des concessions sur les coûts. C'est aussi en cela que les classes ont un important rôle social. Elles permettent à tous les enfants de partir, de découvrir ; pour certains ce seront les seuls départs en vacances", conclut Pierre Bretel qui semble confiant en l'avenir.
Sandrine Toussaint
* Fédération des maires des villes moyennes, Association des maires de France, Association nationale des maires des stations de montagne, Association des petites villes de France, Association des maires ville et banlieue de France, Association nationale des élus de la montagne, Association nationale des maires des stations classées, Association des maires des grandes villes de France.