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Rythmes scolaires - La Cour des comptes recommande de "redéfinir l'organisation du temps scolaire dans un sens conforme à l'intérêt des élèves"

"L'organisation du temps scolaire n'est pas prioritairement conçue en fonction des élèves, dont les rythmes d'apprentissage sont hétérogènes et variables au cours d'une année scolaire. Pour reprendre les termes d'un rapport de janvier 2010 de l'Académie nationale de médecine (lire notre article : " Rythmes scolaires : l'Académie de médecine se prononce contre la semaine de quatre jours"), elle montre tout au contraire que 'l'enfant n'est pas au centre de la réflexion'", énonce clairement la Cour des comptes dans son rapport thématique sur "l'Education nationale face à l'objectif de la réussite de tous les élèves", rendu public le 12 mai 2010. Ces arguments sont énoncés dans le dernier des cinq chapitres de ce rapport, fruit de plus de deux ans de travail (de juin 2007 à novembre 2009) dans les établissements scolaires de six académies (Paris, Bordeaux, Aix-Marseille, Clermont-Ferrand, Orléans-Tours, Montpellier) ainsi que dans trois pays étrangers (Royaume-Uni, Suisse, Espagne).
La Cour rappelle que la décision de rendre obligatoire la suppression des cours le samedi matin, sur l'ensemble du territoire, a été justifiée par le ministère de l'Education nationale par la prise en compte des situations des parents divorcés et les gardes alternées des enfants, or, mentionne-t-elle, " le ministère de l'Education nationale disposait pourtant de rapports des inspections générales démontrant les répercussions négatives de la semaine de quatre jours sur les élèves, en particulier les plus fragiles et ceux qui sont issus de milieux sociaux défavorisés, souvent sans activités ni loisirs le samedi" (lire : "La gestion du temps à l'école "se complique" selon un rapport des inspections générales de l'Education"). Ce constat est d'ailleurs confirmé par les responsables des écoles situées dans les zones urbaines sensibles, selon l'enquête : "Ils ont souligné que l'absence fréquente d'activités dans certains quartiers et milieux familiaux ne permettait pas aux enfants de mettre à profit le samedi, et que, de surcroît, le lundi était souvent consacré à 'récupérer' l'attention des élèves qui avaient été laissés à eux-mêmes durant deux jours." La Cour des comptes fait également référence au rapport de l'Académie nationale de médecine de janvier dernier. Dans ce contexte, Luc Chatel, ministre de l'Education a annoncé, le 12 avril dernier, la mise en place d'une mission parlementaire sur ce thème. Celle-ci devrait rendre ses conclusions d'ici à fin juin (lire notre article ci-contre). La Cour quant à elle estime urgent de "redéfinir l'organisation du temps scolaire dans le premier degré dans un sens conforme à l'intérêt des élèves" et c'est l'une des treize recommandations émises dans son rapport.
"La généralisation de la semaine de quatre jours ne facilite pas, par ailleurs, l'organisation des deux heures d'aide personnalisée qui sont désormais prévues pour les élèves qui éprouvent des difficultés. Elle peut même être défavorable à l'objectif recherché", poursuit-elle. Elle mentionne également que la mise en place de ces heures d'aide personnalisée "soulève parfois de sérieuses difficultés d'organisation en raison de l'ensemble des contraintes locales : heures d'ouverture et de fermeture de l'école, ramassage scolaire, activités péri-éducatives d'accompagnement, etc.".
"Cette situation ne peut qu'appeler les critiques les plus vives, dans la mesure où elle contribue à aggraver les inégalités tout en mettant les élèves les plus fragiles en situation d'échec dès le début de leur scolarité", affirme Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes lors de la présentation du rapport.  Et de conclure par un jugement tranché : "Vous l'aurez compris, la performance du système éducatif français a, au cours des dernières années, plutôt diminué, sous l'effet de son incapacité à lutter contre les inégalités. Ce constat appelle un traitement massif, urgent et efficace de la difficulté scolaire."


Catherine Ficat