Accueil des gens du voyage - L'Assemblée rétablit les obligations des villes de moins de 5.000 habitants
Le 21 juin, l'Assemblée nationale a adopté à son tour, en première lecture, la proposition de loi relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites. Cette PPL résulte de la fusion de deux textes déposés respectivement par Jean-Claude Carle, sénateur de Haute-Savoie, et une quarantaine de ses collègues du groupe LR (proposition de loi "tendant à soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans leur mission d'accueil des gens du voyage") et par Loïc Hervé, également sénateur de Haute-Savoie, et plusieurs de ses collègues du groupe Union centriste ("visant à renforcer et rendre plus effectives les sanctions en cas d'installations illégales en réunion sur un terrain public ou privé"). La proposition de loi résultant de cette fusion a été adoptée par le Sénat le 31 octobre dernier (voir notre article ci-dessous du 2 novembre 2017 sur le contenu de la proposition de loi).
Un texte sénatorial souple sur les obligations des collectivités et sévère sur les sanctions
De leur côté, les députés avaient engagé l'examen de ce texte lors de deux premières séances, le 5 avril dernier, mais avaient dû interrompre la discussion, avant de la reprendre et d'adopter la proposition de loi, avec plusieurs modifications, le 21 juin.
La proposition de loi entend clarifier le rôle des différentes collectivités - et notamment de la commune et de l'EPCI - en matière d'accueil des gens du voyage. Le texte d'origine supprimait en particulier les obligations en la matière des communes de moins de 5.000 habitants, sauf si la commune appartient à un EPCI à fiscalité propre comptant au moins une commune de plus de 5.000 habitants.
De même, le texte du Sénat disposait que le schéma départemental d'accueil des gens du voyage ne peut prévoir la réalisation d'aires ou de terrains sur le territoire d'une commune "que si le taux d'occupation moyen des aires et terrains existants dans le même secteur géographique d'implantation, constaté au cours des trois dernières années, est supérieur à un seuil défini par décret". Enfin, les places d'aires d'accueil devaient être prises en considération dans le décompte des obligations de la loi SRU.
Côté répressif, le texte renforcait les moyens des maires face aux occupations illicites et relevait les sanctions à l'encontre de ces dernières, en portant l'amende de 3.750 à 7.500 euros (la peine de six mois d'emprisonnement - jamais appliquée - restant inchangée).
Retour à une approche plus souple à l'Assemblée
L'Assemblée nationale a fortement atténué, voire supprimé, certaines dispositions de la proposition de loi, seul quatre articles sur dix figurant en définitive dans le texte adopté. L'essentiel des modifications s'est fait en commission des lois, seul un amendement ayant été adopté en séance publique. Les députés ont notamment rétabli les obligations incombant aux communes de moins de 5.000 habitants, qu'elles soient ou non membres d'un EPCI comptant une commune de plus de 5.000 habitants. De même, l'Assemblée a supprimé la prise en compte des places au titre de la loi SRU, ainsi que la majoration - de 150 à 200 euros - de la taxe annuelle sur les résidences mobiles terrestres occupées à titre d'habitat principal.
La commission des lois avait également allégé fortement - mais sans les supprimer - les sanctions supplémentaires contre les occupations illicites, figurant dans le texte originel du Sénat. Les députés sont toutefois revenus sur une modification introduite par la commission des lois de l'Assemblée. Celle-ci avait en effet supprimé l'article du texte du Sénat doublant l'amende pour stationnement illicite. Mais, en séance publique, les députés ont adopté un amendement du groupe LR rétablissant ce doublement et portant l'amende pour stationnement illicite de 3.750 à 7.500 euros. Virginie Duby-Muller, la rapporteure (LR) de la commission des lois, a émis, à titre personnel, un avis favorable à cet amendement et le gouvernement - représenté par Jacqueline Gourault, la secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur - s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée.
Occasion manquée ou texte équilibré ?
Lors des explications de vote sur le scrutin public demandé par la groupe LR, Martial Saddier, député (LR) de Haute-Savoie - département le plus touché par la question - a regretté que la proposition de loi ait été "vidée de son contenu" lors de son passage en commission. Il a rappelé que "dans certains [départements], des tensions, notamment avec les milieux économiques - je pense particulièrement aux agriculteurs - deviennent inacceptables. Nous faisons partie de ceux qui n'auront pas cessé de dire qu'elles déboucheront un jour sur des drames".
Pour le groupe UDI-Agir et indépendants, Sophie Auconie, députée d'Indre-et-Loire, s'est également prononcée contre le texte, jugeant que "les collectivités locales se doivent d'honorer leurs engagements légaux et de mettre à la disposition des communautés des gens du voyage des terrains et des aires d'accueil adaptés [...]. En contrepartie, les membres de la communauté des gens du voyage doivent aussi se conformer aux règles en vigueur et veiller à ne pas troubler l'ordre public en occupant illégalement des terrains publics ou privés".
A l'inverse, Bastien Lachaud, député (LFI) de Seine-Saint-Denis, a refusé de voter le texte, mais en considérant que "même si cette proposition de loi a été édulcorée de ses dispositions les plus graves, il reste de nombreuses mesures particulièrement problématiques".
Pour le groupe LREM, Didier Paris, député de Côte d'Or, estime au contraire que la proposition de loi a su "conserver un point d'équilibre, qui n'est évidemment pas aisé à trouver". Il a rappelé qu'"aucune raison ne justifierait que les collectivités lèvent le pied dans l'effort qu'elles accomplissent concernant les conditions d'accueil des gens du voyage", indiquant au passage que "50% des aires de grand passage et seulement 18% des schémas départementaux sont conformes à la loi Besson".
Le sort du texte se jouera désormais lors de la navette parlementaire et de la commission mixte paritaire.
Références : proposition de loi relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites (adoptée en première lecture par le Sénat le 31octobre 2017 et par l'Assemblée nationale le 21 juin 2018).