Agriculture - La loi sur l'accaparement des terres amputée de son principal outil
La loi sur l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle a été publiée le 21 mars… mais privée de sa principale disposition. Les Sages ont en effet censuré, le 16 mars, l’article 3 de la loi qui permettait aux Safer (sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural) de faire usage de leur droit de préemption en cas de cessions partielles de parts de sociétés, afin de contrecarrer les prises de contrôle des terres par des sociétés financières. Ce droit de préemption - initialement limité aux biens mobiliers et immobiliers - avait été déjà étendu par la loi d’avenir pour l’agriculture de 2014 aux ventes totales de parts de sociétés, sachant que le mode sociétaire est de plus en plus répandu dans le monde agricole. Mais le dispositif restait imparfait : il suffisait pour un investisseur de racheter - au moins dans un premier temps - un pourcentage des parts, pour échapper à la Safer. En outre, pour un agriculture à l’âge de la retraite, créer ainsi une société et en revendre les parts permet d’en dégager un profit important afin d'assurer ses arrières. C’est exactement ce qui s’était produit lors du rachat de 1.750 hectares de terres par un fonds chinois dans l’Indre l'an dernier, les terres ayant été vendues trois fois le cours local. Ce phénomène soulève plusieurs questions. Il engendre des difficultés d’installation pour les jeunes agriculteurs, fait peser un problème de souveraineté alimentaire (lorsque ces terres produisent pour un pays étranger), le tout sur fond de spéculation foncière… Seulement, le Conseil constitutionnel a jugé que ces nouvelles dispositions "portent une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre", comme l’avaient fait valoir les 79 députés Les Républicains à l’origine de la saisine. Ces derniers avaient argué qu’en cas de cessions partielles, les autres sociétaires se verraient imposer la présence d'un associé non choisi : la Safer elle-même ou la personne à laquelle cette dernière aurait rétrocédé ses parts. Ce qui contreviendrait au fondement du droit des sociétés : le principe de l’affectio societatis.
Le Conseil constitutionnel avait déjà censuré les mêmes dispositions insérées dans la loi Sapin 2, au motif cette fois qu’elles étaient trop éloignées de l’économie générale de ce texte sur la lutte contre la corruption.
Références : Conseil constitutionnel, décision n° 2017-748 DC du 16 mars 2017, loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle ; loi n° 2017-348 du 20 mars 2017 relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle.