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Décentralisation - L'aménagement numérique a-t-il besoin d'un chef de file ?

Le sénateur Yves Rome a déposé une série d'amendements afin de trouver une issue positive au débat sur la compétence "aménagement numérique" (doit-elle revenir au département ou à la région ?) dans le cadre du projet de loi Lebranchu.

Après le feuilleton qui a vu députés et sénateurs attribuer successivement le bénéfice de la compétence "aménagement numérique" au département puis à la région, puis de nouveau au département, le sujet devrait être de nouveau abordé dans le cadre de l'examen en deuxième lecture du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles qui a débuté ce 2 octobre dans l'après-midi au Sénat. Yves Rome, président du conseil général de l'Oise et président de l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca), a en tout cas pris l'initiative de déposer avec douze autres sénateurs une série d'amendements afin de trouver une issue positive au débat.

Le schéma régional pourrait effacer celui des départements

Dans le projet de loi, les deux dispositions relatives à l'aménagement numérique du territoire ont de quoi perturber les porteurs de projets de RIP Ftth.
L'article 2 bis nouveau pourrait enrayer la dynamique de déploiement s'il était adopté. En effet il précise : "Lorsque le schéma régional d’aménagement et de développement du territoire comprend un volet consacré à l’aménagement numérique, ce volet tient lieu de schéma directeur territorial d’aménagement numérique, au sens de l’article L. 1425-2 du Code général des collectivités territoriales"… Une manière de renverser la logique établie jusqu'à présent en donnant cette fois à la région le dernier mot sur la stratégie de déploiement des réseaux. "On peut estimer que la quasi totalité des territoires sera couverte par un schéma approuvé au moment de la promulgation de la présente loi", souligne Yves Rome, qui préfère mettre en avant les risques de nouveaux retards dans la procédure de déploiement : "Quelles seraient les conséquences de l'adoption définitive de cet article, sachant que les aides du FSN sont conditionnées à la conformité des projets avec les SDTAN ?" Pour éviter les risques de blocages, le sénateur demandera la suppression de la disposition.

Faire confiance aux dynamiques locales

Concernant le chef de filat, Yves Rome reconnaît certes la légitimité du débat sur le rôle des collectivités territoriales en matière d'aménagement du territoire mais estime peu opportun d'en faire un sujet de crispation. En effet, relève-t-il, la grande majorité des projets ne peut être montée sans la participation financière de tous les échelons - intercommunal, départemental, régional, national, européen - ce qui implique l'établissement d'un consensus entre les parties. Il propose donc de faire confiance aux dynamiques locales et d'abandonner la référence au chef de filat départemental ou régional. De quoi mettre tout le monde d'accord, l'objet du différend n'existant plus.

L.1425-1 : un article à réformer

Mais il met aussi en garde sur le manque de souplesse de l'article L.1425-1 du CGCT qui ne permet pas aujourd'hui de séparer l'établissement d'un réseau et son exploitation. Or une demi douzaine de régions - Auvergne, Bretagne, Rhône-Alpes, Bourgogne, Aquitaine, Champagne-Ardennes et Poitou-Charentes - en accord avec leurs départements se préparent à des montages composites prévoyant par exemple une maîtrise d'ouvrage "proche du terrain" pour la réalisation des réseaux et une exploitation interdépartementale ou régionale afin de réaliser des économies d'échelle et accroître la capacité de négocier avec les opérateurs. Or de tels montages ne sauraient être engagés sans modification de la loi. Yves Rome propose de clarifier d'abord les compétences entre collectivités et leurs groupements, puis de faciliter d'une part les transitions entre les RIP de première et de seconde génération et d'autre part d'autoriser la séparation entre établissement et exploitation d'un RIP.

Récupérer le FCTVA

Pour parachever l'ensemble, comme en 2012, Yves Rome déposera en outre un amendement au projet de loi de finances pour 2014 afin de permettre aux collectivités membres de syndicats mixtes d'inscrire leurs participations non plus en section de fonctionnement mais d'investissement. L'objectif étant de leur permettre ainsi de récupérer le FCTVA .
Le suivi des débats donnera des indications sur les positions établies, y compris sur celles du gouvernement. Mais la réforme de la décentralisation portée par Marylise Lebranchu ayant été éclatée en trois projets de loi distincts, le premier texte actuellement en discussion ne traite pas complètement du sujet. Aussi, même dans l'hypothèse d'un règlement "à l'amiable" sur la question du chef de filat, les parlementaires devront remettre le couvert en 2014 avec le second volet de la réforme, consacré à l'égalité des territoires, qui prévoit en effet de renforcer les compétences régionales notamment sur l'aménagement numérique des territoires .