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Culture - La commission des finances du Sénat propose de repenser la dépense fiscale pour la protection du patrimoine

Vincent Eblé, sénateur (PS) de la Seine-et-Marne, a remis son rapport d'information, fait au nom de la commission des finances du Sénat, intitulé "Dépense fiscale et préservation du patrimoine historique bâti : concilier maîtrise budgétaire et protection patrimoniale". Une part importante - 370 millions d'euros - du financement de la politiquer en faveur du patrimoine passe en effet par des dispositions fiscales.

Quatorze dépenses fiscales pour le patrimoine

L'état des lieux dressé par le rapporteur apparaît quelque peu mitigé. Cette vision s'explique notamment par le nombre des acteurs impliqués, qu'ils soient publics ou privés. Au-delà du ministère de la Culture et de ses services déconcentrés - Drac et Stap (services territoriaux de l'architecture et du patrimoine, intégrés aux Drac depuis 2010) -, il faut compter également sur les collectivités territoriales - qui détiennent 45% des monuments inscrits ou classés (dont 43% pour les seules communes) -, mais aussi sur une multitude de propriétaires privés, qui possèdent environ 35% des monuments classés et 56% des monuments inscrits (soit environ 22.000 monuments). S'y ajoutent la Fondation du patrimoine et de nombreux acteurs associatifs.
Côté financement - et au-delà des crédits budgétaires du programme "Patrimoines" de la mission "Culture" (761,1 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 7465,6 millions de crédits de paiement en 2014) -, pas moins de quatorze dépenses fiscales sont directement rattachées au programme "Patrimoines". La dépense fiscale en faveur du patrimoine monumental reste toutefois "concentrée sur un nombre restreint de dispositifs [qui font l'objet] de règles complexes et changeantes".
Il s'agit en l'occurrence du régime fiscal des monuments historiques et du dispositif Malraux. Le premier propose aux propriétaires privés de monuments historiques (classés ou inscrits) des modalités dérogatoires de calcul du revenu foncier en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu. Il représente une dépense fiscale - stable depuis 2010 - de l'ordre de 58 millions d'euros. Le second associe protection patrimoniale et politique de la ville. Il représente une dépense fiscale de 30 millions d'euros, stable depuis 2012.

Cinq propositions pour rénover le dispositif

Face à cette situation peu lisible, le rapport d'information formule cinq propositions. La première entend doter le ministère de la Culture de meilleurs outils de suivi des dépenses fiscales rattachées et procéder à une évaluation détaillée des dispositifs les plus coûteux, afin de "poser les conditions d'un débat apaisé".
La seconde préconisation vise à assurer le développement d'une offre culturelle et touristique variée, en modernisant la définition de l'ouverture au public (contrepartie de l'aide fiscale) et en clarifiant les objectifs de la dépense fiscale en faveur des monuments historiques. Ceci passe notamment par une annualisation du calcul des jours d'ouverture.
Troisième proposition : instaurer un agrément unique pour bénéficier du régime fiscal des monuments historiques, que la propriété soit ou non divisée par le biais d'une copropriété ou d'une SCI non familiale.
La quatrième préconisation consiste à réintégrer rapidement les monuments historiques inscrits au sein des potentiels bénéficiaires de l'agrément ministériel et de repenser les critères de délivrance de ce dernier. En clair, il s'agit de revenir sur la réforme introduite par la loi de finances rectificative de décembre 2014, qui a fortement restreint le régime fiscal dérogatoire lié aux monuments historiques.
Enfin, le rapport propose d'intégrer les intérieurs dans le champ de la protection lors des rénovations "Malraux" dans les secteurs sauvegardés, afin de lutter contre les opérations de "rénovation-démembrement".

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : rapport d'information n°18 de Vincent Eblé, sénateur de Seine-et-Marne, fait au nom de la commission des finances du Sénat "Dépense fiscale et préservation du patrimoine historique bâti : concilier maîtrise budgétaire et protection patrimoniale" (déposé le 7 octobre 2015)