Commerce - La proposition de loi "anti-Amazon" adoptée au Sénat
"Cette proposition de loi modernise la loi du 10 août 1981 sur le prix unique du livre pour l'adapter à l'ère numérique." Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, s'est félicitée de l'adoption par le Sénat de la proposition de loi visant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres, dans un communiqué paru le 9 janvier 2014.
Cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité par les sénateurs dans la nuit du 8 au 9 janvier, empêche les opérateurs en ligne de cumuler la gratuité des frais de port du livre avec la remise autorisée de 5% sur le prix du livre. Amazon est dans la ligne de mire de ce texte. L'opérateur détient à lui seul 70% des parts de marché des ventes en ligne, bénéficiant notamment de la TVA et de l'impôt sur les sociétés luxembourgeois, plus avantageux. Prenant à sa charge les coûts de livraison, pour une somme, au niveau mondial, de 3,7 milliards d'euros, le géant américain peut pratiquer les prix les plus bas possible. Un dumping fortement critiqué par les librairies françaises…
Cette proposition de loi, surnommée "anti-Amazon", est censée défendre les librairies face à ce type de pratiques. L'enjeu est important puisque 20% des livres sont aujourd'hui achetés sur internet en France. Ces ventes en ligne dopent un peu les ventes plus globales du livre, qui depuis trois ans ont tendance à baisser. D'après une étude du Xerfi sur "la situation économique et financière des librairies indépendantes", publiée en juin 2013, les ventes de livres ont baissé de -2% à -3% en valeur cumulée entre 2010 et 2012. Le recul est encore plus net en volume : de -3% à -9%. Ce contexte met en difficulté le réseau des 3.000 librairies françaises, qui voient leurs performances financières se dégrader au fil des années. Le taux de résultat net de l'ensemble de la branche est tombé à 0,6% en 2011, faisant de la vente de livres en magasin spécialisé l'un des secteurs les moins rentables du commerce de détail. "A l'échelle des petites librairies (moins de 300.000 euros de chiffres d'affaires), la situation est encore plus critique, signale l'étude, prises en tenaille entre la chute de leurs ventes et la hausse chronique de leurs charges-loyers et frais de transport en tête-, elles affichaient un taux de résultat net moyen de - 0,6% en 2011." Récemment, ce sont les librairies Chapitre qui ont fait la une des journaux. Ce réseau, qui représente une cinquantaine de librairies, a été placé en cessation de paiement le 2 décembre 2013 avec poursuite de l'activité jusqu'au 10 janvier, repoussée au 10 février. L'étude relativise toutefois la dégradation, expliquant que les défaillances sont compensées par la création de nouvelles boutiques. Le réseau dense des magasins est ainsi maintenu. Au total, le marché du livre représente 5,6 milliards d'euros et 60.000 emplois directs.
"Avec ce texte, nous apporterons une nouvelle pierre à l'économie du livre et à la régulation de ce secteur", a signalé la ministre durant les débats au Sénat. La proposition de loi s'inscrit en effet dans le cadre du plan lancé par la ministre en mars 2013 en faveur de la librairie. Ce plan prévoit aussi de nouveaux dispositifs de soutien en faveur des librairies indépendantes, financés à hauteur de 11 millions d'euros par des fonds publics et à hauteur de 7 millions d'euros par les éditeurs, le doublement des aides annuelles du Centre national du livre en faveur de la librairie, la création d'un médiateur du livre et l'assermentation des agents du ministère pour le contrôle des lois de 1981 et 2011 (relative au prix du livre numérique). La proposition de loi doit à présent repasser à l'Assemblée nationale pour une deuxième lecture.
Emilie Zapalski
Référence : proposition de loi tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres.