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Téléphonie mobile - L'Arcep lance un appel à la multitude sur la couverture et la qualité mobile

Pour réguler par la data, c'est-à-dire grâce au pouvoir de l'information, l'Arcep entend s'appuyer sur l'ensemble des acteurs du territoire pour compléter ses bases de données en matière de couverture et de qualité de service mobile. Autrement dit, faire appel à la multitude (crowdsourcing).

En charge de contrôler la couverture mobile du territoire, l'Arcep mise de plus en plus sur le pouvoir de l'information pour réguler et orienter le marché, en complément de ses autres outils d'interventions. Cette "régulation par la data" permet, selon son président Sébastien Soriano, "d'être plus agile et d'apporter des réponses là où la régulation traditionnelle peine". L'objectif n'est donc plus de contraindre les opérateurs, mais d'inciter les acteurs en diffusant "une information qui est très riche, ouverte à tous". Afin de donner corps à cette démarche, l'Arcep entend s'appuyer sur tous les acteurs proposant des services de production collaborative de mesures, de signalement de dysfonctionnement ou encore travaillant à diffuser l'information auprès des consommateurs. Un appel à partenariats a été lancé jusqu'au 30 septembre.

Informer le consommateur pour encourager les investissements

Afin de stimuler l'investissement dans les télécoms, l'Arcep entend améliorer la qualité et la lisibilité de l'information mise à disposition du consommateur. Souvent bien informé sur les prix, qui restent sa principale préoccupation, l'usager n'a à l'inverse que peu de connaissance sur la qualité du service qui lui est proposé. Une distorsion qui a pour conséquence d'accroître la concurrence sur les prix aux dépends d'autres critères (services, couverture), et diminuent la capacité des opérateurs à monétiser leurs investissements. Pour y remédier, et encourager les opérateurs à investir dans leurs réseaux, l'Arcep entend mieux informer le consommateur, notamment grâce au travail de la "multitude" (crowd). Autrement dit, plutôt que garder pour elle ses données en matière de couverture et de qualité de services*, l'Arcep souhaite les coupler à celles produites par d'autres : collectivités, associations, entreprises privées, bases de données "crowdsourcées" (alimentées par la multitude des particuliers). Pour Sébastien Soriano, il existe "beaucoup de choses en matière de crowdsourcing, mais en même temps, on peut essayer d'apporter plus d'informations, pour que le consommateur s'y retrouve mieux". Comme c'est déjà le cas en Autriche, où le régulateur local publie en open data des cartes de couverture et de qualité de services, alimentées par la multitude.

Qualité de service, couverture : fiabiliser le crowdsourcing

En matière de crowdsourcing, de nombreux outils et initiatives existent. Il s'agit pour Sébastien Soriano "d'apporter de la confiance par rapport à ces initiatives", "d'apporter de la fiabilité vis-à-vis de l'extérieur, de s'assurer que c'est pertinent et neutre". En échange d'accéder à certaines informations pour compléter ses propres bases, l'Arcep s'engage à "donner une sorte de label", qui indique que l'organisme respecte effectivement bien un cahier des charges précis. Comme l'a expliqué Fabien Renaudineau (Qosi), dont l'application 4GMark est téléchargeable gratuitement, "le crowdsourcing permet de donner une vision "utilisateur final", de collecter des millions de tests, et il n'y a plus de limites ni de temps, ni d'espaces" aux campagnes de mesures, qui alimentent "une base de données en temps réel". Mais pour lui, ce "crowd sauvage" a vocation à alimenter et à enrichir un "crowd maîtrisé" dont les résultats sont garantis par une méthodologie éprouvée et reconnue (statistiques, analytique, big data). Pour l'instant très urbaines, ces initiatives de crowdsourcing s'ouvrent aux territoires moins denses, comme dans les Pays de la Loire où le syndicat mixte Gigalis entend établir, à l'aide de Qosi, un cadastre numérique grâce à une application de tests de couverture embarquée avec les agents.

Surveiller : des cartes et une plateforme de signalement

L'Arcep reçoit régulièrement des plaintes de la part d'usagers quant à la qualité de services ou à la couverture mobile. Prévue dans le cadre de sa revue stratégique, la création d'une plateforme de signalement est également en bonne voie et devrait être mise en production en 2017. Les acteurs engagés dans ce type de logique sont également invités à se manifester auprès de l'Arcep, qui espère "passer à l'échelle" grâce à ce nouvel outil. Comme l'a expliqué Sébastien Soriano, le régulateur n'est "pas capable de répondre aux plaintes individuelles, mais elles permettent de détecter des problèmes sur le marché, et c'est à nous d'apporter une réponse systémique". Pour lui, cette plateforme doit permettre à l'utilisateur de passer d'une "logique de plainte consommateur" à "un acte citoyen". Enfin, de la même manière, les acteurs travaillant à mieux diffuser l'information auprès des utilisateurs et des consommateurs, par exemple sous la forme de comparateurs de couverture et de qualité peuvent rejoindre l'Arcep dans sa démarche. A cette fin, le régulateur espère publier d'ici fin 2016 des cartes de couverture, d'abord pour les SMS et les appels vocaux, puis pour la data. "On avancera étape par étape", a expliqué Sébastien Soriano, pour "fournir des informations fiables et professionnelles".

Ivan Eve / EVS

* Pour rappel, les cartes de couverture proposées par les opérateurs et fournies à l'Arcep sont construites sur la base de simulations, là où la qualité de services est mesurée sur le terrain, grâce à des campagnes de mesures.
 

6 mois depuis la revue stratégique, premier bilan
Présentée en janvier dernier, la revue stratégique du régulateur a six mois. L'occasion pour son président Sébastien Soriano de faire un premier bilan des 12 chantiers en cours et de présenter les 4 chantiers prioritaires pour les mois à venir. En plus de développer des partenariats pour enrichir les données sur la qualité et la couverture mobile et de travailler à la publication de cartes de couverture plus détaillées, l'Arcep s'est attelée à la modulation géographique de la tarification du cuivre ainsi qu'à la connectivité très haut débit des entreprises (marché entreprise). Sur les objets connectés, le régulateur a été chargé d'identifier les ressources disponibles (rapport sur l'IPV6 remis à Axelle Lemaire en juin) et a autorisé des expérimentations sur plusieurs bandes fréquences. En matière de neutralité du net ou de réglementation des opérateurs de services, la partie se joue à l'échelle européenne, où l'Arcep est très fortement engagée (présidence du BEREC). Enfin, l'Arcep a mené un état des lieux préliminaires afin de travailler en plus grande intelligence avec les collectivités, notamment par la création d'une plateforme d'échange et de documentation.  Ivan Eve / EVS