La direction générale du Trésor se penche sur les enjeux économiques de la transition vers la neutralité carbone

La transition vers la neutralité carbone constitue "un défi économique" maîtrisable. C’est le constat que dresse la direction générale du Trésor (DG Trésor) dans un rapport publié le 27 janvier dernier qui revient sur les impacts attendus de cette transition, notamment dans le champ de l’emploi.

Opportunité ou facteur de risque ? À ce stade, la transition vers la neutralité carbone promet un peu tout cela à la fois. La France, souligne la direction générale du Trésor, avance ses pions en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et devra poursuivre ses efforts afin de faire pencher la balance du bon côté. Quoi qu’il en soit, cette transition "représente un coût macro-économique modéré et transitoire" qui reste d’après diverses évaluations "très inférieur à celui de l’inaction climatique". Autre certitude, cette dynamique va impliquer dans les années à venir un renchérissement du coût relatif des émissions de GES avec, à court et moyen termes, un effet de ralentissement de la croissance économique qui pourrait se traduire par la perte de près d’un point de PIB en 2030 si rien n’est mis en œuvre dans ce domaine. A contrario, faire le choix d’une politique volontariste privilégiant les investissements dans la décarbonation apporterait potentiellement 1 point de PIB supplémentaire à horizon 2030.

Cette transition, c’est une certitude, ne sera pas sans effet sur l’emploi. L’enjeu, désormais, consiste à identifier "les emplois moteurs ou à risque" de la transition écologique, souligne le rapport. Les activités exposées sont liées à des biens et services dont la production ou l’usage reste très émissif en matière de CO2 et qui représentaient 8% de l’emploi salarié en 2021. Les plus exposées d’entre elles ne représenteraient que 3% de l’emploi total (soit environ 900.000 salariés), tempère la DG Trésor, même si elles sont parfois géographiquement concentrées. À l’autre bout du spectre, les emplois "verts", notamment les artisans de la rénovation énergétique, représentaient 12% de l’emploi, toujours en 2021. Des emplois dont l’attractivité, estime la DG Trésor, est "une condition de la réussite de la transition". La demande pour ce type d’emplois augmente rapidement, souligne le rapport qui relève 300.000 créations entre 2016 et 2021, soit un rythme de création deux fois plus élevé que celui du reste de l’économie. Mais cette dynamique crée également de fortes tensions de recrutement, liées notamment à la faible attractivité de certains métiers verts au regard de la pénibilité, de la rémunération et du niveau de compétence exigé. D’ailleurs en 2022, les entreprises indiquaient que 66% des projets de recrutement au sein des professions vertes se heurtaient à des tensions.

Penser l’enjeu de la réallocation des emplois

Au-delà de la nature même des emplois générés par la transition vers la neutralité carbone, la DG Trésor insiste sur la question des réallocations d’emplois depuis des activités fortement émettrices vers des activités neutres ou contribuant à la décarbonation de l’économie. Au final, l’effet net agrégé de la transition serait ainsi limité, notamment au regard d’autres transitions déjà à l’œuvre. Selon le Conseil d’analyse économique (CAE), en simulant l’introduction d’une taxe carbone de 100 euros/t de CO2 émise à horizon 2030, près de 167.000 emplois seraient détruits dans le scénario le plus défavorable. Un volume qui resterait cependant inférieur à celui des destructions d’emplois induites par exemple par la concurrence commerciale chinoise, soit environ 280.000 emplois dont 90.000 pour la seule industrie manufacturière. S’agissant de l’industrie en général, le rapport estime que les réallocations auraient lieu entre entreprises d’un même secteur. 

Quoi qu’il en soit, la transition vers la décarbonation nécessitera de nouvelles compétences dont les besoins engendreront "des frictions sur le marché du travail", anticipe la DG Trésor. Des tensions qui seraient susceptibles de limiter l’afflux de main-d’œuvre vers ces métiers verts. Enfin, le rapport souligne l’importance de ne pas négliger l’approche territoriale face à ces enjeux émergents. Car les emplois les plus directement exposés sont à 84% ceux occupés aujourd’hui par des travailleurs non ou peu qualifiés, dans des activités soumises à une certaine concentration géographique, comme dans le raffinage ou encore l’industrie automobile et la métallurgie.

 

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