Transports - Téléphériques urbains : l'acceptabilité sociale se hisse au rang de priorité
Près de 200 élus et acteurs du secteur des transports ont assisté, le 1er octobre à Créteil, à une journée organisée pour la seconde fois par le Gart, le Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (Certu), l'association Ville & transports en Ile-de-France et le conseil général du Val-de-Marne. "Depuis notre dernière rencontre il y a un an à Toulouse, il s'est passé pas mal de choses. Les administrations centrales ont passé en revue la réglementation et nous progressons sur certains volets très attendus comme l'impact acoustique", explique Yves Schneider, chargé de mission au Service technique des remontées mécaniques et des transports guidés (STRMTG), qui relève du ministère des Transports. Courants à la montagne, ces systèmes de transport public de passagers par câble sont tantôt dénommés, selon leurs caractéristiques, téléphérique, télécabine ou même métrocâble. Est-ce bienvenu ? "A Toulouse, nous l'avons appelé Aérotram et c'est vrai qu'il y a parfois des confusions, certains pensent que sa desserte sera liée à l'aéroport", indique Cyril Ladier, ingénieur travaux au sein du syndicat mixte Tisséo. Ambitieux, le mode téléporté y reliera en 2017 trois sites stratégiques, dont l'ancien site d'AZF, séparés par la Garonne et une colline. Soit 2,6 kilomètres de câbles, 20 cabines de 35 places desservant en dix minutes trois gares aériennes connectées au bus, au métro ou à des parcs relais. Un chantier de 45 millions d'euros. "Nous travaillons sur l'impact visuel, qui reste un sujet sensible. La concertation avec les habitants a été reportée au lendemain des élections municipales. L'enquête publique est attendue pour 2015. En fait, peu de riverains seront impactés, le câble survolera de grands équipements, université et CHU, mais peu d'habitations. Le sujet restant épineux, nous avons pris le parti de ne pas trop en dire, de ne pas dévoiler trop d'images avant d'avoir bien avancé", ajoute-t-il.
Un choix, une évidence
A Brest, le choix a été fait d'appeler un chat un chat : "Nous n'avançons pas masqués et parlons bien du téléphérique, de ses pylônes, cela n'effraie pas tant que cela les gens quand on dit les choses clairement. En 2015, la ville de Brest sera équipée de 400 mètres de câbles survolant la rade à 60 mètres de hauteur. La vue sera superbe. La Marine a donné son accord pour survoler la base et suit de près le projet. Des marchés ont été attribués, la concertation a eu lieu mais se prolonge. Peu d'opposants se sont manifestés, les Brestois sont plutôt fiers d'avoir un projet innovant sur leur territoire", raconte Victor Antonio, directeur de la mission tramway et téléphérique à Brest Métropole Océane. Pour "vendre" le projet aux élus, l'approche urbaine été mise en avant, devant l'approche technique. Etant donné la nécessité de rééquilibrer le développement économique des deux rives de la Penfeld (fleuve côtier coupant Brest en deux) et de relier un nouvel écoquartier de 12 hectares amené à s'implanter sur la rive gauche, le franchissement par un téléphérique s'est très vite imposé comme une évidence. "Au point qu'on ne sait plus trop bien qui a eu le premier l'idée de ce téléphérique. Les élus sont en tout cas enthousiastes, le coût de 16,5 millions d'euros sera quatre fois inférieur à celui d'un pont levant et, aux deux bouts du câble, une station sera enterrée, et l'autre s'insérera dans un bâtiment existant. Bien soigner cette intégration est essentiel", ajoute Victor Antonio.
Derniers obstacles
L'argument du désenclavement fait aussi mouche dans le Val-de-Marne, en petite couronne francilienne où, lentement, émerge depuis cinq ans un projet porté par le maire de Limeil-Brévannes et soutenu par le syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif), qui vise à relier Créteil et Villeneuve-Saint-Georges en survolant de "multiples coupures urbaines" (gare de triage, entrepôts, lignes à haute tension) qui morcellent ce territoire. Soit un parcours aérien de 4,3 km pour 4 stations, avec des correspondances bus et métro. Le coût, raisonnable, serait de 30 à 40 millions d'euros, pour une fréquentation de 10.000 à 12.000 voyageurs par jour. Le tracé vient d'être validé, des études restent en cours et le projet est actuellement présenté aux habitants via des réunions publiques, des expositions en mairie et un avis à donner en ligne. "Nos dernières études ont conclu à la nécessité d'en faire un mode de transport structurant, avec une vitesse proche du tramway mais pour un coût d'installation au kilomètre bien moins élevé que celui-ci", précise Laurence Debrincat du Stif. Pour qu'il soit opérationnel en 2018, il n'en faut pas moins mettre l'accent sur "l'acceptabilité de ce mode de transport et son insertion paysagère", souligne Christian Favier, président du conseil général du Val-de-Marne. L'acceptabilité sociale est en effet la clé. "Car malgré l'engouement des collectivités, il persiste dans l'esprit des habitants que nous avons sondés des craintes liées à l'intrusion visuelle, à de l'irrationnel parfois (vertige, chute de cabine, intempéries) et au rejet d'un mode qui leur est grosso modo inconnu", observe Sandrine Rousic, du Cete Méditerranée. Elle préconise donc de survoler le moins possible de parcelles privées et de valoriser au mieux les premières réalisations – celle de Brest par exemple, qui devrait être la première ville en France à pouvoir se vanter d'avoir un téléphérique 100% urbain. "Il faudra en faire la démonstration technique pour que ces systèmes se décollent de l'image touristique et soient reconnus comme un moyen de transport sûr et efficace." Autres marges de progrès : adapter le débit des futurs systèmes en période de pointe, sans dégrader toutefois la qualité du service, et soigner le confort des cabines. "Il faut bien penser les choses pour rendre le système attractif et accueillant, c'est important", insiste Philippe Ventejol, responsable du développement du réseau à la RATP. "Si les téléphériques sont amenés à circuler le soir, certains usagers se retrouveront parfois seuls en cabine. Il faut tout faire pour qu'ils s'y sentent à l'aise et en sécurité", a-t-il conclu.