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Développement durable - Les régions se dotent de nouveaux indicateurs contre "la tyrannie du PIB"

L'Association des régions de France a présenté ce 4 avril de nouveaux indicateurs alternatifs au PIB pour mesurer le développement durable des territoires. Objectif : mieux appréhender les spécificités et les atouts des régions et affiner le pilotage des politiques publiques. Des discussions sont aussi en cours avec Bruxelles pour en tenir compte au niveau des fonds de cohésion.

Une marée noire génère de l'activité et a des effets positifs sur le produit intérieur brut (PIB) : l'exemple, un rien provocateur, est pourtant révélateur de la "tyrannie du PIB", selon les termes de Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes, chargé du développement durable au sein de l'Association des régions de France (ARF). Une "tyrannie" que les régions refusent aujourd'hui de subir en lui opposant de nouveaux indicateurs que l'ARF a présentés ce 4 avril.

Mieux appréhender l'état de bien-être ou de progrès

La réflexion de l'ARF trouve son origine dans les travaux de la commission Stiglitz sur la mesure de la performance économique et du progrès social. "Le PIB est la mesure de l'activité économique la plus utilisée, c'est uniquement une mesure de la production marchande et monétaire, même s'il a été souvent utilisé comme mesure du bien-être économique. Procéder ainsi conduit évidemment à des erreurs et à de mauvaises décisions politiques", précisait le rapport de la commission en 2008. Pourtant, ces travaux n'ont eu "aucune traduction concrète", a relevé Jean-Jack Queyranne. L'ARF a donc décidé de mettre sur pied en 2009 un groupe de travail afin de construire de nouveaux indicateurs alternatifs au PIB qui puissent mieux appréhender l'état de bien-être ou de progrès des territoires. Présidé par Myriam Cau, vice-présidente de la région Nord-Pas-de-Calais, chargée du développement durable, de l'évaluation et de la démocratie participative, ce groupe a travaillé avec des experts rassemblés au sein du Fair (Forum pour d'autres indicateurs de richesse), dont certains comme l'économiste Jean Gandrey ont participé à la commission Stiglitz.

Trois nouveaux indicateurs de richesse

Au final, les régions ont choisi de promouvoir trois nouveaux indicateurs de richesse permettant d'éclairer leur développement durable. Le premier, l'empreinte écologique, mesure la pression qu'exerce l'homme sur la nature en partant du principe que la plupart des consommations peuvent être évaluées sous la forme d'une surface (de terre ou de mer) biologiquement productive qu'il convient de mobiliser pour produire un bien ou un service. Le deuxième est l'indicateur de développement humain (IDH) qui reprend les trois grandes dimensions du développement humain définies par le programme des Nations unies pour le développement (Pnud) – santé, éducation et niveau de vie (capacité à bénéficier d'une vie longue et saine, capacité d'accès à l'éducation et aux connaissances, possibilité d'accéder aux ressources matérielles indispensables pour atteindre un niveau de vie décent) – auxquelles s'ajoutent d'autres variables permettant de les adapter davantage aux problématiques territoriales (pourcentage de la population adulte diplômée, revenu fiscal médian par unité de consommation, espérance de vie à la naissance pour les hommes et les femmes).
Le troisième indicateur retenu est l'indicateur de santé sociale (ISS), un indicateur composite qui reprend huit grandes dimensions (éducation, justice, logement, santé, revenus, travail et emploi, lien social et interindividuel). S'ajoutent à ces trois grands indicateurs vingt-deux indicateurs dits "de contexte" allant du taux de création d'entreprises à la qualité de l'air en passant par la part de la population adhérant à une association. "Nous disposons ainsi d'un tableau de bord partagé pour nous comparer entre régions et suivre nos progrès dans le temps", explique Myriam Cau.

De nouveaux classements régionaux

Par rapport aux habituelles comparaisons fondées sur le PIB, la hiérarchie des régions est ainsi bousculée. "L'Ile-de-France, n°1 pour le PIB, est mal classée au regard de l'ISS alors que le Limousin bénéficie de la santé sociale la plus élevée", illustre Jean Gandrey. L'Ile-de-France arrive en revanche en tête pour l'IDH, devant l'Aquitaine et Rhône-Alpes, tandis que le Nord-Pas-de-Calais est en dernière position, devancé par la Picardie et Champagne-Ardenne. Avec le Languedoc-Roussillon, la Picardie et Provence-Alpes-Côte d'Azur, le Nord-Pas-de-Calais affiche aussi la santé sociale la plus médiocre.
Pour Myriam Cau, l'intérêt de ces indicateurs est non seulement d'améliorer l'évaluation mais aussi d'affiner le pilotage des politiques publiques conduites par les régions mais aussi par l'Etat. "Qu'il s'agisse d'éducation, de santé, de politique culturelle, par exemple, ils peuvent permettre d'orienter les moyens vers les territoires qui souffrent de retards ou présentent des disparités." Des contacts ont aussi été pris avec l'office des statistiques européen Eurostat. "Nos interlocuteurs se sont montrés très intéressés, assure la vice-présidente de la région Nord-Pas-de-Calais. Ces indicateurs pourraient notamment aider à une meilleure péréquation des fonds de cohésion."