Archives

Social - L'allocation équivalent retraite une nouvelle fois prolongée

L'exercice est en passe de tourner à la tradition : pour la troisième fois consécutive, un décret prolonge pour un an - à nouveau "à titre exceptionnel" - l'allocation équivalent retraite (AER). Cette prestation est destinée aux personnes privées d'emploi qui comptent au moins 160 trimestres d'assurance vieillesse mais ne peuvent liquider leur retraite faute d'avoir atteint l'âge de 60 ans. Pour bénéficier de l'AER, les personnes remplissant ces conditions doivent, d'une part, arriver en fin de droits à l'assurance chômage ou percevoir une allocation chômage d'un montant inférieur à celui de l'AER et, d'autre part, disposer de revenus inférieurs à 1.569,12 euros par mois. En pratique, il s'agit donc le plus souvent de personnes à revenus modestes ayant commencé à travailler très jeunes. L'AER - versée par Pôle emploi - se divise en réalité en deux prestations distinctes : l'AER de remplacement (pour les personnes bénéficiaires du RSA ou de l'allocation de solidarité spécifique, ou ne percevant aucune autre allocation) et l'AER de complément (allocation différentielle). Le montant de l'AER est de 32,69 euros par jour au 1er janvier 2010, soit un peu moins de 1.000 euros par mois. La prestation est versée jusqu'au moment où son bénéficiaire peut faire valoir ses droits à une retraite à taux plein.
Dans le cadre de la politique d'encouragement à l'emploi des seniors, l'AER aurait dû normalement disparaître depuis près de deux ans et demi. En effet, l'article 132 de la loi de finances pour 2008 du 24 décembre 2007 avait prévu la suppression de l'AER au 1er janvier 2009, la prestation - créée en 2002 - s'étant révélée fortement incitative au retrait des seniors du marché du travail. Mais, entre-temps, la crise économique et la dégradation de l'emploi ont changé la donne. L'AER a donc déjà été prolongée d'un an à deux reprises. A l'époque, il s'agissait avant tout de lutter contre le chômage des seniors, en permettant aux personnes concernées d'attendre le basculement vers un régime de retraite. Aujourd'hui, le contexte est un peu différent. Cette troisième prolongation, officiellement jusqu'au 1er janvier 2011, intervient alors que le débat sur les chômeurs en fin de droits vient juste de s'achever par un accord entre les partenaires sociaux (voir notre article ci-contre du 16 avril 2010). Dans ce contexte, il paraissait difficile de ne pas renouveler une mesure qui cible plus particulièrement les chômeurs âgés en fin de droits, qui n'ont que très peu d'espoir de revenir sur le marché du travail. Le décret relatif à l'AER entérine d'ailleurs cette situation en permettant à son titulaire d'être, sur sa demande, dispensé de recherche d'emploi.
Bien que tardive - l'AER avait officiellement cessé d'exister le 1er janvier 2010 - cette nouvelle prorogation n'a rien d'une surprise. Le chef de l'Etat avait d'ailleurs laissé entendre, lors de ses entretiens avec les partenaires sociaux en février dernier, que la mesure serait prolongée. Cette décision constitue néanmoins une bonne nouvelle pour les départements. Faute d'une telle mesure, un certain nombre de personnes aux revenus très faibles et se trouvant dans la situation ouvrant droit à l'AER se seraient inévitablement tournés vers le RSA, en attendant la liquidation de leur retraite. L'enjeu est loin d'être négligeable, puisque le nombre de bénéficiaires de l'AER est de l'ordre de 50.000.

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : décret 2010-458 du 6 mai 2010 instituant à titre exceptionnel une allocation équivalent retraite pour certains demandeurs d'emploi (Journal officiel du 7 mai 2010).