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Réforme de la fiscalité locale - "La marge de manoeuvre sur les assiettes locales est aujourd'hui très réduite"

Yves Fréville, membre de la commission des finances du Sénat et du Comité des finances locales, donne son avis sur les propositions du rapport Valletoux. Le sénateur soutient la nécessité de s'interroger, avant tout, sur les dépenses des collectivités, comme l'a proposé le rapport Richard.

Localtis.info : Vous avez déclaré récemment que c'était un mythe de croire que l'on pouvait engager un nouveau système fiscal moderne sur la base d'impôts reposant sur des assiettes locales.

Yves Fréville : Il est de plus en plus difficile d'imaginer des impôts dont les assiettes sont localisées, vu l'évolution actuelle de l'économie. Comment parler d'assiette locale alors que les activités de service ne sont plus localisables ? L'autonomie des collectivités repose sur des impôts dont l'assiette est dynamique, or la marge de manoeuvre sur les assiettes locales est aujourd'hui très réduite. Cela n'empêche pas d'élargir les assiettes actuelles des impôts locaux et de réformer la taxe professionnelle pour qu'elle soit assise sur la valeur ajoutée. Ce serait déjà un chantier considérable !

La proposition faite par le rapport Valletoux et soutenue par les élus locaux visant à partager des impôts nationaux pourrait-elle être une réponse à cette faiblesse des assiettes locales ?

Si l'objectif est de donner de nouvelles ressources importantes aux collectivités, la réforme des assiettes locales ne pourra pas suffire. Il sera alors nécessaire d'aller vers un plus grand partage d'impôts d'Etat à assiette unique. Les collectivités locales proposent d'affecter une part de la CSG aux départements. Je n'y suis pas opposé mais la CSG, rappelons-le,  finance la sécurité sociale qui connaît de plus grandes difficultés que les collectivités locales. Imaginons que cela soit quand même possible... Comment ensuite redistribuer cette ressource de manière équitable alors que les assiettes sont différentes suivant les régions ? Cela paraît très complexe.
A l'inverse, je suis totalement opposé à une affectation aux collectivités d'une part d'impôt sur le revenu, comme le propose le rapport Valletoux. Un impôt local ne peut en aucun cas être progressif car les collectivités territoriales ne sont pas en mesure de redistribuer les revenus ! Les inégalités d'assiettes sont, pour l'impôt sur le revenu, encore plus criantes : les revenus en Ile-de-France sont 30% supérieurs à ceux de la moyenne nationale ! La question de la péréquation se posera à nouveau. S'il fallait proposer une part fixe de cet impôt aux régions, pourquoi alors ne pas choisir une dotation ?

L'échange parts d'impôts contre dotations vous paraît-il réalisable ?

Le rapport Valletoux envisage, en effet, de compenser ces nouvelles ressources fiscales en reversant  une part des dotations à l'Etat. Mais, vu les sommes en question, cette proposition paraît techniquement difficile ! De plus, ce dispositif va poser de réels problèmes de redistribution : les départements qui recevront une part de CSG pourront-ils reverser un part équivalente de dotation ? Nous nous trouvons alors confrontés à une mécanique très délicate. Au-delà de ces questions, le rapport Valletoux part d'un postulat de départ - la recherche de nouvelles ressources - qui ne me paraît pas pertinent. Il faut d'abord s'interroger sur le taux de croissance possible des dépenses des collectivités, comme l'a proposé Pierre Richard dans son rapport, et, ensuite, trouver des impôts dont l'assiette est suffisamment progressive pour prendre en compte l'évolution des dépenses. La véritable autonomie fiscale des collectivités ne consiste pas à modifier les taux des impôts mais à bénéficier de recettes évolutives avec des taux stables !

 

Propos recueillis par Clémence Villedieu