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Sports - La réforme de l'Etat au cœur du malaise des personnels de la Jeunesse et des Sports

Combien d'agents travaillent actuellement dans les directions régionales et dans les directions départementales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale ? Pour Patrice Weisheimer, secrétaire général du Syndicat de l'éducation populaire - Unsa, la DRH des ministères sociaux n'est pas capable de donner de chiffres. Ce qui "illustre le problème" que l'intersyndicale du ministère chargé de la Jeunesse et des Sports* dénonce actuellement.
"Selon que vous vous situiez à l'échelon départemental ou régional, le fil hiérarchique n'est pas le même", décrypte Patrice Weisheimer. Les agents des directions départementales relèvent ainsi du ministre de l'Intérieur, tandis que ceux des directions régionales relèvent de plusieurs ministères dont celui de la Jeunesse et des Sports.
Aujourd'hui, très concrètement, cette situation signifie que le ministre chargé de la Jeunesse et des Sports et ses directions ne sont plus censés donner des instructions aux directions départementales. "Dans un certain nombre de régions, il y a une vraie cassure entre l'échelon départemental et l'échelon régional", ajoute Patrice Weisheimer.
Cette déconnexion entre l'échelon départemental et l'administration de mission se traduit sur le terrain par des situations qui vont de l'ubuesque à ce que l'intersyndicale appelle "une organisation harcelante".

"Ce ne sont pas nos compétences"

Côté ubuesque, "vous passez un concours et soudain la réorganisation de l'Etat fait que les missions sur lesquelles ce dernier s'est engagé à vous faire travailler ne sont plus la priorité pour le préfet de département", relève Patrice Weisheimer. Au moment de l'épisode de la grippe H1N1, des agents se sont ainsi retrouvés dans des centres de vaccination. Autre exemple : des agents d'éducation populaire auxquels on a demandé de travailler sur l'hébergement d'urgence ou le logement social. "Ce ne sont pas nos compétences, on ne sait pas faire", tempête Patrice Weisheimer.
Côté "harcèlement", le problème tient dans la spécificité des métiers du sport et de l'éducation populaire, difficilement compatibles avec la vie de bureau. "Notre métier, c'est de travailler avec des bénévoles associatifs, des élus, des citoyens. Nous travaillons forcément sur leur temps libre, donc souvent le soir, lors des réunions, ou le week-end, lors de rencontres sportives", pointe Patrice Weisheimer.
Pour le syndicaliste, dans une organisation beaucoup plus administrative, cette situation est "incompréhensible". "Les directions départementales considèrent que si on n'est pas au bureau, on est des tire-au-flanc. Il faut donc nous ramener dans une uniformisation des modes de travail et faire en sorte qu'on pointe comme les autres. Cela crée une souffrance au travail. On se retrouve avec des collègues en burn out", regrette Patrice Weisheimer, avant de conclure : "Aujourd'hui, les directions régionales n'arrivent plus à travailler en bonne intelligence avec l'échelon départemental."

Les unités territoriales, la solution ?

Pour l'intersyndicale, la solution tient en deux mots : unités territoriales. A l'exemple de ce qui existe pour l'emploi dans le réseau des Dirrecte, où l'unité territoriale est raccrochée hiérarchiquement à l'échelon régional. Selon le secrétaire général du SEP-Unsa, Marylise Lebranchu, ministre de la Fonction publique, aurait indiqué en avril qu'il était possible de faire une exception à la Réate (réforme de l'administration territoriale de l'Etat) pour Jeunesse et Sports. "Elle a bien perçu qu'il y avait des problèmes et a affirmé que la réforme n'avait pas pris dans notre administration", témoigne Patrice Weisheimer.
Pour l'intersyndicale, l'idéal serait de passer de la DRH de la cohésion sociale à celle de l'Education nationale. En jeu : une meilleure reconnaissance des missions éducatives, et un élan provenant de l'axe de travail prioritaire autour de l'éducation déterminé par le président de la République et du budget y afférent. Patrice Weisheimer relève toutefois que cette solution amènerait un certain nombre de hauts fonctionnaires "à renier la modélisation qu'ils ont mise en place à partir de 2010". En ligne de mire des syndicalistes : les services déconcentrés du ministère de l'Intérieur. "Aujourd'hui la seule opposition forte que nous avons est celle des préfets de département qui ne veulent pas de ce projet car cela leur ferait perdre la main sur un certain nombre d'agents départementaux", confie Patrice Weisheimer. Or c'est justement le Premier ministre, ancien ministre de l'Intérieur, qui devra trancher la question d'ici la fin juin…

Jean Damien Lesay

* SEP-Unsa, Snaps-Unsa Education, A&I – Unsa Education, SNJS-CGT, EPA et Snep-FSU, représentant 94% des agents aux dernières élections.