Rénovation urbaine - L'Anru publie un guide sur le développement économique des quartiers
Dix ans de rénovation urbaine commencent à porter leurs fruits. Alors que les quartiers sensibles accumulent les handicaps et voient, dans certains endroits, leurs commerces baisser les stores un à un sur le double effet de l'insécurité et de la concurrence des grandes surfaces, ceux qui ont bénéficié du PNRU relèvent progressivement la tête.
Tout d'abord, les opérations se sont traduites en emplois grâce aux clauses d'insertion dans les chantiers. 41.800 personnes en ont bénéficié, dont 82% étaient issues de ZUS, rappelle l'Anru. Aujourd'hui, 425 opérations sur les équipements économiques et commerciaux sont en cours, pour un total de 760 millions d'investissements : ici du commerce de proximité, là des locaux d'activités ou de services, ou des pépinières de quartiers, des hôtels d'entreprises...
L'un des exemples de ces grandes transformations est Strasbourg et ses quartiers du Neuhof et de Hautepierre, longtemps en déshérence. "A Neuhof, le tram a tout changé", assure Eléonore Hauptmann, chargée de l'animation du réseau des 500 chefs de projets de la rénovation urbaine à l'Anru. Autour du terminus du tram arrivé en 2007, sont venus se greffer un gymnase, un centre culturel, un centre commercial, un pôle médical… Le quartier de Hautepierre aussi bénéficie d'une bonne desserte, du tramway et de l'autoroute. La ville y a installé sa première pépinière d'entreprises, confiée à un gestionnaire privé, avec une capacité de 18 bureaux et de 10 ateliers. Hautepierre dispose en bordure d'équipements importants, un centre hospitalier universitaire, un Zénith, un magasin Ikéa… Car les quartiers de la rénovation urbaine ont de nombreux atouts à faire valoir, d'abord en termes de localisation, souligne Eléonore Hauptmann. Autrefois relégués loin du centre-ville, ils ont, du fait de l'étalement urbain été réintégrés dans la première couronne. Ils peuvent aussi se prévaloir d'espace et de prix abordables.
Le développement économique des quartiers sera l'un des enjeux des futurs contrats de ville. D'ailleurs, le ministre délégué à la Ville, François Lamy, qui s'est doté d'un conseiller pour le développement économique en début d'année - Thierry du Bouëtiez -, s'apprête à présenter un plan en Conseil des ministres, le 11 décembre, sur l'entrepreneuriat dans les quartiers. Selon un récent sondage commandé par l'Adie, 54% des jeunes de 18 à 24 ans dans les quartiers prioritaires souhaitent créer leur entreprise. Encore faut-il leur en donner la possibilité.
L'image a changé, mais il faut le faire savoir
Pour aider les élus, l'Anru vient, elle, de publier un guide pratique d'une centaine de pages intitulé "Consolider la dimension économique des territoires en rénovation urbaine". Guide qui vient compléter le travail entrepris en 2010-2011 par la Caisse des Dépôts avec son rapport sur "le développement économique dans les projets de rénovation urbaine". Il apporte des conseils pour élaborer une stratégie économique, sur la base d'un diagnostic, le tout appuyé d'exemples précis mais aussi de mises en gardes… "On veut être réaliste [...] Parmi les messages que l'on veut faire passer : les collectivités et les entreprises sont deux mondes qui doivent se rencontrer. Il y a un problème de synchronisation", explique Eléonore Hauptmann.
Le guide préconise d'offrir un immobilier d'activité bon marché, de soutenir la création d'activités, de développer le commerce et de conduire une démarche de marketing territorial à l'échelle de l'agglomération. "Les territoires ont changé sans changer. L'image a changé, mais il faut le faire savoir. Si l'identité du quartier est différente, il faut savoir la définir", poursuit Eléonore Hauptmann. C'est ce qu'a fait Lyon avec La Duchère : la communication, site internet à l'appui, lui a conféré "l'image d'un nouveau quartier sur le modèle de Lyon Confluence", précise le guide. Mais parfois les politiques se télescopent entre elles : le classement du Neuhof en zone de sécurité prioritaire (ZSP), sur fond de trafics de drogue ou de voitures brûlées, montre tout d'abord que la rénovation urbaine ne fait pas tout et, d'autre part, que les étiquetages risquent d'avoir la vie dure.
Pour Laurent Doré, directeur du pôle d'appui aux acteurs de la rénovation urbaine, "la question du parcours résidentiel n'a pas été suffisamment prise en compte jusqu'ici. Il faut se demander comment le quartier peut jouer un rôle à l'échelle de l'agglomération".