Couverture mobile - La construction de pylônes mutualisés, un parcours du combattant pour les collectivités
Selon les dernières données open data publiées par l'Arcep sur la couverture mobile des zones peu denses, pas moins de 296 communes étaient encore en attente, au 1er avril 2017, de la mise à disposition d'un pylône par les collectivités locales responsables de leur construction. Alors que la liste des zones blanches vient encore de s'étoffer, ce nombre important de dossiers en attente rappelle les difficultés des collectivités à mener à bien des projets onéreux et très éloignés de leurs compétences traditionnelles. Une épreuve rendue nécessaire par les impératifs d'aménagement du territoire, mais durant laquelle les collectivités seraient demandeuses d'être mieux accompagnées.
Alors que la liste des centres-bourgs répertoriés en zone blanche s'allonge chaque année, les collectivités éprouvent souvent des difficultés à mener les opérations de construction des points hauts, nécessaires au déploiement d'antennes-relais mutualisées entre opérateurs.
Pour peser dans les appels d'offres, les collectivités s'unissent
Suite à la relance du plan de résorption des zones blanches par la loi Macron de 2015, l'État avait publié un appel à projets permettant aux collectivités de prendre en charge la maîtrise d'ouvrage des points hauts nécessaires au déploiement des réseaux mobiles. Suite à la première version de cet appel à projets, 23 collectivités et groupements de commande s'étaient manifestées, pour pallier à la couverture déficiente de 149 communes. La liste des communes concernées ayant été enrichie en 2016, ciblant des communes de plus en plus petites et aux moyens limités, l'État avait évoqué la possibilité d'un appel d'offre national en marché de travaux pour les sites non pris en charge par les collectivités, laissant de nombreux territoires dans l'attentisme. En effet, même si les diverses subventions applicables à la construction des pylônes compensent environ 80% du coût engagé par la commune, et ce pour un plafond de 100.000 euros (130.000 en zone de montagne), les montants à inscrire au budget et la responsabilité à assumer en tant que maître d'ouvrage restent largement hors de portée de la plupart des communes rurales. Qui plus est, les appels d'offres pour la construction de seulement un ou deux pylônes ne sont pas assez attractifs pour les entreprises du BTP et des télécoms.
Pour pallier ces faiblesses, certains territoires se sont organisés. Du côté de l'Yonne, le préfet de département a incité les présidents d'intercommunalités à s'organiser pour effectuer un groupement de commande, dont la maîtrise d'ouvrage déléguée a été confiée au syndicat d'énergie de l'Yonne (SDEY). C'est ainsi que mi-2016, a été conclu un marché pour la construction d'une trentaine de pylônes. Le premier d'entre eux a été finalisé en février 2017 et 19 autres devraient suivre d'ici la fin de l'année. Le budget total de l'opération s'élève à 5,1 millions d'euros, financé par subventions à 80%. "Le département de l'Yonne comptait 12% des communes identifiées en zone blanche en 2015", observe Michael Grand, chargé du dossier téléphonie mobile au SDEY. "Les possibilités de synergies entre communes étaient donc importantes. Et la maîtrise d'ouvrage déléguée du SDEY a permis de conduire de front la construction du pylône, et la mise en place de l'alimentation électrique." Non loin de là, en Haute-Saône, le syndicat mixte Haute Saône Numérique s'est manifesté pour organiser un groupement de commande national au bénéfice des communes n'ayant pas encore pris en charge elles-mêmes la maîtrise d'ouvrage. C'était justement à Vesoul que Axelle Lemaire avait annoncé fin 2016 la montée en puissance des dispositifs d'amélioration de la couverture mobile. Pour autant, le défi s'annonce de taille pour le syndicat mixte. La construction d'un pylône est un projet complexe à gérer, surtout à distance. De nombreuses problématiques locales sont en cause, de la topographie des terrains à l'acceptabilité sociale.
Des difficultés techniques, un manque de coordination
En effet, jusque-là, nombre de projets ont été retardés. Ariel Turpin, délégué général adjoint de l'Avicca, rappelle même que 26 sites identifiés en zone blanche avant 2015, n'ont finalement jamais pu être couverts. "Entre refus local, crainte de ondes, mais surtout problèmes géographiques, les zones blanches sont des territoires plus difficiles à couvrir que le reste du pays", note l'expert. À Goldbach-Altenbach, dans le Haut-Rhin, la commune a patienté près de dix ans avant d'identifier un site où il était possible d'installer un pylône.
Enfin, la construction d'un pylône s'effectue en concertation étroite avec l'opérateur dit leader qui, par la suite, aura la charge de déployer l'antenne-relais et de mutualiser les services mobiles des autres opérateurs, selon la technique du RAN-sharing. Là aussi, les va-et-vient nécessaires entre les parties prenantes ralentissent parfois le processus. Free, désigné opérateur leader sur un grand nombre de nouvelles opérations, a mis du temps avant de structurer un process de prise en charge des relations avec les collectivités maîtres d'ouvrage, engendrant des retards importants. Le petit dernier du marché mobile commence désormais à accélérer la cadence.
Le Trip de printemps de l'Avicca qui s'est tenu les 23 et 24 mai à Paris a d'ailleurs été une occasion d'évoquer les solutions à disposition des collectivités afin d'accélérer les déploiements (Localtis reviendra sur ce Trip dans les prochains jours). Lors de l'édition précédente du congrès de l'association, à l'automne dernier, la Caisse des Dépôts et TDF avaient annoncé la constitution d'une société, Belvédère, spécialisée dans le déploiement de points hauts sous maîtrise d'ouvrage publique. "La société est désormais constituée et nous répondons aux appels d'offre", précise Arnaud Lucaussy, secrétaire général des TDF. Mais le groupe vise avant toute chose, l'appel d'offres en groupement de commande en cours d'élaboration par Haute-Saône Numérique. Pour le gestionnaire de points hauts, la multiplicité des technologies radios et l'arrivée d'un quatrième opérateur n'ont pas facilité la mutualisation en zone blanche. Mais les ratages de coordination pourraient, également, provenir des méthodes de constitution des listes de zones blanches elles-mêmes. "Quand un arrêté est publié avec une liste de communes concernées, nous ne sommes pas consultés en amont", note Arnaud Lucaussy. "Or, les fournisseurs d'infrastructures télécom prévoient d'augmenter sensiblement le nombre de points hauts au cours de ces prochaines années. Pour coordonner initiative privée et initiative publique, l'État gagnerait à être plus transparent dans sa réflexion sur les zones blanches". Les entreprises du secteur, les collectivités et l'État auront sans doute le temps d'apprendre à mieux travailler ensemble ; avec l'augmentation continue des attentes des usagers en termes de qualité de l'internet mobile, le soutien public aux déploiements devra sans doute se pérenniser pour garantir la connectivité des zones rurales.