Développement durable - L'Assemblée dit oui à de nouveaux indicateurs pour le pilotage des politiques publiques
Lors de l'élaboration et de l'examen du prochain budget de la France, le gouvernement et les parlementaires s'appuieront-ils sur de nouveaux indicateurs de développement, les considéreront-ils aussi importants que le produit intérieur brut (PIB), pour "[évaluer], de fait, la réussite de la politique d'un exécutif"?
C'est le vœu qu'a exprimé la députée écologiste Eva Sas le 29 janvier à l'Assemblée nationale, en exposant les motifs d'une proposition de loi "visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques". Soutenu par le gouvernement, le texte a été adopté à l'unanimité, en première lecture, par les quelque députés présents dans l'hémicycle, écologistes, socialistes, radicaux de gauche et UDI.
"De nouveaux indicateurs pour un nouveau modèle de développement"
Selon cette proposition de loi, qui ne contient qu'un article, "le gouvernement remet annuellement au Parlement, le premier mardi d'octobre, un rapport présentant l'évolution, sur les années passées, de nouveaux indicateurs de richesse, tels que des indicateurs d'inégalités, de qualité de vie et de développement durable, ainsi qu'une évaluation qualitative ou quantitative de l'impact des principales réformes engagées l'année précédente et l'année en cours et de celles envisagées pour l'année suivante, notamment dans le cadre des lois de finances, au regard de ces indicateurs et de l'évolution du produit intérieur brut. Ce rapport peut faire l'objet d'un débat devant le Parlement".
Un texte succinct, donc, mais ambitieux. L'enjeu, pour la députée écologiste de l'Essonne, c'est de promouvoir un autre regard sur la situation de la France et les politiques qui y sont menées. Il s'agit de "montrer aux Français qu'au-delà du PIB, nous nous préoccupons de leurs revenus, de leur qualité de vie, de leur environnement et du patrimoine que nous léguerons à nos enfants." Observer et évaluer différemment pour, in fine, agir différemment et, notamment, "réintégrer des préoccupations de long terme, c'est-à-dire de soutenabilité, dans nos politiques publiques". "De nouveaux indicateurs en quelque sorte, pour un nouveau modèle de développement", a résumé le rapporteur du texte.
"En France, ce sont les les régions qui ont avancé"
L'idée n'est pas nouvelle mais, de l'avis d'Eva Sas, la France a pris du retard, alors qu'elle avait d'abord été "pionnière", au moment de la publication, en 2009, du rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi. Plus exactement, "en France, ce sont les territoires, et, en particulier, les régions, qui ont avancé", a estimé la députée de l'Essonne en se référant aux travaux portés notamment par l'Association des régions de France (voir notre article du 4 avril 2012).
Au niveau national, il y a bien un "suivi d'indicateurs dans le cadre de la stratégie nationale de développement durable, dans la lignée du rapport Stiglitz". Mais "qui connaît, étudie ou même simplement lit le chapitre XI de l'annexe statistique du rapport économique, social et financier ?" (*). Il n'y a pas eu d'appropriation politique de ces nouveaux indicateurs", a déploré Eva Sas.
Trois thématiques : l'environnement, la qualité de vie, le patrimoine
Pour favoriser cette appropriation, "il conviendrait d'organiser, comme dans tous les pays qui ont avancé sur ce sujet, une conférence citoyenne". La députée propose que "les quelques indicateurs pertinents à suivre en complément du PIB" soient définis, lors d'une telle conférence qui associerait "experts", "organismes statistiques", "services des différents ministères" et "citoyens".
Pour le rapporteur de la proposition de loi, ces nouveaux indicateurs devront concerner trois thématiques : "l'environnement, notamment les enjeux climatiques et la biodiversité ; la qualité de vie, plus particulièrement le revenu réel des ménages et les inégalités de revenus ; enfin, le patrimoine national public et privé qui doit être mis en regard de la dette".
Sur les inégalités, il importe aussi pour Eva Sas de réduire "les délais de production", qui sont aujourd'hui "tels que les statistiques sur les inégalités sont produites avec un décalage de deux ans et demi".
S'affirmer au niveau international, avec la COP21
Il y a aussi, sur un tel sujet, une opportunité à saisir sur le plan international : celle, pour la France, "de reprendre un rôle de chef de file au niveau mondial sur la question des indicateurs, notamment environnementaux, dans le cadre de la COP21".
Dans la droite ligne des travaux de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi, l'OCDE "publie désormais un rapport sur le mieux-vivre des citoyens qui couvre onze dimensions, comme le logement, le revenu, l'emploi ou les liens sociaux", a précisé la députée de l'Essonne. L'OCDE organise aussi une conférence internationale tous les trois ans. Au niveau européen, "les instituts statistiques élaborent aussi de nouveaux indicateurs de richesse, sous l'égide d'Eurostat, dans le cadre de l'initiative 'Beyond GDP'."
Caroline Megglé
(*) Ce chapitre XI de l'annexe statistique du rapport économique, social et financier "regroupe pourtant vingt-trois indicateurs de la plus haute importance qui répondent à nos préoccupations", a précisé la députée. "On y retrouve l'empreinte carbone, les inégalités de revenus ou encore l'espérance de vie en bonne santé. Mais quelle attention est portée à ce tableau de bord ? Quelle publicité en est faite ? En quoi ces indicateurs sont-ils pris en compte pour le pilotage de nos politiques publiques ?"