Emploi - La Cour des comptes sévère envers Pôle emploi
La Cour des comptes a publié le 2 juillet 2015 un rapport sévère sur Pôle emploi. Issu de la fusion de 2008 entre l'ANPE, chargée de l'accompagnement des demandeurs d'emploi, et les Assedic, responsables de l'indemnisation, il s'agit du plus gros opérateur de l'Etat avec 53.000 agents, plus d'un millier d'agences et de points de relais, 32 milliards d'euros d'allocations et d'aides versées et un budget de 5 milliards d'euros. Mais la Cour des comptes estime que malgré ces moyens, Pôle emploi a du mal à bien remplir sa mission, avec des résultats contrastés et des coûts croissants. Le chômage en forte évolution (de 3,9 millions à 6,2 millions entre janvier 2009 et janvier 2015, soit une augmentation de 58%) n'a certes pas facilité son travail. Mais la Cour des comptes pointe des faiblesses.
Premier reproche : une capacité de moins en moins importante à rapprocher les demandeurs d'emploi et les entreprises qui recrutent. Si l'institution estime qu'il est difficile d'estimer la performance de Pôle emploi par rapport à l'action des autres acteurs du service public de l'emploi, les résultats en matière de retour à l'emploi sont à la baisse. Le taux brut de retour à l'emploi est passé de 5,3% à 3,8% entre 2008 et 2013. Concernant les retours d'emploi en CDI, CDD de plus de six mois, dans la fonction publique ou par la création d'entreprises, le taux est passé de 3% en 2011 à 2,5% en 2013. La part des chômeurs inscrits depuis plus d'un an est passée de 40% à près de 43%. La Cour des comptes pointe aussi du doigt le nombre d'offres d'emploi collectées par l'opérateur, en baisse depuis plusieurs années : de 3,6 millions d'offres en 2007 à 2,6 millions en 2004.
Si elle approuve la nouvelle orientation prise par Pôle emploi à partir de 2012, avec l'accord de l'Etat et de l'Unedic, qui consiste à différencier davantage les services en fonction des profils des demandeurs d'emploi et des entreprises, elle estime que sa mission d'intermédiaire devient par ce biais moins prioritaire. Autre critique : l'accompagnement renforcé, qui est destiné aux demandeurs d'emploi qui ont le plus besoin d'être accompagnés, concerne un peu moins de 290.000 personnes, soit 10% seulement du total des demandeurs d'emploi faisant l'objet d'un suivi interne, et mobilise pourtant 20% des conseillers. Les autres modalités, le suivi pour les demandeurs d'emploi considérés comme autonomes, et l'accompagnement guidé, s'appliquent à 2,4 millions de personnes… De plus, la fréquence des contacts entre conseillers et demandeurs d'emploi diminue avec la durée du chômage et l'intensité de l'accompagnement individuel des demandeurs d'emploi est jugée "trop faible" : 75% des demandeurs d'emploi placés en accompagnement renforcé n'ont bénéficié que de quatre contacts ou moins en six mois avec leur conseiller. 59% des demandeurs d'emploi en suivi, 49% en guidé et 33% en renforcé ont au maximum un contact tous les trois mois.
Les régions prêtes à s'engager
Enfin, la Cour des comptes constate que les moyens humains sont dispersés. Trop de temps est consacré à des activités de gestion et de management (22%) et trop peu à l'accompagnement des demandeurs d'emploi (moins de 30%, soit 10.375 équivalents temps pleins en 2013 sur un total de 50.855). Les conseillers de Pôle emploi ne passent pas assez de temps à démarcher les entreprises (12% au total, avec seulement 2% pour la prospection et les visites d'entreprises). L'absentéisme est élevé avec près de 25 jours par an et par personne contre 12 jours dans la fonction publique d'Etat et 14 jours dans la fonction publique territoriale.
Plusieurs recommandations sont proposées pour rectifier le tir. La Cour préconise notamment de maintenir le rôle d'intermédiaire de Pôle emploi et de renforcer la connaissance par Pôle emploi du marché du travail et particulièrement des entreprises. Autres recommandations : augmenter, par redéploiement, le nombre des agents délivrant les services aux demandeurs d'emploi et aux entreprises et le temps effectif consacré par chaque conseiller au placement des demandeurs d'emploi et aux entreprises. La Cour propose aussi à l'Etat de faire réaliser, sous l'égide d'une instance externe à Pôle emploi, des études permettant d'apprécier la qualité et la performance des différentes modalités (internes et externes) de suivi des demandeurs d'emploi, ainsi que celles des processus de diagnostic et d'orientation des demandeurs d'emploi vers ces modalités de suivi.
Dans un communiqué publié le 3 juillet, les régions, qui partagent l'analyse de la Cour des comptes, rappellent qu'elles ont proposé d'expérimenter le pilotage du service public d'accompagnement vers l'emploi. Un processus discuté en ce moment même au Parlement, dans le cadre du projet de loi portant Nouvelle Organisation territoriale de la République (Notr). Dans la version adoptée le 2 juillet par les députés en deuxième lecture, le texte reconnaît la possibilité pour l'Etat de déléguer ces compétences et de transférer les crédits concernés vers les régions volontaires. "Les régions pourront ainsi mieux coordonner les acteurs du service public de l'emploi, insiste l'Association des régions de France dans son communiqué, les régions sont prêtes à s'engager dans ce chantier, indispensable à la lutte contre le chômage."