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Commande publique - La dématérialisation, un passage obligé pour améliorer la performance des achats

Les exigences en matière de dématérialisation de l'achat public ne cessent de se renforcer, notamment en lien avec les directives européennes. Retour sur les dernières évolutions du cadre législatif et réglementaire, y compris la dernière obligation de mise en conformité des systèmes d'information. Et éclairage de Sébastien Taupiac, directeur adjoint des achats à l'Ugap, sur le lien entre dématérialisation et délais de paiment.

La Commission européenne définit la dématérialisation des procédures de passation des marchés publics comme "le remplacement de procédures papier par des procédures informatisées pour les communications et le traitement des opérations (...), pour les différentes phases de la procédure de passation de marché : publication de l'avis de marché, envoi du cahier des charges, soumission des offres, attribution des marchés, commande, facturation et paiement" (Livre vert sur le développement des marchés publics électroniques d'octobre 2010). La directive européenne 2004/18/CE a favorisé le développement des procédures électroniques en prévoyant que tous les échanges liés à la procédure de passation d'un marché peuvent être opérés par des moyens électroniques. L'article 56 du Code des marchés publics (CMP) précise que l'acheteur public peut imposer la transmission des candidatures et des offres par voie électronique via son profil d'acheteur, quel que soit le montant du marché. Cette transmission électronique est obligatoire pour les achats de fournitures de matériels informatiques d'un montant supérieur à 90.000 euros HT. Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2012, l'acheteur ne peut plus imposer le papier pour les achats de fourniture, de services ou de travaux d'un montant supérieur à 90.000 euros HT.
La dématérialisation présente des avantages évidents tant pour l'acheteur que pour le fournisseur. Elle contribue notamment à réduire les coûts de transaction : fluidification des procédures, élimination des coûts postaux, échanges simplifiés en interne... Dans une communication d'avril 2012, la Commission estimait qu'"une conversion totale à la passation électronique de marchés pourrait générer de 50 à 75 milliards d'euros par an". L'intérêt de la dématérialisation réside aussi, naturellement, dans l'écourtement des procédures : les délais sont généralement raccourcis de plusieurs jours. Enfin, dématérialiser l'achat public constitue un levier pour développer l'accessibilité des PME aux appels d'offres.

De la facture papier facture au fichier xml ou pdf...

La facturation fait partie de ce processus de dématérialisation des marchés publics et participe notamment à la réduction des délais de paiement et à un archivage simplifié. Transposant une directive du 29 décembre 2001, le législateur français a posé un cadre légal autorisant la substitution de la facture dématérialisée à la facture papier.
Trois types de factures électroniques existent. Les factures dites "structurées" sont émises par voie d'échange de données informatisées (EDI). Elles correspondent à différents formats (xml par exemple) respectant la norme EDI et sont reconnues par l'administration fiscale. Les factures dites "non structurées" sont envoyées sous format électronique et ne sont pas modifiables (pdf, jpeg). Contrairement aux premières, elles ne permettent pas de retrouver systématiquement les informations comprises dans le document, leur contenu n'étant pas entièrement interprétable informatiquement. Enfin, la troisième catégorie concerne des factures couvrant une solution technique différente. Dans ce cas de figure, des contrôles permanents doivent être mis en place par l'entreprise permettant de vérifier tout écart entre la facture émise ou reçue et la prestation.
La dématérialisation de l'achat public devrait être renforcée dans les prochaines directives Marchés publics, l'Europe envisageant de rendre la passation électronique obligatoire pour l'ensemble des entités et pouvoirs adjudicateurs de l'Union européenne.

Point de vue de Sébastien Taupiac, Directeur adjoint des achats à l'UGAP

Lors de la tenue de la 160e session d'études sur "les marchés publics et les mécanismes financiers" organisée par l'Apasp les 3 et 4 juin derniers, Sébastien Taupiac, directeur adjoint des achats à l'Ugap, est intervenu sur le thème de "la dématérialisation des opérations : une solution pour accélérer les paiements". Il nous livre son expérience sur la dématérialisation au sein de l'Ugap, centrale d'achat public.

Jusqu'à quel stade l'Ugap dématérialise-t-elle ses procédures liées aux marchés publics ?

Sébastien Taupiac : Une procédure de marché public peut se scinder en différentes phases. Il y a d'abord la publication et la mise à disposition du dossier de consultation, qui à l'Ugap sont 100% dématérialisées. Vient ensuite la réponse électronique des fournisseurs, les échanges durant la procédure, le rejet et la notification - une phase où la dématérialisation concerne 70% des marchés à ce jour, avec un objectif de 100% en 2014. Enfin, l'exécution des marchés - avenants, évolutions de produits ou services... -  connaît encore peu de dématérialisation aujourd'hui, mais nous visons là encore 100% en 2014.
En résumé, l'Ugap aura atteint en 2014, l'objectif d'une dématérialisation totale de ses procédures et des marchés en découlant. L'Ugap a d'ores et déjà atteint un taux proche de 100% de dématérialisation des commandes adressées aux titulaires de marchés et atteindra ce même niveau sur la partie factures - dématérialisation fiscale des factures fournisseurs - fin 2015.

Quels sont les freins pour une complète dématérialisation des procédures ?

Au-delà des nécessaires investissements informatiques, des évolutions des processus et de l'accompagnement des collaborateurs, le frein principal est vraisemblablement d'ordre psychologique. La dématérialisation nécessite une volonté et une implication de nombreux acteurs - achats, juridiques, financiers... -, prérequis essentiel parfois difficile à atteindre en raison de l'histoire, de l'expérience, des préjugés et des intérêts de chacun dans le processus global.
La dématérialisation se décide, se met en place et s'accompagne. Elle ne doit en aucun cas être vue comme une obligation réglementaire ou une modernisation inéluctable de fait.

Pensez-vous que l'Ugap parviendra à réduire le délai de paiement de ses factures à 20 jours comme le souhaite le président de la République pour les achats publics de l'Etat ?

Préalablement, le paiement "tout court" constitue déjà à lui seul un enjeu majeur. La réduction des délais est un fondamental de l'achat et de la performance achat. La performance de l'achat public dépend, au-delà des sujets de massification ou de standardisation, de la capacité de l'ensemble des acheteurs publics à établir avec les fournisseurs une relation durable et équilibrée. Les engagements demandés aux fournisseurs (performance prix, innovation, délais...) sont à rapprocher des engagements implicites de l'acheteur public : égalité de traitement, accès à la commande publique, transparence et ... respect des délais de paiement.

Propos recueillis par l'Apasp

Obligation de mise en conformité des profils d'acheteurs au RGS depuis le 19 mai 2013
Les systèmes d'information relatifs aux marchés publics doivent se conformer au référentiel général de sécurité (RGS) depuis le 19 mai 2013. Prévu par l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005, le RGS détermine les règles auxquelles les systèmes d'information mis en place par les administrations publiques doivent se conformer pour garantir la sécurité des informations échangées avec leurs interlocuteurs. Seuls les produits ou services conformes au RGS ou à des conditions de sécurité équivalentes, doivent dorénavant être utilisés par les acheteurs publics dans le cadre des procédures dématérialisées, précise la direction des affaires juridiques de Bercy (DAJ). Le RGS prévoit plusieurs niveaux de sécurité requis pour certaines fonctions "telles que l'identification, la signature électronique, la confidentialité ou l'horodatage". Concernant les certificats de signature électronique, les acheteurs publics et les opérateurs économiques peuvent utiliser l'une des trois catégories prévues par l'article 2 de l'arrêté du 15 juin 2012 relatif à la signature électronique dans les marchés publics. Sont également utilisables les certificats conformes au RGS ou à des conditions de sécurité équivalentes. Les certificats référencés "Pris v1" ne peuvent plus être utilisés sauf à démontrer une équivalence de sécurité avec le RGS.
Les profils d'acheteurs doivent donc se mettre en conformité au plus vite et "si une certaine souplesse est acceptable dans les premières semaines de la date fatidique du 19 mai 2013, cette situation ne peut être que transitoire", souligne Bercy.

Références :
Livre vert de la Commission européenne sur le développement des marchés publics électroniques du 18 octobre 2010 ; Communication de la Commission sur "Une stratégie pour la passation électronique des marchés publics", avril 2012 ; fiche technique de la DAJ sur la dématérialisation, octobre 2011 ; guide pratique de la DAJ sur la dématérialisation des marchés publics, décembre 2012 ; Fiche DAJ, le référentiel général de sécurité- RGS et les certificats de signature électronique dans les marchés publics- Informations pratiques pour l'échéance du 19 mai 2013- 15 avril 2013-2015.