Régulation - L'Arcep défend son action et son bilan
L'Autorité de régulation des télécommunications (Arcep), récemment critiquée sur ses choix et son action, vient de bénéficier au cours de ces trois derniers jours d'une tribune exceptionnelle. Son président, Jean-Ludovic Silicani, intervenait en effet aux Assises du très haut débit, le 9 juillet. Puis, dans le cadre d'une concertation organisée par l'Arcep, il rencontrait les élus et les associations le 10. Et dès le lendemain, le 11, il était auditionné par les députés de la Commission des affaires économiques pour défendre son bilan.
"L'Arcep s'intéresse à la concurrence sans limites" et "fait des choix politiques à la place du politique"... ce pavé lancé à la mi-juin, par le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, avait quelque peu déstabilisé l'institution. Depuis, le régulateur a eu l'occasion de s'expliquer sur l'épisode de la quatrième licence accordée à Free. Mais la critique a eu des effets secondaires en relançant aussi le débat sur la "concurrence" dans le domaine des infrastructures. Lors de ses différentes interventions, le président de l'Arcep a tenté de corriger l'image négative d'un régulateur qui serait sorti de son rôle. Il a notamment mis en valeur les résultats de la mutualisation opérée dans le cadre de la régulation : les opérateurs alternatifs ont déployé plus de 6.500 km de fibre dans les fourreaux de France Télécom et le nombre de logements équipés, via la mutualisation, a triplé dans les zones très denses. La France se serait ainsi dotée d'un cadre réglementaire très favorable prévoyant "une mutualisation de 90% des investissements" sur la fibre optique et qui, "pour la première fois en Europe, a incité les acteurs à mutualiser leurs réseaux sur plus de 60% du territoire", a-t-il assuré.
La neutralité reste l'affichage privilégié
Devant les députés de la Commission des affaires économiques, le président a encore affiné son argumentation en répondant à ceux qui craignent l'arrivée des technologies VDSL2, susceptibles d'affaiblir le FTTH : "Gardons nous bien de toute vision totalitaire sur la technologie", a-t-il plaidé, "tous les ménages doivent accéder au haut débit fixe dans un délai raisonnable. La régulation est certes favorable au FTTH, mais le maintien d'une neutralité sur la manière de parvenir au très haut débit sur un territoire doit contribuer à animer la compétition". Une souplesse qui a joué dans la décision de Numéricable d'accélérer ses investissements sur ses propres réseaux pour passer progressivement à 9 millions de foyers éligibles au très haut débit et qui offrira de nouvelles perspectives avec la prochaine introduction de technologie VDSL2. La neutralité reste d'ailleurs l'affichage privilégié. Elle permet en effet d'appliquer la régulation "identiquement à des acteurs privés comme publics" et d'en assurer la durabilité "quels que soient les choix politiques opérés sur l'équilibre public-privé, dans l'investissement, dans les financements, comme sur le caractère plus ou moins centralisé des déploiements". Jean-Ludovic Silicani reconnaît, comme le ministre lui en a fait la remarque, une dimension politique à la régulation, mais préfère mettre l'accent sur sa dimension "technico économique". S'il y a eu confusion des genres, c'est plutôt par défaut, précise-t-il, en ajoutant habilement qu'"au cours des quinze dernières années, il y a eu l'idée erronée que l'action publique dans les télécoms se réduisait à celle du régulateur et le désengagement de l'Etat sur ce secteur a sans doute été une erreur".
Ce discours n'effacera pas totalement l'image "de producteur de concurrence" que l'Arcep a pu endosser. A l'issue de leur réunion avec les membres du collège de l'Arcep, les élus n'ont pas manqué de rappeler quelques uns de leurs griefs, comme l'indique l'Avicca dans un communiqué : "La concurrence par les infrastructures, non vraiment régulée entre la boucle locale de cuivre et la boucle locale fibre", qui reste un sujet majeur pour le très haut débit, ainsi que "le cadre de la montée en débit, les exigences de couverture mobile, la régulation de la collecte pour éviter les doublons...". De quoi animer les échanges et alimenter la négociation pour les mois à venir.