Urbanisme - La construction d'un parc éolien en zone de montagne est autorisée en rupture avec l'urbanisation existante
Le Conseil d'Etat, par un arrêt du 16 juin 2010, vient préciser la notion d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées en montagne, en considérant que la réalisation d'éoliennes entre dans le champ des dérogations au principe d'"urbanisation en continu" prévues par le Code de l'urbanisme, privilégiant ainsi la protection des riverains.
L'article L.145-3-III alinéa 1er du Code de l'urbanisme pose le principe selon lequel l'urbanisation en montagne doit se faire en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles et habitations existantes.
Néanmoins, ce même article prévoit des exceptions, notamment en ce qui concerne "la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées".
Jusqu'à présent, certaines dérogations à la construction en continuité étaient envisagées par une note technique publiée au bulletin officiel du ministère de l'Equipement du 20 septembre 1996, portant sur la circulaire n°96/66 du 19 juillet 1996 relative à la restauration ou à la reconstruction des anciens chalets d'alpage - des dérogations concernant par exemple les stations d'épuration, les usines d'incinération d'ordures ménagères et les déchetteries. En revanche, une réponse ministérielle n°38850 du 29 juin 2010 précise que les zones artisanales ou industrielles ne sont pas comprises comme incompatibles avec le voisinage des zones habitées, même lorsqu'elles sont sources de nuisances. Dans ce cas, selon le ministère, la zone d'activité doit tout de même être installée dans la partie la plus éloignée du bourg.
Dès lors, il s'agit de comprendre ce que ces notions "d'installations ou d'équipements publics" et d'incompatibilité "avec le voisinage des zones habitées" recouvrent, le Conseil d'Etat se prononçant en l'espèce sur l'implantation d'éoliennes - et donc sur la question de savoir si l'implantation d'éoliennes, dans un souci de protection de l'espace montagnard, doit se faire dans le prolongement des constructions existantes ou, au contraire, dans un périmètre éloigné à des fins de sécurité et de tranquillité publiques.
Le préfet de Haute-Loire avait délivré des permis de construire pour la réalisation d'éoliennes sur le territoire des communes de Freyonet-la-Tour et de Moudeyres, à l'écart des zones urbanisées. Un habitant a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, invoquant notamment la méconnaissance du principe de l'urbanisation en continu dans les zones de montagne sur le fondement de l'article L.145-3-III du Code de l'urbanisme.
Sa requête ayant été rejetée, il a alors saisi la cour administrative d'appel de Lyon, qui a statué partiellement en sa faveur, mais sur le fondement de l'article L.111-2 du Code de l'urbanisme selon lequel "le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations". Le moyen tiré de la violation de l'article L.145-3-III a en revanche été considéré comme inopérant, la cour estimant "qu'eu égard à leurs caractéristiques techniques et à leur destination, l'implantation d'éoliennes ne constituait pas une opération d'urbanisation".
Le Conseil d'Etat infirme cette position et énonce que les dispositions du III de l'article L.145-3 du Code de l'urbanisme s'appliquent à la construction d'un parc d'éoliennes, considérée en l'espèce non seulement comme une opération d'urbanisation mais également comme constituant une installation ou un équipement public incompatible avec le voisinage des zones habitées.
Par cette décision du 16 juin 2010, le Conseil d'Etat rejoint ainsi les instructions données par le ministère de l'Ecologie dans sa circulaire du 10 septembre 2003 relative à la promotion de l'énergie éolienne terrestre, dont il ressort que les éoliennes peuvent être considérées comme des équipements d'intérêt public. Le Conseil d'Etat confirme en outre, sur un autre fondement que l'article L.111-2 du Code de l'urbanisme, que les parcs d'éoliennes sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées.
Pour exemple, la Haute Juridiction a eu l'occasion d'annuler un permis de construire pour la réalisation d'éoliennes à des fins de protection de la sécurité publique sur le fondement de l'article L.111-2 du Code de l'urbanisme dans un arrêt "société Boralex Avignonet SAS", rendu le 27 juillet 2009 (n°317060 et 318281), à propos d'éoliennes devant être implantées à 300 mètres d'une ferme habitée et à 500 mètres d'un hameau, alors que l'étude d'impact relevait un risque de projection de pales dans un rayon de 500 mètres.
Maître Fanny Morisseau, Avocat à la Cour, Cabinet de Castelnau.
Référence : Conseil d'Etat, 16 juin 2010, M. Leloustre, n°311840.