Sécurité - La stratégie nationale de prévention publiée
Article initialement publié le 9 juillet 2013.
Validée fin mai par Matignon, la stratégie nationale de prévention de la délinquance 2013-2017 est enfin dévoilée. Le secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance (SG-CIPD) vient de la mettre en ligne sur son site. Cette stratégie succède au plan national de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes 2010-2012, arrivé à son terme fin 2012, et fixe le canevas des actions locales de prévention pour les quatre ans à venir.
Si le bilan du précédent plan est jugé "globalement satisfaisant", le document pointe les rétissences des maires à s'emparer des possibilités que leur offrait la loi du 5 mars 2007. Des maires qui, par ailleurs, n'ont pas toujours trouvé la réponse adéquate de l'Etat à leurs besoins. La nouvelle stratégie repose, elle, sur une "gouvernance locale renouvelée" : le maire est conforté dans son "rôle pivot", mais le rôle du conseil général est renforcé - celui-ci "est associé plus directement à l'élaboration du plan départemental de prévention de la délinquance."
Autre différence : la stratégie vise tout particulièrement les zones de sécurité prioritaires (ZSP) et les quartiers de la politique de la ville. "Ses orientations seront déclinées dans les plans départementaux et intégrées dans les contrats de ville 2014-2020", est-il précisé.
Concrètement, la stratégie repose sur trois programmes d'actions : la prévention de la délinquance des jeunes les plus exposés ; la prévention des violences faites aux femmes et l'aide aux victimes ; la tranquillité publique.
107,5 millions d'euros entre 2014 et 2015
Ces programmes "n'ont pas nécessairement vocation à être développés de manière systématique dans tous les territoires mais doivent être mobilisés en fonction des problématiques identifiées localement". Ils seront financés par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) qui "soutiendra en priorité des actions inspirées par les bonnes pratiques locales référencées et qui seront diffusées à l'ensemble des acteurs". Au total, cette stratégie mobilisera pas moins de 107,5 millions d'euros entre 2014 et 2015, auxquels s'ajoutent les 56,5 millions d'euros déjà engagés en 2013 ; le tout étant complété par les crédits d'autres ministères et ceux des collectivités. La stratégie traduit à ce titre une inversion des priorités par rapport au plan Fillon : le financement de la vidéoprotection, qui représentait auparavant jusqu'à 58% des crédits du FIPD, est ramené à un tiers (la vidéoprotection fait partie des actions relatives à la tranquillité publique).
La nouvelle priorité est la prévention de la délinquance des jeunes, qui englobe près de la moitié des financements (50,1 millions d'euros sur deux ans). La stratégie s'inscrit dans le prolongement des orientations de la dernière circulaire FIPD de novembre 2012. Elle rappelle que "41,7% des condamnés ont moins de 25 ans alors que les mineurs et les jeunes majeurs représentent seulement 23% de la population".
L'aide aux victimes et les actions contre les violences intra-familiales recevront quant à elles 20 millions d'euros en deux ans, soit un cinquième du total.
Les trois programmes d'actions
- Dans le détail, le premier programme sur la délinquance des jeunes se fixe tout d'abord comme objectif de "prévenir le premier passage à l'acte délinquant". Il vise des "jeunes au comportement particulièrement perturbateur", jamais condamnés mais connus des services de police. Les actions cibleront l'éducation à la citoyenneté, le respect mutuel dans le sport tant chez les pratiquants que chez les supporters, la médiation dans le champ scolaire, l'amélioration des relations jeunes-police, la sensibilisation aux conséquences judiciaires des actes de délinquance… Pour les cas les plus délicats, seront privilégiés parcours d'insertion, chantiers éducatifs ou placement en institution spécialisée. Le deuxième axe de ce programme concerne la prévention de la récidive. Pour les primo-délinquants, il s'agira d'apprentissage de la citoyenneté, de gestion du rapport à l'autorité ou encore de travaux de réparation. Pour les récidivistes, les actions s'inscriront dans une approche globale d'insertion, sur la base d'un partenariat entre le service pénitentiaire d'insertion et de probation, la protection judiciaire de la jeunesse, les missions locales, les collectivités territoriales et le secteur associatif… Ces actions devront intégrer des mesures d'accès au logement et aux soins, contribuer au maintien des relations sociales et familiales, proposer des activités sportives ou culturelles.
- Le programme sur les violences faites aux femmes répond à une demande forte du Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU). Il décline localement les orientations du plan global pour la protection des femmes contre la violence arrêté par le comité interministériel aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes du 30 novembre 2012. Des groupes locaux de travail et d'échanges d'informations opérationnels seront constitués autour des représentants de la commune ou de l'intercommunalité, de la police ou de la gendarmerie, de la justice, des équipes territoriales aux droits des femmes et à l'égalité, des référents pour les femmes victimes de violences au sein du couple, des travailleurs sociaux du conseil général, des associations d'aide aux victimes et des intervenants sociaux en commissariat ou en gendarmerie. Ces derniers verront leur mission renforcée. Les professionnels de santé pourront également participer à ces groupes. Concernant l'aide aux victimes, un état des lieux de l'ensemble des dispositifs existants sera effectué dans chaque territoire.
- La stratégie instaure par ailleurs des "schémas locaux de tranquillité publique". Ces schémas viseront en priorité les territoires prioritaires (ZSP et quartiers retenus par la politique de la ville). Ils seront élaborés dans le cadre du CLSPD (ou CISPD) et reposeront sur un "diagnostic partagé" (Etat, collectivités, bailleurs, transporteurs, associations, centres sociaux, commerçants…). Ils s'inspireront de la "méthodologie développée dans les études de sûreté et de sécurité urbaine (ESSP) sur le fonctionnement des projets urbains et de leurs espaces publics".
Chaque schéma détaillera les mesures prises en matière d'équipement en vidéoprotection et de médiation dans les espaces publics, à proximité des établissements scolaires et des logements (correspondants de nuit). S'y ajoutent les actions de prévention spécialisée conduites par les départements. Les schémas proposeront enfin des plans d'actions adaptés au logement social et aux transports publics de voyageurs.
Calendrier et modalités de mise en oeuvre
Le document précise enfin le calendrier et les modalités de mise en œuvre de la stratégie. Les nouveaux plans départementaux devront entrer en vigueur avant la fin de l'année. "Ils définiront localement, pour le reste de la mandature, jusqu'en 2017, le cadre de la politique du gouvernement en matière de prévention de la délinquance", est-il précisé.
Le CLSPD adaptera le nouveau plan départemental aux spécificités du terrain et arrêtera un "plan local d'actions de prévention de la délinquance", intégré au contrat local de sécurité ou à la stratégie territoriale de sécurité et de prévention de la délinquance. Ce plan local fera l'objet d'une contractualisation entre le maire, le préfet, le procureur de la République et, si possible, le président du conseil général. Ensuite, "il sera laissé à l'appréciation et à l'initiative des acteurs locaux le soin de déterminer s'il y a lieu de décliner ou non, à un niveau infra-communal", précise la stratégie.
Un groupe opérationnel pourra être constitué pour chacun des trois programmes d'action. Dans les ZSP, cette mission est déjà remplie par les cellules de coordination opérationnelle du partenariat. Pour chaque groupe, "les échanges d'informations se font dans le respect du cadre légal et des règles déontologiques propres à chaque profession concernée". La charte déontologique du CLSPD en délimitera les contours.