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Culture / Education - La Cour de justice européenne reconnaît le droit des bibliothèques à numériser les oeuvres

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rendu le 11 septembre une décision importante, qui intéresse toutes les bibliothèques et tout spécialement celle des établissements d'éducation et de recherche. Saisie par la Cour fédérale de justice d'Allemagne, la CJUE vient en effet de confirmer qu'"un Etat membre peut autoriser les bibliothèques à numériser, sans l'accord des titulaires de droits, certains livres de leur collection pour les proposer sur des postes de lecture électronique".

Droit d'auteur contre droit de communication

L'affaire opposait l'université technique de Darmstadt (Technische Universität Darmstadt) à une maison d'édition allemande, Eugen Ulmer KG. L'université avait numérisé un livre de cet éditeur, proposé ensuite sur les postes de lecture électronique mis à disposition des étudiants. Avant cela, elle avait refusé une offre de la maison d'édition, lui proposant d'acquérir et d'utiliser sous forme de livres électroniques ("e-books") les manuels édités par cette dernière (dont le livre en question).
La question posée à la CJUE portait sur l'interprétation de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information. Celle-ci donne en effet aux auteurs le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la reproduction et la communication au public de leurs œuvres. Mais elle ouvre aussi aux Etats membres la possibilité de prévoir certaines exceptions ou limitations à l'exercice de ce droit. Une telle possibilité est notamment prévue pour les bibliothèques accessibles au public qui, à des fins de recherches ou d'études privées, mettent des œuvres de leur collection à la disposition des utilisateurs au moyen de terminaux spécialisés.

Pas de copie de la copie

Dans son arrêt du 11 septembre, la CJUE précise ainsi que le droit exclusif reconnu à l'auteur - et donc à son éditeur - "doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce qu'un Etat membre accorde aux bibliothèques accessibles au public, visées à ces dispositions, le droit de numériser les œuvres faisant partie de leurs collections, si cet acte de reproduction est nécessaire, aux fins de la mise à la disposition des usagers de ces œuvres, au moyen de terminaux spécialisés, dans les locaux de ces établissements". Dans cette interprétation, le droit des bibliothèques à numériser est une composante du droit qui leur est reconnu de mettre à disposition de leurs abonnés les œuvres qu'elles acquièrent à cette fin (ce qui est la vocation même d'une bibliothèque).
En revanche, ce droit de mise à disposition des œuvres sur des terminaux numériques n'entraîne pas celui de permettre aux particuliers d'imprimer sur papier les œuvres ainsi consultées, ni de les stocker sur une clé USB à partir de terminaux spécialisés. Il s'agirait là en effet de la création d'une nouvelle copie de la copie numérique mise à la disposition des particuliers. Or, "de tels actes de reproduction ne sont pas nécessaires à la communication de l'œuvre aux usagers au moyen de terminaux spécialisés et ne sont, dès lors, pas couverts par le droit de communication au moyen de terminaux spécialisés, d'autant plus qu'ils sont effectués par les particuliers et non par la bibliothèque elle-même".
Toutefois, les Etats membres peuvent, dans certaines limites et sous certaines conditions - dont le paiement d'une compensation équitable aux titulaires de droits - autoriser les utilisateurs à imprimer sur papier ou à stocker sur une clé USB les livres numérisés par la bibliothèque.

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : Cour de justice de l'Union européenne, arrêt C-117/13 du 11 septembre 2014, Technische Universität Darmstadt c/ Eugen Ulmer KG.

 

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