Tourisme - La chambre régionale des comptes et le Ceser de Normandie sévères sur la gouvernance du mont Saint-Michel
Coup sur coup, deux rapports mettent en cause le fonctionnement et la gouvernance du site du mont Saint-Michel et de ses nouveaux aménagements. Le premier émane du conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) de Normandie, le second de la chambre régionale des comptes de Normandie. Ces deux documents mettent à nouveau en lumière les difficultés propres à l'opération de rétablissement du caractère maritime (RCM) du site, inscrit au patrimoine mondial depuis 1979. Ils risquent de créer de nouvelles tensions avec l'Unesco, qui avait déjà dû menacer la France d'une remise en cause de l'inscription au patrimoine mondial pour empêcher l'implantation d'un parc d'éoliennes géantes à quelques kilomètres du mont (voir notre article ci-dessous du 30 juin 2011).
Le développement économique et touristique "relégué au second plan"
Le rapport du Ceser Normandie est une "contribution" en vue de la création de l'Epic (établissement public industriel et commercial) national chargé de la gestion du site. Pour sortir de ce dossier passablement embrouillé (voir nos articles ci-dessous), l'Etat a en effet décidé de reprendre les choses en main et annoncé la création d'un Epic national, en vue notamment "de construire, avec les collectivités territoriales et le Centre des monuments nationaux, un nouveau modèle économique pour financer les services rendus aux visiteurs du mont Saint-Michel" (voir notre article ci-dessous du 21 avril 2017).
Ce modèle devra être auto-suffisant et "ne pas donner lieu à des contributions publiques d'équilibre". Cet Epic devra notamment prendre en compte le "chantier prioritaire" de l'amélioration de la délégation de service public concernant le transport et le stationnement.
Le rapport du Ceser confirme l'urgence d'une réforme. S'il considère le projet de rétablissement du caractère maritime du mont comme "une réussite esthétique et environnementale", celle-ci a cependant "relégué au second plan les enjeux de développement économique et touristique".
Une mauvaise qualité des prestations
En effet, "une série de dysfonctionnements et de problèmes, mais aussi de pistes d'amélioration, ressort de manière récurrente, au sujet de l'accueil touristique, ainsi que du développement économique du territoire de la baie", au sens large. De manière générale, "le mont Saint-Michel apparaît comme un 'produit d'appel', dont les territoires environnants ne tirent pas suffisamment profit, du fait de la prédominance d'un tourisme d'excursion".
Les faiblesses pointées par le Ceser concernent l'accès au site - avec le problème des parkings et des navettes -, la mauvaise qualité des prestations offertes par les commerçants du mont (restaurants, hébergements, boutiques de souvenirs, musées privés...) et, de façon plus large, la prédominance d'une logique de flux, défavorable à la qualité de l'accueil.
Très favorable à la création de l'Epic national et à la reprise en main par l'Etat, le Ceser souligne aussi le "besoin de coordination et de fédération des acteurs", "du fait de la situation de blocage dans laquelle se trouve le fonctionnement du site, par bien des aspects".
Anticiper le renouvellement de l'inscription au patrimoine mondial
Le rapport de la chambre régionale des comptes de Normandie porte sur les exercices 2012 et suivants du syndicat mixte de la baie du mont Saint-Michel. Ce rapport fait suite à un précédent rapport - très critique - de la Cour des comptes, qui pointait déjà des modalités de pilotage "inadaptées" et une réalisation opérationnelle "défaillante" (voir notre article ci-dessous du 15 février 2013).
Pour sa part, la chambre régionale relève qu'"en dépit de ses précédentes remarques, formulées en 2012, le syndicat mixte n'est pas parvenu à mettre en place une gouvernance efficace. Il n'a, notamment, pas fixé d'objectif stratégique après l'achèvement du projet de rétablissement du caractère maritime et n'est pas parvenu à anticiper, avec précision, l'ensemble de ses charges futures de fonctionnement et de gros entretien des ouvrages, ni à fixer une ligne claire concernant les modalités financières de la délégation de service public, notamment quant à la tarification du stationnement". Le rapport estime que ce défaut de financement de l'entretien des ouvrages - concernant aussi bien les aspects hydrauliques que l'accueil et l'accès des touristes - "est susceptible de compromettre le fonctionnement du site et l'équilibre financier de la structure".
La chambre régionale des comptes plaide également pour la mise en place d'une véritable stratégie de développement touristique - ce qui devrait être l'une des missions principales de l'Epic -, mais aussi pour une meilleur association avec la région Normandie et une préparation anticipée du renouvellement du classement du mont au patrimoine mondial de l'Unesco, avec notamment "l'établissement d'un plan de gestion précis et global comprenant des indicateurs évaluables et permettant de résoudre certains problèmes récurrents relatifs à l'accueil des touristes (billetterie avancée, coordination avec les opérateurs d'hébergement, protection contre la mer)".