Transports - La Fnaut déplore un grand retour de la voiture en ville
Une dégradation de l'offre, des investissements loin d'être à la hauteur et une hausse tarifaire envisagée, mais risquée : telles sont aux yeux de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) les trois composantes d'une crise en gestation du transport urbain. Comme elle l'avait déjà déploré lors de son 19e congrès, en novembre dernier, la Fnaut estime que le gouvernement se désintéresse du sujet, "se préoccupe surtout de la voiture dite propre", "abandonne l'écotaxe" et "relance les investissements routiers".
Quid du troisième appel à projets "Transports collectifs et mobilité durable", qui vient enfin d'aboutir juste avant Noël - n'est-ce pas là une bonne nouvelle ? "Il arrive avec deux ans de retard. Les 99 projets sélectionnés sont intéressants mais bien des investissements restent nécessaires compte tenu des retards accumulés et de l'évolution de la demande", répond l'association. Elle préconise le lancement "dès maintenant" d'un quatrième appel à projets devant porter préférentiellement sur les transports en commun en site propre (TCSP) en agglomération de taille moyenne : "Le tramway de Besançon et le BHNS [bus à haut niveau de service, ndlr] de Metz en ont démontré toute la pertinence".
Autre conseil à prendre en compte : des villes ayant été surprises par l'afflux et le succès de lignes ou réseaux fraîchement lancés, mieux vaut pour la Fnaut "voir grand pour équiper les axes lourds". Elle cite les exemples du Grand Besançon et de l'agglomération de Caen, qui n'ont pas sous-dimensionné leur nouveau tram et ont vu large pour ne pas être pris de court par la fréquentation. "A l'inverse, le nouveau bus à haut niveau de service nantais, Busway, très bien réalisé, est victime de son succès, du coup les usagers subissent des retards".
Des collectivités rebroussent chemin
Jean Sivardière, président de la Fnaut, dénonce les reculs de plusieurs collectivités sur des projets de tramway (Grand Avignon, Aubagne, Amiens). "Dans une vingtaine d'agglomérations, l'offre commence à se dégrader, la recherche d'économies l'emporte sur celle de transferts modaux." Fréquence de ligne réduite à Nancy, bus à haut niveau de service abandonné à Niort, places piétonnes transformées en parkings (Auray, Béthune, Roubaix), couloirs de bus et bandes cyclables supprimés (Pau, Toulouse), stationnement automobile rendu gratuit le samedi à Angers, Chambéry, La Roche-sur-Yon et Rouen…
La Fnaut égrène les exemples locaux et estime par ailleurs que la hausse tarifaire, seule solution évoquée pour rééquilibrer le financement de certains réseaux, pour "compenser la baisse des dotations de l'Etat, la hausse de la TVA sur les transports publics et ainsi garantir la pérennité de l'offre", reste risquée. Car s'"il peut être de l'intérêt bien compris des usagers d'accepter aujourd'hui une telle hausse dans les agglomérations où les tarifs ont peu évolué, le risque est de pénaliser les usagers à faibles revenus, et d'inciter une partie des usagers solvables à reprendre leur voiture". Toute hausse tarifaire doit donc être prudente, "très modérée" et précédée d'un effort de rationalisation en intensifiant la prévention et la maîtrise de la fraude. "Un enjeu sur lequel certaines collectivités ont déjà obtenu des résultats intéressants".
La réduction des coûts de production passe, selon elle, par des couloirs réservés et des priorités aux carrefours pour "augmenter la vitesse commerciale des bus et cars". D'un point de vue tout aussi technique, la Fnaut recommande de supprimer l'obligation de monter dans les bus par la porte avant sur les lignes chargées exploitées avec des bus articulés, car "cela ralentit les bus, crée de l'inconfort et il existe des méthodes plus efficaces pour maîtriser la fraude". Et de conclure : "Les collectivités locales ont d'autres moyens à leur disposition qu'une hausse tarifaire importante, qui apparaît comme une solution de facilité : elles peuvent faire des économies, trouver des ressources nouvelles si elles en ont la volonté politique, à condition aussi que l'Etat leur apporte une aide financière conséquente".