Environnement - L'Autorité environnementale affirme son rôle de garant
Après trois ans et demi d'activité et près de 250 avis rendus sur la bonne prise en compte des enjeux environnementaux par les maîtres d'ouvrage ou autorités décisionnaires, l'Autorité environnementale (AE) peut se targuer d'un bon bilan. "S'il nous est arrivé au début de nous interroger sur notre utilité, notre rôle s'est progressivement affirmé et nos avis sont de mieux en mieux pris en compte par les maîtres d'ouvrage", motive Michel Badré, président de cette instance qui fonctionne de manière collégiale et compte depuis peu un élu parmi ses membres (Christian Decocq, ancien député et conseiller général du Nord, en tant que personne qualifiée). Très soucieuse de son indépendance et "attentive à respecter, sans les outrepasser, ses responsabilités", elle a la particularité en France de ne pas être directement rattachée au cabinet de la ministre de l'Environnement mais - légère différence avec la plupart des voisins européens - à l'un des services d'inspection et d'expertise de son ministère, le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD). Autre point important : ses avis à caractère consultatif sont directement mis en ligne (et donc rendus publics) une fois prononcés, ce qui laisse peu de marge de manoeuvre aux pétitionnaires pour influer sur leur contenu. "De toute façon notre crédibilité nécessite l'absence de liens avec eux", rassure Michel Badré. Porter un avis de garant, sans parti pris ni instrumentalisation pour ou contre un projet, n'en reste pas moins une mission délicate. Le fait que l'AE réunisse des experts et fonctionnaires en fin de carrière semble être un gage de cette liberté d'esprit. "Il y a des choses que nous sommes les seuls à pouvoir dire", poursuit Michel Badré, en clin d'œil à un avis récemment rendu sur le projet de schéma directeur de la région Ile-de-France (Sdrif), non dépourvu d'un constat quelque peu critique à l'égard de l'empreinte environnementale du projet. "On ne se pose pas en donneur de leçons et ne pointe ni la faute de la région, ni d'une collectivité en particulier. L'empreinte environnementale d'un tel projet relève d'un problème collectif."
Une année chargée
Le mode d'intervention de l'AE est très réglementé mais nullement figé. Ainsi, ses missions se sont étendues au fur et à mesure que s'est étoffé le champ de l'évaluation environnementale. Une nouvelle procédure d'examen "au cas par cas" a été introduite, qui a nécessité de s'adapter en interne. Elle conduit l'AE à décider si un projet doit être ou non soumis à étude d'impact et concerne de "petites opérations annexes à des projets plus importants", par exemple des pôles multimodaux. En 2012, l'AE a aussi examiné la quasi-totalité des projets de charte de parcs nationaux. D'ailleurs, elle salue au passage la qualité de présentation des documents destinés au public fournis par les parcs des Cévennes et de Guyane. Et fait dans son rapport annuel un rappel à l'ordre sur le manque de lisibilité des dossiers d'enquête publique. "Rendre accessible le contenu des dossiers que l'on nous transmet, parfois dans des cartons et sur des centaines de pages, fait partie de notre mission. Quelques maîtres d'ouvrage fournissent des éléments lisibles et compréhensibles. Les études d'impact progressent en qualité mais il y a encore du chemin à faire", souligne Mauricette Steinfelder, membre de l'AE.
Dossiers récurrents, enjeux émergents
De façon générale, la moitié des projets que l'AE examine relève à égalité de l'aménagement (même si un tarissement des dossiers de zones d'aménagement concerté ou ZAC est observé) et des transports (projets de LGV par exemple mais aussi, Grand Paris oblige, un cru 2012 fertile en projets de transports franciliens). Un grand nombre d'avis ont aussi porté sur des projets de lignes à haute tension. Autres enjeux récurrents : le bruit ferroviaire (et celui, plus émergent, des tramways) et les compensations apportées aux impacts négatifs des projets. "Pour la première fois, l'AE a été amenée, à l'occasion d'un dossier de défrichement lié au projet Villages Nature [à Marne-la-Vallée, en Seine-et-Marne] à prendre une position défavorable à l'apport d'une compensation en argent pour des préjudices environnementaux." Enfin, conformément à une disposition permettant au maître d'ouvrage de la solliciter pour un éclairage sur les enjeux environnementaux d'un projet, et ce en amont de l'étude d'impact, l'AE est intervenue à deux reprises pour un "cadrage préalable" : pour le projet de Sdrif et le démantèlement des barrages de la Sélune (Manche). "Mais nous veillons dans ce cas à ne surtout pas devenir co-constructeur du projet avec le maître d'ouvrage", conclut Michel Badré.