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La relance conditionnée à un accord politique avec les régions

Après avoir rencontré l'ensemble des présidents de région, la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, devrait signer avec eux un accord politique sur les futurs contrats de plan État-régions. L'objectif : en faire la clé de voûte de la relance, comme le revendiquent les régions depuis le début de la crise. Reste cependant à s'entendre sur la compensation des pertes de recettes des régions du fait de la baisse de l'activité économique. C'est pour le moment "un point d'achoppement".

Interrompue avec la crise du coronavirus, la négociation sur les contrats de plan État-région (CPER) pour la période 2021-2027 a repris de plus belle. D’autant qu’ils devraient constituer la clé de voûte de la relance française. "Nous devons nous mettre en ordre de marche pour faire du plan de relance et des CPER des documents qui permettent à la France de se redresser et de répondre aux attentes des régions", a souligné la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, la semaine dernière au Sénat. La ministre est chargée d’articuler les CPER avec le plan préparé par son homologue à l’Économie, Bruno Le Maire. "Si le plan de relance prévoit des milliards d’euros pour l’aéronautique, il devra être territorialisé", a-t-elle aussi souligné quelques jours après la présentation du plan aéronautique. Dont acte. Les régions s’étaient offusquées d’avoir été ignorées du plan de relance automobile.

Parvenir à un accord politique en juillet

Après avoir rencontré tous les présidents de régions pour évaluer les besoins, la ministre les réunira en juillet pour faire un "point d’étape". "Nous signerons normalement les CPER à la fin de l’année", a-t-elle assuré. Soit un retour au calendrier initial. Ce qui permettrait de faire coïncider cette nouvelle génération de contrats avec la programmation européenne et, surtout, le futur plan de relance européen, suspendu pour sa part à un accord du Conseil attendu en juillet. Pour l’Outre-Mer, il s’agira de muscler les contrats de convergence territoriaux signés l’an dernier.

"L’objectif est de parvenir à un accord politique en juillet, d’élaborer un document cadre fixant les priorités communes des contrats de plan traditionnels, de préciser l’utilisation des fonds européens dans un objectif de relance et de reconstruction et de peser sur les négociations sur la politique de cohésion", indique Jules Nyssen, le délégué général de Régions de France. L’accord devrait ainsi arrêter de grands principes, les montants généraux, avant que les négociations reprennent région par région avec les préfets.

Depuis le 6 avril, les régions sont aux avant-postes pour faire des CPER les outils de la relance. L’association avait alors proposé d’identifier, dans des "contrats de relance", les projets ralentis ou à l’arrêt faute de moyens (infrastructures de mobilité, projets des CPER, projets scientifiques et technologiques, plans d’investissement dans l’économie, déploiement du très haut débit, etc.) pour démarrer très vite. Puis de faire dans un second temps des CPER la "charpente" d’une nouvelle politique industrielle, un "New Deal industriel et environnemental". 

Sur les thématiques, "il ne devrait pas y avoir de difficulté", estime Jules Nyssen. L’accord fixera de grandes orientations stratégiques sur la nouvelle politique industrielle : remettre l’industrie au cœur des territoires, le verdissement de l’économie, la résilience face aux risque de pandémies ou climatiques, la relocalisation des chaînes d’approvisionnement, l’investissement massif dans les compétences… Par la suite, un état des lieux de toute la chaîne de sous-traitance sera effectué région par région.

"Ni chantage, ni petits arrangements"

Seulement cet accord politique est conditionné à la question des ressources des régions. Sans compensation de leurs pertes de recettes liées à la crise, pas de relance, martèlent-elles, heurtées que des mesures aient été prévues pour le bloc communal et les départements dans le cadre du projet de loi de finances rectificative en cours d’examen et toujours rien pour elles. Sur ces entrefaites est venue se greffer la polémique suscitée par la rencontre du 15 juin entre le président de la République, Emmanuel Macron, le président de Régions de France, Renaud Muselier, et le président délégué François Bonneau, en présence de Jacqueline Gourault. Déjeuner au cours duquel le président aurait conditionné l’aide financière de l’État aux régions à un report des élections régionales après la présidentielle de 2022, selon plusieurs présidents de région qui ont eu vent de cet échange. Des déclarations fermement récusées par Renaud Muselier mais qui donnent la teneur des discussions en cours. "Nous avons établi une méthode de travail pour constituer l’armature du plan de relance et de reconstruction dont une génération renouvelée de contrats de plan pourrait être le vecteur" et "nous avons abordé sans détour la question financière des régions en 2020 et 2021 car si elle n’est pas réglée, nos collectivités seront contraintes à la paralysie alors qu’elles constituent un élément essentiel au rebond", a réagi Renaud Muselier dans un lettre ouverte au président de la République publiée sur le site Libération.fr, le 16 juin. "Tout le reste n’est que commentaire ou bavardage. Il ne saurait y avoir ni chantage, ni petits arrangements, et les régions ne seront pas une variable d’ajustement."

Pour les régions, les pertes seraient d’un milliard d’euros en 2020. Mais le gouvernement argue que des systèmes de garanties sont prévus sur la TICPE et la TVA permettant de limiter la casse (la mission Cazeneuve estime ces garanties à 500 millions d’euros). Pour 2021 et 2022, les régions s’attendent à des pertes de 2 à 4 milliards d’euros du fait des contractions successives de TVA et de CVAE. Elles préconisent un mécanisme d'amortissement des recettes. Mais Etat et régions divergent sur plusieurs points, notamment sur les prévisions de conjonctures qui servent de base de calcul. En 2020, le décalage serait de 300 millions d’euros. "C’est pour le moment un point d’achoppement", avertit Jules Nyssen.