Bâtiment - Le bois local sort de terre
En lançant début 2012 le programme "100 constructions publiques en bois local", la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) a pu s'appuyer sur son important réseau. Elle rassemble en effet 5.000 communes adhérentes, propriétaires de forêts, situées pour l'essentiel dans l'Est de la France. L'objectif de ce programme quinquennal (2012-2017) est d'apporter un accompagnement technique, sous forme d'ingénierie, aux maîtres d'ouvrage portant des projets de construction ou de rénovation de bâtiments en bois local. Trois premiers projets menés en 2010 ont servi d'exemple. Où en est-on aujourd'hui ? "Cinq bâtiments sont construits et trente projets répartis dans huit régions sont en cours. Pour les neuf premiers projets menés, cela représente 17 emplois locaux non délocalisables maintenus ou créés, 5.200 m3 de grumes et 2.500 tonnes de CO2 stockés", se réjouit Lydie Boisse, chef de projet à la FNCOFOR.
Dans les Vosges, la commune de Hadol construit par exemple son groupe scolaire en bois local. Budget : 4,4 millions d'euros. Sur une superficie de 5.000 ha, la commune compte 1.300 ha de bois, moitié résineux, moitié feuillus. "Le hêtre n'étant pas homologué, l'ossature bois est constituée d'épicéa. Le bardage est en douglas. Le projet nécessite 1.600 m3 de bois sur pied qui proviennent de la commune. Financièrement, cela nous revient plus cher car la filière n'est pas organisée. En fait, on donne le bois", explique son maire, Roger Colin, qui prévoit d'inaugurer cet établissement en février prochain.
Fibre jurassienne
Autre projet bien avancé, celui du syndicat mixte du canton de Morez, dans le Jura. Dans une petite commune, La Mouille, en plein cœur d'un parc naturel régional (PNR), il s'agit de construire une plateforme de stockage de bois déchiqueté. "Ce projet est né d'un travail du PNR sur un plan d'approvisionnement territorial en bois énergie. La ressource disponible a été recensée et les zones de stockage identifiées. Comme notre syndicat compte quatre chaufferies bois, notre secteur a été retenu. Les élus étaient d'autant plus motivés qu'ils voulaient améliorer la qualité des plaquettes alimentant ces chaufferies, jusque-là trop humides et mal calibrées", retrace François Cusenier, directeur des services du syndicat. Le projet a été mené en partenariat avec une association d'entrepreneurs forestiers (Pro-forêt) et la FNCOFOR, qui a aidé à élaborer le cahier des charges. La plate-forme comprend un bâtiment imposant – 64 mètres de long sur 18 m de large et 10 m de haut – qui sera livré fin mai. La structure est constituée de bois rond (grume entière). Les 600 m3 de bois utilisés (épicéa et sapin) ont été prélevés à environ 15 km. Un modèle suisse a servi d'inspiration : "Le bois a été coupé selon le calendrier lunaire, ce qui lui confère des qualités de longévité, de dureté, de résistance aux insectes xylophages et évite ainsi un traitement chimique. Pour obtenir la conformité technique du bâtiment, nous avons toutefois dû accepter un traitement particulier, par absorption du bois scié", ajoute le directeur. Huit communes participent au financement de cette plate-forme d'un coût de 600.000 euros, dont près de 180.000 euros pour le bois. D'une contenance de 5.500 m3, elle accueillera les futures plaquettes issues de hêtres locaux et découpées sur place.
Frère jumeau alpin
En accord avec cette démarche nationale, une association régionale, Bois des Alpes, poursuit depuis cinq ans les mêmes objectifs. "Les deux programmes s'imbriquent. Nous voulons faire reconnaître les caractéristiques mécaniques du bois des Alpes. Elles sont supérieures à la moyenne nationale car l'altitude implique une croissance plus lente", indique John Pellier, directeur adjoint des communes forestières de Paca, qui est intervenu en soutien au projet de construction d'un atelier pour l'ONF à Barrême (Alpes-de-Haute-Provence). "Au départ, la commune n'avait pas choisi une construction bois. Après avoir démontré que c'était possible avec un budget et un délai identiques, le maire a suivi et porté le projet", poursuit-il. L'atelier a été livré fin 2012 et coûté un peu plus de 1 million d'euros. Le bois provient des environs et a coûté 43.600 euros. "Nous avons identifié vingt projets en Paca. Des freins notamment financiers persistent. Si le coût du bois est souvent négligeable par rapport à l'ensemble du chantier, la difficulté est de reconstituer les filières. Car les gens ont perdu l'habitude de travailler en local et font appel au marché international, scandinave dans le cas du bois. Pourtant nous avons sur place la ressource nécessaire, en quantité et en qualité. Il suffit de changer les habitudes", conclut John Pellier.