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Protection de l'enfance - L'Assemblée ratifie l'accord de 2007 sur les mineurs isolés roumains

Un mois après l'entrée de la Roumanie dans l'Union européenne, mais bien avant les expulsions de Roms de l'été 2010, soit le 1er février 2007, la France et la Roumanie signaient un accord "relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire de la République française et à leur retour dans leur pays d’origine, ainsi qu'à la lutte contre les réseaux d’exploitation concernant les mineurs". Jusqu'alors, les relations en la matière entre les deux pays étaient régies par un accord signé, pour trois ans, le 4 octobre 2002. Selon la rapporteure du projet de loi de ratification lors du débat à l'Assemblée nationale, le bilan de ce premier accord est apparu "nuancé", les progrès accomplis - notamment du côté roumain avec la mise en place d'une politique de lutte contre le trafic d'êtres humains - étant encore loin de régler la question.
L'accord du 1er février 2007 entendait donc tirer la leçon du précédent en améliorant l'efficacité du dispositif. Ceci s'est traduit notamment par le renforcement de la lutte contre les réseaux d'exploitation des mineurs, qui apparaît désormais dès le préambule de l'accord. Les stipulations relatives à la prise en charge des mineurs en France et au groupe de liaison opérationnel ont en revanche été reconduites quasiment à l'identique. L'accord de 2007 prévoit ainsi que la France "met en place un dispositif de prise en charge des mineurs roumains isolés en difficulté sur son territoire". Cette prise en charge comprend notamment "la prise de contact sur le territoire français, l'instauration d’un lien de confiance, l'accueil, l'hébergement, le suivi sanitaire, l'élaboration d'un projet d'accueil en Roumanie, la préparation du retour et l’accompagnement des mineurs jusqu’en Roumanie".
L'accord du 1er février 2007 a toutefois connu un sort très différent dans les deux pays signataires. Ainsi, le gouvernement roumain - qui n'a pas lancé de procédure de ratification parlementaire - a approuvé l'accord dès le 10 octobre 2007. Il n'en a pas été de même en France, où les vives réactions des associations, mais aussi l'évolution du dossier lui-même, ont conduit les pouvoirs publics à temporiser, au point que l'Assemblée nationale n'a finalement ratifié l'accord que le 7 octobre 2010 (après le Sénat le 6 mai dernier), soit plus de trois ans et demi après sa signature.
Les critiques se sont cristallisées notamment sur l'article 4 de l'accord consacré au retour dans leur pays des mineurs roumains isolés. Dans un communiqué du 7 octobre, l'association Hors la rue - soutenue par la Cimade, le Gisti et l'association DEI-France - affirme à nouveau que l'accord de 2007 "n'apporte aucune garantie de protection supplémentaire pour des enfants qui se trouvent pour un grand nombre en situation de danger. Bien au contraire, ces accords constituent une entrave à la protection de l'enfance, en supprimant notamment les enquêtes sociales préalables à tout renvoi, auparavant obligatoires". Lors du débat à l'Assemblée nationale, le 7 octobre, le secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes et la rapporteure de la commission des affaires étrangères se sont au contraire efforcés de rassurer sur ces dispositions en rappelant que les renvois de mineurs isolés en Roumanie ont toujours été rares (une soixantaine depuis 2003) et en affirmant que "la procédure décrite à l'article 4 du nouvel accord n'a pas pour but de conduire à une explosion du nombre de retours, mais à faciliter ceux qui sont dans l'intérêt du mineur". La rapporteure du projet de loi a notamment indiqué que l'intervention du procureur de la République - qui inquiète beaucoup les associations - n'a pas pour objet d'empiéter sur les pouvoirs actuels du juge des enfants mais, au contraire, d'aligner le contenu de l'accord sur le dispositif français de protection de l'enfance, qui permet au procureur d'intervenir en cas de danger imminent pour le mineur. La discussion et l'adoption du texte ont donné lieu à des échanges très animés - contrairement au lot commun des lois de ratification d'accords internationaux -, l'opposition ayant même pour l'occasion déposé une motion de rejet préalable.

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Roumanie relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire de la République française et à leur retour dans leur pays d'origine ainsi qu'à la lutte contre les réseaux d'exploitation concernant les mineurs (adopté en première lecture au Sénat le 6 mai 2010 et à l'Assemblée nationale le 7 octobre 2010).

 

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