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Etat / Collectivités - La qualité du contrôle de légalité laisse beaucoup à désirer, juge la Cour des comptes

Affaiblis par la révision générale des politiques publiques, le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire que l'Etat exerce sur les actes et les budgets des collectivités sont jugés défaillants. Dans son rapport annuel, la Cour des comptes fournit des pistes de modernisation.

La Cour des comptes appelle à une modernisation du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire exercés par l'Etat sur les actes et les budgets des collectivités territoriales et de leurs groupements, afin que l'exercice de ces missions d'ordre constitutionnel soit à la hauteur des enjeux posés par la réforme territoriale.
Cette dernière exigera des services de l'Etat "une aptitude à analyser des situations juridiques complexes et inédites", soulignent les magistrats de la rue Cambon dans le rapport public annuel de l'institution, que son Premier président a dévoilé ce 10 février. Ils invitent donc l'Etat à recentrer ses contrôles sur les actes des collectivités qui présentent "des enjeux" et comportent des "risques juridiques et financiers". Il leur paraît tout aussi essentiel d'accroître, "à enveloppe salariale constante", la proportion d'agents de catégorie A parmi les agents dédiés au contrôle de légalité et de renforcer et d'adapter la formation de ces derniers. Il faut aussi terminer de centraliser le contrôle de légalité dans les préfectures, soulignent-ils. L'exercice de cette mission par les sous-préfectures, qui se poursuit ici ou là, générerait des doublons. Enfin, selon la Cour, les services de l'Etat auraient intérêt à travailler davantage en réseau, en développant des partenariats.
En s'appuyant sur les résultats d'une enquête auprès de 17 départements, la Cour des comptes dresse un constat sévère de l'évolution des contrôles de légalité et budgétaire depuis 2009. La réforme engagée cette année-là a "davantage contribué à la désorganisation des services et à la réduction des capacités d'expertise de l'Etat territorial qu'à une réelle modernisation de l'exercice [des] missions". Ces dernières ont "un caractère peu opérant" et il n'est pas possible d'avoir "une assurance raisonnable de leur qualité", relève encore la Cour. Qui observe toutefois que les services de l'Etat ont su coopérer intelligemment pour le contrôle des actes en matière d'urbanisme.

"Véritable passoire"

Il y a quatre ans, le sénateur Jacques Mézard estimait que le contrôle de légalité était devenu "une véritable passoire" (voir notre article du 6 février 2012). La Cour des comptes rejoint l'élu dans son constat : "Des catégories entières d'actes" ne sont "pas contrôlées, faute de temps, d'expertise suffisante des agents ou de procédure de transmission efficace entre les sous-préfectures et les préfectures". Et même lorsque les actes relèvent de thèmes considérés comme prioritaires par le gouvernement - la commande publique, l'urbanisme et la fonction publique territoriale -, ils échappent parfois au contrôle de l'Etat.
Principale raison de ces défaillances : la révision générale des politiques publiques (RGPP), appliquée avec zèle dans les préfectures et sous-préfectures. En matière de contrôle de légalité, les effectifs ont fondu de 30% entre 2009 et 2014 et, en matière de contrôle budgétaire, de 34,5% sur la même période. La "rotation rapide" des personnels et leur insuffisante formation n'ont rien arrangé.
Autre constat de la Cour : les applications Actes et Actes budgétaires, par lesquelles les collectivités peuvent transmettre numériquement leurs délibérations soumises à contrôle, sont encore trop peu utilisées et doivent encore réaliser des progrès techniques.
Dans sa réponse publiée en annexe, le ministère de l'Intérieur indique qu'il a lancé le "plan Préfectures nouvelle génération" dont les actions devaient être arrêtées fin 2015. Les effectifs alloués aux contrôles "seront renforcés tant quantitativement que qualitativement, sur la base d'une analyse des besoins dans chaque département", précise encore le ministère. Qui promet aussi un renforcement des compétences et du niveau d'expertise juridique des agents en charge du contrôle de légalité.