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Fonction publique territoriale - Le cadre d'emplois des administrateurs territoriaux profondément réformé

En gestation dès 2009, la réforme du cadre d'emplois des administrateurs territoriaux est finalement devenue effective au cours de ce mois d'août. Ces cadres de haut niveau, qui sont au nombre de 2.200 à 2.500, vont bénéficier de meilleures perspectives de carrière, notamment par la création d'un grade à accès fonctionnel, premier du genre dans la territoriale. De nouvelles modalités de promotion interne sont instaurées, consistant en une sélection nationale des candidats sur la base d'un dossier et d'un entretien. En parallèle, la place du concours est renforcée.

Sans attendre le rapport de la mission Pêcheur sur la rénovation de la fonction publique et la concertation qui va suivre, le gouvernement a donné, au cœur de l’été, son feu vert définitif à une profonde réforme du cadre d’emplois des administrateurs territoriaux, qui, avec celui des ingénieurs territoriaux, fournit les plus gros bataillons de cadres supérieurs des collectivités.
Préparée dès la mi-2009 par le gouvernement Fillon, cette réforme a longtemps attendu dans les tiroirs, à cause notamment des réticences du ministère du Budget, avancent certaines sources proches du dossier. La publication dans le Journal officiel du 15 août dernier des deux décrets concrétisant la rénovation du cadre d’emplois a donc été saluée par l’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF) comme une "très bonne nouvelle".
Alors que les employeurs publics cherchent à maîtriser leur masse salariale et que le gouvernement prévoit dans un premier temps un geste salarial au profit des seuls agents de catégorie C, les textes rendent plus attractive la carrière des administrateurs territoriaux. Le grade d'administrateur hors classe est complété par un nouvel échelon en son sommet. Cet "échelon spécial" est accessible par la voie de l'avancement dans les limites d'un ratio défini par la collectivité. De plus, un troisième grade, dit d’administrateur général, vient s’ajouter aux deux grades existants. Lui aussi est coiffé d'un échelon spécial. Il est réservé à des cadres ayant exercé pendant une durée minimum de huit à dix ans, de hautes responsabilités, notamment en occupant un emploi fonctionnel. Il s’agit de la transposition du "grade à accès fonctionnel" (Graf), dont bénéficient les administrateurs civils depuis l’an dernier.

Fin de la promotion interne "au choix"

Davantage que ces mesures de revalorisation, la création d’un "tour extérieur" pour l’accès au cadre d’emplois est en passe de changer le visage de ce dernier. A partir du 1er janvier prochain, les employeurs ne pourront plus accorder à leurs cadres les plus méritants (attachés principaux, directeurs…) une promotion leur permettant de devenir administrateurs. A la place, un examen professionnel sera organisé, pour la France entière, par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Seuls les candidats dont le dossier aura été sélectionné, pourront passer l’épreuve d’admission composée d’un entretien de quarante minutes avec un jury, tel que le précise un décret publié le 25 août. Selon le CNFPT, les premières épreuves d'admissibilité seraient organisées dès l'année prochaine, et ce "avant les congés d'été". Les épreuves d'admission devant se dérouler après ces mêmes congés.
Les nouvelles règles présentent a priori l'avantage d'une plus grande équité. Les cadres supérieurs des collectivités moyennes ne seront plus défavorisés comme ils l'étaient avec la promotion interne, qui profitait aux grandes collectivités. "L'examen professionnel met les territoriaux sur un pied d'égalité", résume Jean-Marc Legrand, directeur de l'Institut national des études territoriales (Inet).
Mais, de ce fait, un certain nombre des heureux lauréats de l’examen professionnel devront changer d'employeur pour poursuivre leur carrière (alors qu'actuellement les bénéficiaires de la promotion interne trouvent en général des débouchés au sein même de leur collectivité). Le CNFPT "accompagnera" les agents concernés dans leur recherche d’emploi.

Des règles plus rigoureuses

Autre évolution : les élus des grandes collectivités n'auront plus la possibilité de "booster" la carrière de certains cadres de leurs collectivités. Laurence Malherbe, présidente de l'Association des dirigeants territoriaux et anciens de l'Inet le regrette. "Des personnes aux parcours parfois atypiques, de ceux qui participent à la richesse de notre fonction publique" étaient ainsi mis à l'honneur. Par ailleurs, "les collectivités ont promu assez souvent des personnes proches de l'âge de la retraite", observe de son côté Jean-Marc Legrand. C'était une façon de récompenser les intéressés. Mais il faut être objectif : bien que l'avis de la commission administrative paritaire était requis, "le système entretenait un certain clientélisme", concède Laurence Malherbe. "Les dirigeants territoriaux pouvaient avoir une relation schizophrénique avec leurs élus", complète-t-elle.
Répondant à des règles plus rigoureuses, l'examen professionnel va-t-il pour autant faire une place aux carrières atypiques ? Accordera-t-il une reconnaissance à la formation continue par rapport aux formations initiales, de type grandes écoles ? Laurence Malherbe le souhaite vivement. Mais elle s'interroge. L'organisation du "tour extérieur" constituera un vrai challenge pour le CNFPT, car les candidats seront très nombreux et les élus, à l'opposé, très rares. Leur nombre, fixé par le président du CNFPT, ne pourra excéder une proportion de 70% du nombre de candidats admis à l'ensemble des concours (externe, interne et troisième concours) d'administrateur territorial. En 2014, 42 postes seront ainsi ouverts aux lauréats de l'examen professionnel, contre 60 postes qui seront ouverts aux lauréats des concours. Au CNFPT, on aurait souhaité disposer d'une latitude plus grande, permettant de répartir à égalité le nombre de postes entre les deux voies d'accès. Une option qui avait aussi la préférence de l'AATF.

Le concours conforté

Marie-Francine François, présidente de l'AATF, ne boude pas pour autant son plaisir. L'instauration d'un "tour extérieur" sur le modèle de celui qui existe pour les administrateurs civils est une demande de longue date de l'association. De plus, l'augmentation du nombre de postes ouverts au concours conforte cette voie d'accès et, donc, contribue à la "crédibilité" et à la "légitimité" du cadre d'emplois, estime la présidente de l'AATF. En effet, c'est véritablement "le concours, voie normale d'accès à la fonction publique, avec ses exigences, qui détermine le niveau de recrutement d'un cadre d'emplois", souligne-t-elle.
L'augmentation de la place faite au concours est si conséquente qu'elle devrait modifier à moyen terme la composition des administrateurs territoriaux. Avec, selon le CNFPT, 800 représentants en activité, la part des administrateurs qui sont des lauréats du concours est appelée à s'étoffer, alors qu'aujourd'hui elle demeure minoritaire. Les administrateurs en activité issus de la promotion interne étant, en effet, entre 1.000 et 1.200.
Doté d'un déroulement de carrière et de règles de promotion calqués sur la fonction publique de l'Etat, les administrateurs territoriaux seront, a priori, mieux à même de répondre aux défis posés par la réforme de la décentralisation actuellement discutée au Parlement - qui tend en particulier à favoriser la création de structures de grande taille. Mais on peut douter que la réforme seule suffise à leur ouvrir plus grandes les portes de la haute fonction publique d'Etat et des cabinets ministériels.

Thomas Beurey / Projets publics

Ingénieurs en chef : la réforme relancée ?
Autre gros morceau de la réforme de l'encadrement supérieur territorial, la création d'un cadre d'emplois des ingénieurs en chef, distinct de celui des ingénieurs, pourrait bientôt être en vue. Inscrite dans la loi relative à l'accès à l'emploi titulaire du 12 mars 2012, la mesure est suspendue à la parution d'un décret, qui n'a pas encore été examiné par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT). En projet, celui-ci aurait fait l'objet d'une réunion interministérielle au mois de juin dernier, affirme Jean-Pierre Auger, président de l'Association des ingénieurs territoriaux de France (AITF). Après la réussite au concours, les ingénieurs en chef bénéficieraient d'une formation d'un an assurée par l'Inet. Forte de quelque 5.000 adhérents, l'AITF s'est prononcée en faveur de la réforme, même si elle lui semble perfectible. Elle défend plusieurs revendications en matière de déroulement de carrière. Des améliorations que ses responsables présenteront le 11 septembre aux représentants de la Direction générale des collectivités locales (DGCL). T.B. / Projets publics

 

Références : décrets n° 2013-738 et 2013-739 du 12 août 2013 ; décret n° 2013-766 du 23 août 2013.