Gens du voyage - L'intégration des Roms ne parvient pas à mobiliser les ministres européens
Le deuxième Sommet européen pour l’inclusion sociale des Roms devait être l’événement phare de la présidence espagnole de l’Union européenne. Organisé les 8 et 9 avril, dans le cadre de la Journée internationale des Roms, il n’a pas réussi à mobiliser les ministres européens concernés.
Depuis les élargissements de 2004 et 2007, la population Rom vivant dans l’Union européenne est passée à 10 ou 12 millions d’individus, selon les estimations, ce qui en fait la minorité la plus importante. Pourtant composée en majorité de citoyens européens, elle est confrontée à une série de difficultés : pauvreté, violences, discriminations et ségrégation, comme le souligne un rapport récent de l'Agence pour les droits fondamentaux de l'Union européenne. En cette "année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale", la présidence espagnole en avait fait une de ses priorités. Mais le sommet des 8 et 9 avril, à Cordoue, censé déboucher sur des solutions en matière d'inclusion socio-économique, à partir des conclusions du Conseil emploi et Aafaires sociales de juin 2009, a accouché d'une souris.
Utiliser les fonds structurels
Animé davantage par des experts que par les ministres très peu nombreux à avoir fait le déplacement, le sommet s'est achevé sur de timides engagements visant notamment à améliorer l'utilisation des fonds européens en faveur de cette communauté. Dans la "déclaration de Cordoue" adoptée à l'issue du sommet (voir ci-contre), le trio de la présidence européenne - Espagne et Belgique et Hongrie - qui prendront sa succession - "s'assure que les instruments financiers de l'Union européenne, en particulier les fonds structurels, sont mis à la disposition de Roms, répondent à leurs besoins et ont un impact effectif sur l'amélioration de leurs conditions de vie".
Le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Pierre Lellouche a vivement critiqué jeudi l'absence des ministres concernés et déploré avoir assisté à "beaucoup d'incantations et pas beaucoup de décisions". La France compte quelque 10.000 Roms, dont la moitié en Ile-de-France. Plusieurs élus de Seine-Saint-Denis, ont d'ailleurs lancé un appel jeudi, à Saint-Denis, pour dénoncer une situation "alarmante". La question a fait l'objet d'un accord de coopération en février dernier entre Paris et Bucarest prévoyant notamment l'utilisation de fonds français et européens pour la réinsertion des Roms en Roumanie.
A Cordoue, Pierre Lellouche avait réclamé "une cartographie des micro-régions où les gens ne sont pas intégrés pour que les efforts de l'UE soient ciblés, qu'on puisse contrôler l'utilisation de l'argent", et "qu'il y ait surtout des programmes en matière d'éducation". Mais les engagements pris ne comportent pas d'avancée notable par rapport au précédent sommet de 2008 à Bruxelles.
Les Roms ne disposent pas d’une ligne budgétaire spécifique dans les programmes opérationnels des fonds structurels : ils entrent dans les catégories "minorités" ou "groupes vulnérables", ce qui, théoriquement, devrait leur permettre d’en bénéficier mais, dans les faits, n’assure pas la réalisation de nombreux projets en leur faveur. Pas de changement en perspective : Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne (CE), s’est prononcée contre la mise en place d’une stratégie particulière à leur intention. La politique de l’UE doit "leur profiter comme à tous les autres citoyens européens", a-t-elle déclaré. "Il faut être réaliste, nous n’allons pas changer les choses du jour au lendemain."
FSE à Paris, Grenoble et Nantes
Pourtant, la mobilisation du Feder et du FSE pourrait permettre aux Etats et aux collectivités territoriales de financer certaines de leurs actions : si les fonds structurels ne peuvent financer l’obligation légale d’accueil des gens du voyage (la loi Besson II oblige les communes de plus de 5.000 habitants à avoir un terrain d’accueil), ils peuvent être mobilisés sur des projets innovants et à forte valeur ajoutée. Par exemple, en France, l’association Habitat-Cité travaille actuellement sur un projet de suivi et d’accompagnement de migrants Roms roumains éloignés de l’emploi dans les agglomérations de Paris, Grenoble et Nantes en vue de leur insertion sociale et professionnelle. L’initiative, menée en collaboration avec des organisations roumaines, doit permettre le transfert de pratiques et outils innovants entre les deux pays ainsi qu’une réflexion commune sur la thématique de l’emploi pour cette population. 69.000 euros ont été alloués par le FSE sur le coût total prévisionnel du projet de 166.000 euros. Afin d’encourager ce type d’initiatives, la Commission européenne travaille actuellement à la réalisation de deux études dont une dédiée au FSE. Elles auront pour but de mettre en évidence les projets, programmes et politiques favorisant l’inclusion sociale des Roms.
K.M. et M.T.