La question ferroviaire au cœur du prochain CPIER normand et francilien
Le quatrième Sommet de l’Axe Seine organisé à Paris mardi 10 octobre a donné l’occasion de faire un point sur le nouveau CPIER de la vallée de la Seine qui se profile... enfin ! Un contrat de plan interrégional unique à l’échelle de deux régions, la Normandie et l’Île-de-France, qui ont des intérêts partagés parfois difficiles à concilier avec leurs problématiques propres.
Le premier contrat de plan interrégional (CPIER) associant l’État et les deux régions Normandie et Île-de-France remonte à 2015. Un document actant une coopération tripartite déclinée à travers 825 millions d'euros d’investissements sur un cycle prolongé l’an dernier, faute d’un nouvel accord entre les partenaires. Mis entre parenthèse en grande partie pour cause d’échéances électorales locales et nationales, les discussions ont repris en 2023 sous l’égide du délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine, Pascal Sanjuan, désormais muni d’une lettre de mission pour enfin aboutir sur un nouveau CPIER en 2024.
Au cœur des discussions, le financement des grandes infrastructures de transport trône au sommet de la pile, comme l'ont confirmé les échanges entre élus normands et franciliens lors du Sommet de l’Axe Seine organisé à Paris ce 10 octobre. Et plus particulièrement celui de la LNPN, la ligne nouvelle Paris Normandie, attendue de longue date par des Normands pour qui relier la capitale en train relève parfois du parcours du combattant. "Dans les années 70, rappelle le conseiller régional normand Jonas Haddad, on reliait Rouen à Paris en 50 minutes." Désormais, il faut compter 1h20 dans le meilleur des cas... et plus régulièrement 1h40 selon les créneaux horaires. Une situation inacceptable pour l’élu normand qui note dans l’intervalle que "tous les autres territoires ont diminué leurs temps de transport" en direction de Paris. Un constat à l’aune duquel la LNPN apparaît d’autant plus cruciale pour désenclaver la Normandie.
Quand Valérie Pécresse s’oppose à la LNPN
Le sujet est central dans les discussions sur le CPIER mais révèle néanmoins les dissensions qui se font jour entre les deux exécutifs régionaux. La présidente de la région IDF, Valérie Pécresse, a lancé un pavé dans la mare le 4 avril dernier à l’occasion de l’inauguration de la gare de Mantes-la-Jolie en assumant son opposition à la LNPN, arguant que le projet porterait "une trop grande atteinte au territoire des Yvelines" en matière de consommation de terres agricoles, notamment. Six mois plus tard, la région campe fermement sur ses positions même si Olivier Blond, conseiller régional d’Île-de-France, nuance aujourd’hui le propos de sa présidente : "Nous sommes d’accord pour accompagner la Normandie sur des études" qui permettraient de rechercher des solutions alternatives efficaces. Mais hors de question de valider des travaux qui auraient pour conséquence "de déconnecter deux lignes franciliennes pendant deux ans", a fortiori sur un réseau qui draine quotidiennement près de 7 millions de voyageurs.
"Une question de réciprocité"
Répondant au qualificatif de "saut de mouton", le franchissement par les lignes normandes du nœud du Mantois reste à ce jour, vu de Normandie, comme la solution idoine pour résoudre l’équation. Une infrastructure qui permettrait concrètement aux trains normands de rallier la gare parisienne de Saint-Lazare sans devoir laisser la priorité aux trains de banlieue. Sa réalisation, reconnaît Jonas Haddad, passera par une nécessaire coopération entre les deux régions. "Une question de réciprocité", ajoute l’élu qui rappelle que "les travaux d’Eole, nécessaires, ont beaucoup gêné les Normands !" Des Normands qui ont engagé sur le dernier contrat de plan quelque 264 millions d'euros contre 85 millions d'euros pour les Franciliens, souligne le délégué interministériel Pascal Sanjuan.
Pour autant, "gagner 10 minutes de trajet, est-ce un vrai enjeu ?", interroge le préfet. Pascal Sanjuan préfère poser différemment le sujet : les émissions de carbone imputables aux transports dans la vallée de la Seine sont déjà importantes alors que se profile une croissance des flux de conteneurs en lien avec les investissements sur le port du Havre d’opérateurs tels que MSC qui envisage de tripler ses capacités de traitement dans les années qui viennent. "Et si l’on veut moins de camions sur les routes", explique le délégué interministériel, le développement du ferroviaire comme du fluvial est incontournable. Alors certes, l’impact prévisible en termes de désagréments semble aujourd’hui élevé pour la partie francilienne, ce qui n’empêche pas Pascal Sanjuan de penser que "les études montreront que cela (le chantier de la LNPN, ndlr) vaut les coûts qu’il faudra engager".