Patrimoine / Tourisme - L'aménagement du mont Saint-Michel nuit-il à sa fréquentation ?
La polémique était attendue et elle n'a pas manqué de se produire. Mais les questions qu'elle soulève valent aussi pour d'autres grands sites touristiques et - plus généralement - pour l'équilibre à trouver entre défense du patrimoine et intérêts touristiques et économiques.
Depuis le 28 avril 2012, plus aucun véhicule ne stationne au pied du mont Saint-Michel, classé au patrimoine mondial de l'Unesco. En contrepartie de la suppression de ce parking (jusqu'à 4.000 voitures), un nouveau parc de stationnement a été mis en place près de l'entrée de la baie et un service de navettes réversibles et gratuites (le prix étant compris dans celui du stationnement) assure le trajet pour rejoindre le mont. Le quai de départ est situé à deux kilomètres du mont tandis que le terminal provisoire - qui remplace le parking - est installé à proximité immédiate de l'entrée du mont. Ce nouvel aménagement s'inscrit dans le cadre - plus vaste - du rétablissement du caractère maritime du mont Saint-Michel.
Or, les premiers temps de mise en œuvre de ce nouvel aménagement se doublent d'une baisse marquée de la fréquentation du site. Le nombre d'entrées à l'abbaye a ainsi enregistré une baisse de 11,7% lors du week-end de l'Ascension et de 7% lors de celui de la Pentecôte. De son côté, l'office de tourisme fait état d'une diminution des passages de 10% durant les trois premières semaines du mois de mai. Enfin, les commerçants du mont enregistreraient une baisse de 50% de leur chiffre d'affaires en soirée. Il est bien sûr difficile de faire la part entre l'impact de ces nouveaux équipements et la météo médiocre des deux week-ends concernés. Il faudra sans doute attendre la fin de la saison d'été pour établir un bilan significatif.
Mais les adversaires du nouveau parking ont saisi l'occasion pour dénoncer les défauts du système. Le principal reproche concerne la distance entre le parking et les quais de départ de la navette, qui peut aller jusqu'à un kilomètre (voir le plan ci-contre). Ce reproche n'est pas entièrement infondé, puisque Véolia Transport, concessionnaire de la navette, envisage de revoir l'emplacement des quais. Autre reproche : la suppression de l'ancien parking dissuaderait les visiteurs de se rendre sur le mont en soirée - notamment pour les restaurants -, par crainte de ne pouvoir rentrer. Les responsables du syndicat mixte gestionnaire du nouvel équipement vont donc mener des campagnes d'information pour faire savoir que la navette fonctionne en réalité 24h/24 (une "mini navette" prenant le relais entre 1h et 8h du matin).
Au-delà des arrière-pensées des uns et des autres - et même si la configuration du mont et de la baie rend le problème particulièrement délicat -, cette polémique témoigne de l'impact que peut avoir la modification des abords et des accès d'un site sur sa fréquentation, surtout quand il accueille trois millions de visiteurs. Il reste cependant une question de cohérence : si le caractère exceptionnel du mont Saint-Michel et son classement sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco justifient l'abandon des projets d'éoliennes dans son périmètre visuel (voir nos articles ci-contre), ils peuvent aussi justifier quelques sacrifices dans l'organisation des flux de visiteurs.