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Transports - La Fnaut veut remettre la voiture à sa place en ville

En pleine campagne des municipales, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) veut attirer l'attention des candidats sur la question des déplacements urbains et sur la place de la voiture en ville. Elle a présenté ce 7 mars ses propositions pour réduire l'emprise de cette dernière et offrir des alternatives qui permettraient de la réduire à un usage occasionnel en milieu urbain.

A l'approche des élections municipales, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) est remontée au créneau ce 7 mars pour alerter les futurs élus sur la place de la voiture en ville qui lui paraît tout bonnement "inacceptable" en l'état actuel des choses. Car si certaines villes telles que Paris, Grenoble Lyon ou Strasbourg ont réussi à réduire la place de la voiture dans l'hyper-centre, celle-ci reste omniprésente à la périphérie et dans la majeure partie des agglomérations françaises, quelle que soit leur taille, souligne la Fnaut.

Nuisances environnementales et coût économique

Cette emprise, qu'elle juge "excessive", pose non seulement des problèmes de santé publique du fait du bruit et de la pollution de l'air mais aussi de partage de l'espace public - les personnes à mobilité réduite, les piétons, les cyclistes, les enfants s'en trouvent pénalisés, de même que les usagers des transports publics, "qui doivent se contenter de services trop souvent saturés et ralentis par les embouteillages dans les zones denses, et sous-développés sur les trajets banlieue-banlieue et dans les zones périurbaines et rurales", souligne l'association. Les automobilistes eux-mêmes, "captifs" de leur voiture, subissent aussi ses nuisances (pollution de l'air intérieur du véhicule, déplacements longs et stressants, temps de parcours aléatoires, difficultés de stationnement, risques d'accidents et coût d'usage élevé). Le fonctionnement des entreprises pâtit lui aussi de la congestion de la voirie et des parkings, qui gêne les déplacements domicile-travail et les déplacements professionnels des salariés, ainsi que les livraisons et expéditions. En contribuant largement à la dégradation de l'environnement, l'omniprésence de la voiture génère des coûts externes pour la collectivité (congestion, accidents, bruit, pollution de l'air…) qui se chiffrent en dizaines de milliards d'euros par an, dénonce la Fnaut.

Libérer les automobilistes

Face à ce constat, l'association plaide pour des mesures volontaristes qui permettraient selon elle de réduire le volume de la circulation automobile, sans vouloir à tout prix bouter la voiture hors de la ville. "On ne dit pas qu'il faut supprimer toutes les voitures mais simplement que l'on a besoin de moins de voitures si on offre des alternatives", défend son président, Jean Sivardière. "Sur 18 millions d'actifs, 73% utilisent aujourd'hui la voiture pour leurs déplacements domicile-travail, explique-t-il. Si on réussissait à avoir deux fois moins de voitures en ville, ce serait un progrès considérable. Le créneau naturel de la voiture est celui d'un usage occasionnel, non répétitif, qui n'exige pas la propriété individuelle de la voiture. L'intérêt bien compris des automobilistes serait de leur permettre de se libérer de l'usage obligé de la voiture en leur offrant des alternatives crédibles. Ce serait du gagnant-gagnant".
La Fnaut souhaite que la politique mise en oeuvre dans les grandes agglomérations qui ont réussi à faire reculer la place de l'automobile soit poursuivie, amplifiée et étendue à toutes les zones urbaines. Elle propose quatre mesures prioritaires à mettre en œuvre. Tout d'abord, un partage plus équitable de la voirie : couloirs réservés et priorités aux carrefours pour que le transport collectif de surface (tramway et bus) offre une vitesse commerciale plus élevée, trottoirs libérés de tout ce qui les encombre pour faciliter le cheminement des piétons, aménagements permettant d'assurer la sécurité des cyclistes. Pour ralentir la circulation et assurer la sécurité et la tranquillité des citadins, la Fnaut milite pour une extension des zones 30 à l’essentiel du territoire urbain (zones résidentielles et commerciales, voisinage des écoles).  La vitesse de 50 km/h, maintenue sur les axes de transit et de circulation entre quartiers, deviendrait alors l’exception.

Plaidoyer pour le tramway

Malgré les difficultés actuelles de financement des transports collectifs en site propre (TCSP), la Fnaut estime qu'ils restent le meilleur moyen d'accueillir une nouvelle clientèle. Le tramway, en particulier, par sa grande capacité, présente de nombreux atouts et ne doit pas être réservé aux grandes agglomérations, insiste-t-elle. Des agglomérations comme Besançon disposent ainsi aujourd'hui de tramways à bas coût. Par contre, les projets routiers (voiries, parkings centraux) doivent être abandonnés, insiste l'association, les ouvrages existants étant engorgés essentiellement par un trafic local qui peut être absorbé par des transports collectifs plus performants.
Dernière mesure prioritaire à ses yeux : instaurer dans chaque agglomération, une tarification solidaire afin de garantir le droit au transport des usagers à faibles revenus, la gratuité étant réservée à ceux qui en ont vraiment besoin. "Compte-tenu des difficultés budgétaires des collectivités locales, une hausse très modérée des tarifs peut être envisagée pour faciliter le financement du système de transport, mais pas avant que les coûts de production aient été réduits par une amélioration des conditions de circulation des bus et tramways, et que les automobilistes apportent eux aussi leur contribution (hausse du prix du stationnement et des amendes, péage urbain)", plaide l'association. Une contribution des automobilistes au financement des transports collectifs lui paraît tout à fait "légitime". "Si on taxait le gazole d'un centime d'euro de plus par an, on pourrait récupérer 400 millions d'euros pour les transports collectifs", illustre Jean Sivardière.

Nouvelles mesures à expérimenter

La Fnaut juge aussi nécessaire d'expérimenter de nouvelles mesures, comme la densification de l’habitat et des activités autour des axes lourds de transport collectif ou des "mesures décisives d’encouragement à l’autopartage". "Sous sa forme traditionnelle, il constitue une forte incitation à l’utilisation des modes alternatifs à la voiture et à la démotorisation des ménages. Une voiture autopartagée remplaçant au moins 5 voitures personnelles, beaucoup d’espace urbain consacré au stationnement peut ainsi être récupéré", estime l'association. Les collectivités pourraient selon elle le soutenir plus fortement de deux manières : en lui attribuant des places de parking en surface qui le rendrait plus visible et en proposant des offres tarifaires combinées vélo, transport collectif, autopartage comme cela se pratique à Belfort. La Fnaut reste aussi convaincue que l’introduction du péage urbain (péage de zone ou péage sur les pénétrantes autoroutières) comme l'ont fait des villes comme Londres ou Stockholm permettrait à la fois de réduire d'un seul coup le volume de la circulation (au moins -20% dans les villes citées) sans être injuste socialement. "Au contraire, c'est un dispositif équitable, plaide Jean Sivardière. La réduction de la circulation et l’affectation du produit du péage au transport collectif bénéficient aux ménages urbains les plus modestes, ceux qui n’ont pas de voiture et souffrent le plus de la pénurie de transport collectif et des nuisances de la circulation. Les automobilistes périurbains peu fortunés peuvent utiliser le transport collectif, quitte à se rabattre en voiture sur un parking relais."

Gare aux gadgets

Enfin, l'association se méfie beaucoup des "propositions tape-à-l’œil et des gadgets qui fleurissent en période électorale". Le transport par câble (les liaisons entre une ville haute et une ville basse) est à la mode, mais son créneau lui semble très étroit.
Selon elle, il ne faut pas trop miser sur la voiture électrique car son créneau est assez restreint lui aussi (flottes municipales, taxis). Une voiture électrique reste de toute façon aussi encombrante qu’une voiture thermique. La voiture en libre service comme Autolib’ à Paris n'a pas non plus ses faveurs. "L’expérience montre que, à l’inverse de l’autopartage traditionnel, elle incite des citadins non motorisés à se déplacer en voiture." Quant à la gratuité des transports, la solution ne lui paraît pas réaliste. "L'usager acquitte 30% des coûts d'exploitation des transports collectifs. La gratuité priverait les réseaux de recettes importantes pour se développer et reporterait entièrement la charge sur le contribuable", souligne Jean Sivardière. La Fnaut appelle donc les candidats à renoncer aux "fausses bonnes idées".