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Odas - L'action sociale des départements à la veille d'un sévère "effet de ciseaux"

Passant au crible les dépenses départementales d'action sociale pour 2008, l'Odas estime que l'on a atteint "la fin d'un cycle", celui du ralentissement de la hausse de ces dépenses. La pause aura été de courte durée. Enfance, handicap, personnes âgées, minima sociaux... sur tous les fronts, la charge nette pour les conseils généraux risque de s'alourdir.

"Le calme avant la tempête ?" Tel était il y a un an le titre choisi par l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (Odas) pour son analyse des dépenses d'action sociale départementales 2007. Un an plus tard, l'Odas confirme son pronostic et donne pour titre à son analyse des chiffres 2008 "La fin d'un cycle". Ou comment, autrement dit, le ralentissement relatif constaté dans l'augmentation des dépenses d'action sociale des départements s'est sans doute interrompu fin 2008 pour laisser place en 2009 et 2010 à une forte montée en charge de la plupart de ces dépenses, que ce soit du côté du RMI - ou, désormais, du RSA -, de la protection de l'enfance ou du soutien à l'autonomie. En sachant que, dans le même temps, on prévoit "une diminution des recettes directes et probablement des concours de l'Etat". "Nous souhaitons témoigner de l'inquiétude que nous avons tous pour les trois prochaines années, face à un effet de ciseaux redoutable", a ainsi insisté ce 16 juin Jean-Louis Sanchez, le délégué général de l'Odas, en présentant cette étude annuelle. "Nous sommes à une phase charnière qui m'inquiète. Avec cet effet de ciseaux, les départements risquent de ne même plus pouvoir mettre en oeuvre ce que la loi exige", confirme Michel Dinet, président de l'Observatoire et président du conseil général de Meurthe-et-Moselle.
Globalement, en 2008, la charge nette d'action sociale des départements métropolitains (à savoir les dépenses nettes effectivement à la charge des départements, déduction faite des concours de l'Etat) a augmenté de 3,7%, soit de 700 millions d'euros, dépassant ainsi le cap des 20 milliards d'euros. La dépense nette frise elle les 27 milliards d'euros.
La modération de cette hausse est essentiellement à mettre au crédit de la baisse du nombre de bénéficiaires du RMI ainsi que, pour une moindre part, à un ralentissement de la hausse des dépenses d'aide sociale à l'enfance (ASE). La hausse constatée étant moindre que celle des autres champs de dépenses départementales - sauf dans le domaine du handicap -, la part du social dans les budgets départementaux diminue. Analysant la structure des dépenses 2008, l'Odas relève que si la dépense nette se répartit en parts presque égales entre l'ASE, les personnes handicapées, les personnes âgées, le RMI et les "autres dépenses" (celles de personnel notamment), la charge nette fait en revanche clairement ressortir l'ASE (28%, contre 6% pour le RMI).

 

L'enfance, elle aussi victime de la crise ?

S'agissant de la protection de l'enfance précisément, la moindre hausse des dépenses (+3,8%, contre en moyenne +5% par an durant les six années précédentes) est surtout liée au placement en établissement (lequel représente pas moins de 80% des 5,75 milliards d'euros de dépense nette d'ASE). En sachant que parallèlement, avec la mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007, les départements "se trouvent confrontés depuis 2008 à une importante charge de travail supplémentaire", notamment en lien avec le recueil et l'évaluation des "informations préoccupantes". Pour le moment, l'Odas n'est pas en mesure d'expliquer de façon catégorique le léger tassement des placements en établissement. S'agit-il d'une diminution du nombre d'enfants placés, d'une amélioration des modes de gestion ou bien de la mise en place de "formules innovantes et moins coûteuses" telles que le placement temporaire, s'interroge Claudine Padieu, directrice scientifique de l'Odas, privilégiant la troisième hypothèse. Quoi qu'il en soit, 2008 a certainement été la dernière année de cette légère embellie : "Il est certain que l'on aura une hausse sensible en 2009 et 2010, conséquence du chômage, de la désintégration sociale", prévoit-elle - et de ce que Jean-Louis Sanchez nomme "précarité relationnelle".
Du côté du RMI, les choses sont plus certaines encore, puisque l'on sait déjà que le nombre de Rmistes a augmenté au cours du premier trimestre 2009 (voir notre article du 12 juin ). Mais en 2008, la charge nette liée au RMI (déduction faite des récupérations d'indus, de la TIPP et du FMDI) a bien connu une chute de 10%, pour descendre à 1,13 milliard, dont 240 millions pour l'allocation (pour une dépense totale d'allocation de 5 milliards) et 890 millions pour les dépenses d'insertion. L'Odas a par ailleurs réalisé un petit bilan cumulé de la charge nette d'allocation RMI pour les départements sur cinq ans : 1,3 milliard. Sachant qu'il ne s'agit que de la métropole et que la récupération d'indus est déjà déduite (d'où un écart avec le chiffre de 2,3 milliards actuellement avancé par l'Assemblée des départements de France).

 

Allocations : les charges nettes restent importantes

Le soutien aux personnes handicapées est le seul domaine qui continue à progresser encore beaucoup sur 2008 : +9,5%. Cette hausse est évidemment liée à la prestation de compensation du handicap (PCH), qui se met enfin vraiment en place et dont le montant brut a carrément doublé de 2007 à 2008 (+280 millions), tandis que l'ACTP décroît doucement (-30 millions). Ainsi, pour la première fois, la dépense de PCH versée par les départements dépasse le concours de la CNSA (550 millions, pour 510 millions d'apport de la CNSA). Mais bien au-delà de la PCH, le poids lourd du secteur du handicap reste le placement en établissement et l'accueil de jour, qui représente les trois quarts de la dépense nette et continue d'augmenter, comme il le fait depuis 1983 du fait des coûts croissants de personnels et de la création de nouvelles places.
Enfin, se pencher sur les dépenses liées aux personnes âgées, c'est avant tout s'intéresser à la courbe de l'APA, cette allocation représentant pas moins de 78% de la dépense nette - tandis que l'aide sociale à l'hébergement ne constitue que 20% des 5,9 milliards de dépense nette départementale en 2008 - et continuant d'augmenter au même rythme que l'année précédente (+5,8%). Les deux tiers de cette dépense APA correspondent toujours à l'APA à domicile.
Consacrant une partie spécifique de son étude à l'évolution des quatre "allocations de solidarité" (RMI, APA, PCH, ACTP), l'Odas établit que la charge nette d'allocation pour les départements s'est élevée l'an dernier à 4 milliards d'euros, représentant ainsi pas moins de 20% du total de leur charge nette d'action sociale. Et les choses risquent de ne pas aller en s'améliorant. Du côté du RMI devenu RSA, Michel Dinet reste certes plutôt confiant du fait de la clause de revoyure prévue pour le montant des financements de l'Etat. S'agissant en revanche des allocations de soutien à l'autonomie, l'apport de la CNSA, qui couvrait en 2008 35% du total des dépenses d'allocation (46% pour le handicap et 32% pour les personnes âgées), "risque de souffrir de la mauvaise conjoncture économique". L'Odas relève que le conseil d'administration de la CNSA "a décidé de réduire le concours notifié aux départements pour 2009" : -4,25% pour l'APA et -8,3% pour la PCH. De quoi inciter Michel Dinet à reprendre l'un de ses chevaux de bataille, à savoir l'idée que les allocations individuelles nationales s'appuient exclusivement sur la solidarité nationale. Et le vice-président de l'Assemblée des départements de France de rappeler que cette demande, qui pourrait se concrétiser par le reversement d'une part de CSG aux départements, fait désormais l'unanimité parmi ses homologues présidents de conseils généraux.

 

Claire Mallet

Rencontres nationales... et "Ateliers nationaux" avec l'AMF

La septième édition des Rencontres nationales de l'Odas, grand rendez-vous biennal des décideurs du secteur social, se déroulera les 2 et 3 juillet au palais du Pharo à Marseille avec pour fil rouge "Le lien social à l'épreuve de la crise".  Dans le cadre de ces Rencontres, seront en outre lancés les "Ateliers nationaux du vivre-ensemble et de la fraternité" à l'initiative conjointe de l'Odas et de l'Association des maires de France (AMF), sous la présidence de Jacques Pélissard. A Marseille, ces ateliers prendront la forme de tables-rondes thématiques centrées sur le développement social et la vie des quartiers, sur le soutien à l'enfance et à la famille, aux personnes dépendantes ou handicapées, à l'insertion. Mais ils ont vocation à se poursuivre : ils seront ensuite déclinés localement. Des villes telles que Besançon, Paris ou Valenciennes se sont déjà engagées à les accueillir en 2010, après Saint-Jean-de-Maurienne le 2 octobre 2009. "Un peu partout en France, les communes développent des initiatives créatrices de lien - espaces intergénérationnels, réseaux associatifs, de 'voisineurs'... En présentant les plus innovantes aux élus et à leurs partenaires naturels, l'AMF et l'Odas veulent les encourager à favoriser la prise en compte du développement du lien social dans toutes les politiques municipales, au-delà de leur politique et de leur soutien aux associations", ont expliqué les deux instances le 10 juin en annonçant leur partenariat. A noter d'ailleurs : Jean-Louis Sanchez vient de publier un ouvrage "Pour une République des maires, le vivre-ensemble à l'épreuve de la crise".