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La réserve de Scandola perd son diplôme européen d'espace protégé pour cause de surfréquentation

Le Conseil de l'Europe a décidé de ne pas renouveler le diplôme européen d'espace protégé délivré il y a 35 ans à la réserve naturelle de la Scandola en Corse. Depuis 2018, la réserve avait pourtant fait l'objet de plusieurs avertissements, mais aucune mesure efficace n'aurait été prise pour freiner la surfréquentation touristique. Pour l'instant, la Scandola reste classée au patrimoine mondial de l'Unesco, mais cette décision pourrait changer la donne.

Il peut sembler incongru de parler de surfréquentation, alors que la crise sanitaire du covid-19 fait s'effondrer le tourisme national et international. Pourtant, cette crise ne devrait marquer qu'une pause temporaire dans la très forte croissance des flux touristiques, à l'œuvre depuis plusieurs décennies. Or la surfréquentation touristique n'est pas sans conséquences dommageables. La réserve naturelle de la Scandola (Corse-du-Sud) vient d'en faire l'expérience en perdant son "diplôme européen des espaces protégés", décerné en 1985 sous l'égide du Conseil de l'Europe, en raison notamment de la trop forte pression touristique sur le site et de ses effets néfastes sur la flore et la faune.

Un "manque considérable de progrès"

Ce diplôme est délivré dans le cadre de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe – dite aussi convention de Berne –, adoptée en 1979. Pour sa part, le diplôme européen des espaces protégés est géré par un "groupe de spécialistes", chargé des analyses techniques et des visites sur sites. Réunie en conférence virtuelle les 18 et 19 mars 2020, cette instance a rendu une décision particulièrement claire : "Le groupe de spécialistes a décidé, à l'unanimité, de ne pas renouveler le diplôme de la réserve naturelle de Scandola, en raison du manque considérable de progrès et des tentatives minimales de communication avec le Secrétariat, malgré plusieurs avertissements du groupe au cours des dernières années".

Cette décision de remise en cause du classement européen est d'autant plus inquiétante que la Scandola a par ailleurs été inscrite, en 1993, sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco, en tant que "Golfe de Porto : calanche de Piana, golfe de Girolata, réserve de Scandola". Si les deux distinctions n'ont pas de lien entre elles, il est clair que la perte du diplôme européen est particulièrement fâcheuse et pourrait conduire l'Unesco à se pencher rapidement sur le dossier. Ce rapprochement entre les deux distinctions est d'ailleurs d'autant plus probable que, dans son relevé de décision de sa réunion des 18 et 19 mars, le groupe des experts indique qu'il "a chargé le Secrétariat de poursuivre le suivi de la zone, si possible en liaison avec d'autres organisations telles que le Centre du patrimoine mondial de l'Unesco, et de faire rapport chaque année à la réunion du groupe de spécialistes".

Une "fréquentation incontrôlée" de la réserve

La perte du diplôme européen est d'autant plus regrettable que les avertissements n'ont pas manqué depuis plusieurs années. Envoyé sur place en juillet 2018, un expert (suisse) du groupe de spécialistes a ainsi rendu un rapport particulièrement accablant. Tout en reconnaissant que "le paysage de la réserve naturelle de Scandola demeure indéniablement d'une beauté grandiose et d'un intérêt incontestable et, d'apparence, inaltéré", il observe que "la fréquentation incontrôlée de la réserve par les visiteurs de tous bords et la forte pression sur le milieu sont inadmissibles et incompatibles avec les objectifs de la création de la réserve naturelle de Scandola et avec les termes de référence du diplôme européen". L'expert estime donc qu'"il est indispensable de mettre en application au plus vite un règlement qui limite l'accès au site et qui permette de conserver les espèces de flore et de faune et les écosystèmes liés au site". Le renouvellement du diplôme a alors été suspendu et le Secrétariat a demandé, pour reprendre la procédure, une extension de la réserve naturelle et la création d'un parc marin (comme celui de Port-Cros) au plus tard le 31 janvier 2020. Constatant, lors de sa réunion de mars 2020, qu'"aucun progrès n'avait été réalisé et que la situation, en particulier l'augmentation de la pression touristique, empirait", le groupe d'experts a donc, logiquement, retiré le diplôme européen d'espace protégé.

La situation n'est guère meilleure du côté du patrimoine mondial de l'Unesco. Une analyse et des conclusions du Centre du patrimoine mondial et des organisations consultatives sur l'état de conservation du bien, rendues en 2013, étaient déjà particulièrement limpides : "Le Centre du patrimoine mondial et l'UICN [Union internationale pour la conservation de la nature, qui assure les expertises pour le compte de l'Unesco, ndlr] estiment que le Comité devrait exprimer sa préoccupation de l'augmentation de la pression touristique sur le bien. Ils notent que le plan de gestion, tout en reconnaissant le problème, n'inclut ni une stratégie concrète ni un ensemble de mesures permettant de le traiter". Sans réaction très rapide, les répercussions ne devraient donc pas tarder aussi du côté de l'Unesco.

 

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