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Décentralisation - Modernisation de l'action publique : en commission, le Sénat campe sur ses positions

A la veille d'une seconde lecture qui débutera le 2 octobre, les sénateurs comptent bien continuer de faire entendre leur point de vue sur le projet de loi de modernisation de l'action publique. La commission des lois du Sénat vient de le montrer. Elle n'a pas hésité à supprimer plusieurs dispositions, dont l'obligation de coordination des collectivités par la voie de conventions contraignantes ou l'élection directe des conseillers des métropoles. Elle a toutefois conservé, en les aménageant, plusieurs dispositifs introduits par les députés, notamment la métropole du Grand Paris.

Examinant les 18 et 19 septembre le projet de loi de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles, la commission des lois du Sénat a très largement remanié le texte adopté en première lecture par les députés le 23 juillet dernier.
Pas plus que le "pacte de gouvernance territoriale", les "conventions territoriales d'exercice concerté" destinées à permettre une plus grande coordination des politiques locales ne sont du goût de la commission, qui les a considérées comme contraires à la libre administration des collectivités territoriales. Elle les a par conséquent supprimées. Tout comme, de facto, les sanctions prévues par les députés à l'encontre des collectivités qui ne les mettraient pas en œuvre. En revanche, elle a conservé les règles de composition de la conférence territoriale de l'action publique (CTAP) qui doit réunir les principaux exécutifs de chaque territoire régional. Ces règles "permettent de concilier à la fois un effectif raisonnable tout en proposant une représentation équilibrée des territoires ruraux et urbains", indique le rapporteur, René Vandierendonck. La commission a par ailleurs entériné le choix de confier la présidence de la conférence au président du conseil régional.
S'agissant des collectivités chefs de file, c'est-à-dire les collectivités désignées comme les pilotes d'une compétence partagée par tous les niveaux de collectivités, la commission a procédé à de nouveaux ajustements, principalement au profit des départements, des communes et de leurs groupements. Les premiers redeviennent – provisoirement ? – les chefs de file de l'aménagement numérique, une responsabilité que les députés avaient confiée aux régions. L'Assemblée des départements de France (ADF) a plaidé au cours des dernières semaines en faveur de cette mesure. Elle a donc été entendue au sein de la chambre haute où les représentants des conseils généraux sont nombreux. Par ailleurs, la commission a étendu le "chef-de-filat" des départements à l'action sociale concourant à la réduction de la précarité énergétique.
Dans le giron des responsabilités du bloc communal, elle a réintroduit les compétences adoptées par le Sénat en première lecture : aménagement de l'espace, développement local et accès aux services publics de proximité, tout en conservant la mobilité durable, adoptée par l'Assemblée nationale.
Sans surprise, les sénateurs ont rayé d'un trait la disposition mettant fin à l'obligation d'un référendum avant la fusion de plusieurs collectivités territoriales. Ils ont considéré que l'organisation d'une consultation, comme celle du 7 avril dernier sur la fusion des départements et de la région en Alsace, est "un gage d'enrichissement de la démocratie locale et d'intérêt des populations aux évolutions de leur territoire".
Malgré les craintes exprimées par certains sénateurs de voir le Haut Conseil des territoires faire de l'ombre au Sénat dans son rôle constitutionnel de représentation des collectivités territoriales, la commission s'est "félicitée" de l'introduction dans le texte par l'Assemblée des dispositions ouvrant la voie à sa création (elles figuraient au départ dans le troisième projet de loi de décentralisation dont l'examen est incertain). La commission a même étendu le champ des compétences de l'instance.
S'agissant des métropoles, autre gros volet du projet de loi, les sénateurs n'ont pas modifié les critères de création fixés par les députés, un peu moins limitatifs que ceux qu'ils avaient eux-mêmes déterminés en première lecture. En revanche, ils ont souhaité une nouvelle fois que les métropoles résultent d'un choix des communes concernées à la majorité qualifiée, et non de l'application automatique de la loi.
En outre, la commission a supprimé la disposition votée par les députés qui prévoyait la possibilité pour une commune de se retirer de l'intercommunalité à laquelle elle appartient pour rejoindre une métropole sans que soit requis l'accord de l'organe délibérant de l'établissement et celui des conseils municipaux des communes membres.
Comme on pouvait s'y attendre, les sénateurs ont fortement critiqué l'élection au suffrage universel en 2020 d'au moins la moitié des conseillers métropolitains, principe introduit par les députés. Rédigée "de manière imprécise", la disposition "contrevient au principe de la libre administration des collectivités locales", souligne le rapporteur. En outre, poursuit-il, "la métropole demeure un groupement de communes qui exerce en leur lieu et place les compétences de celles-ci." Les sénateurs ont donc supprimé la mesure.
Voulu par l'Assemblée, l'assouplissement des modalités de mise en œuvre de la dotation globale de fonctionnement (DGF) territoriale et de l'unification des impôts locaux dans les métropoles, a subi le même sort.
Les sénateurs ont voté la création à compter du 1er janvier 2016 de la métropole du Grand Paris. Si l'article est partiellement réécrit, l'architecture votée à l'Assemblée nationale est conservée : à savoir un EPCI à statut particulier réunissant Paris et les 123 communes de petite couronne francilienne. Dans le même temps, les intercommunalités existantes sur ce périmètre sont transformées en "conseils de territoire". Les sénateurs ont également précisé les missions de la future métropole francilienne. Celle-ci sera en charge de l'aménagement, de la politique locale de l'habitat, ainsi que de la protection, de la mise en valeur de l'environnement et du cadre de vie. La future métropole serait organisée en territoires regroupant au moins 250.000 habitants. Le périmètre de ces territoires devrait prendre en compte le périmètre des intercommunalités existant à la date de la création de la métropole ainsi que les contrats de développement territorial conclus à cette même date. Ces territoires se verraient déléguer la compétence de la politique de la ville. La métropole pourrait leur déléguer par la suite de nouvelles compétences. Les compétences de proximité, actuellement exercées par les intercommunalités, reviendraient aux communes après la dissolution des intercommunalités. Les communes pourraient alors choisir de continuer d’exercer en commun ces dernières compétences au sein de structures de type syndical.
Les sénateurs n'ont pas validé la transformation par l'Assemblée du pôle rural d'aménagement et de coopération en pôle d'équilibre et de coordination territorial. La commission des lois est revenue au dispositif que la chambre haute a mis en place en première lecture, au motif qu'il est "plus souple en ce qui concerne son organisation". La compétence du pôle en matière d'élaboration, de révision ou de modification du schéma de cohérence territoriale est à nouveau facultative.
Le Sénat examinera le projet de loi en séance publique à partir du 2 octobre prochain.

 

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