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Mont Saint-Michel : l'Etat reprend la main et crée un Epic

Dans une inhabituelle "Déclaration commune du Premier ministre et des élus de la baie du mont Saint-Michel", signée depuis l'hôtel Matignon, Bernard Cazeneuve propose des solutions pour sortir de l'embrouillamini du chantier du mont Saint-Michel et de la remise en eau de sa baie. Après les cafouillages de la nouvelle desserte par navette (voir notre article ci-dessous du 8 juin 2012), l'affaire du projet d'éoliennes géantes et les contentieux avec l'Unesco (voir nos articles ci-dessous des 21 mars et 18 décembre 2012), le tout couronné par un sévère rapport de la Cour des comptes dénonçant "une opération mal conduite" (voir notre article ci-dessous du 15 février 2013), une reprise en main s'imposait. Elle est d'autant plus nécessaire que la baisse de la fréquentation du mont se poursuit, avec un recul de 7% en 2016 alors que tous les monuments de province sont clairement orientés à la hausse (voir notre article ci-dessous du 27 janvier 2017).

Une "rare densité" des acteurs impliqués

Après les habituelles considérations sur la "composante exceptionnelle du patrimoine mondial" et la contribution du mont "au rayonnement de la France", la déclaration "reconnaît la complexité du cadre d'intervention sur le mont Saint-Michel, qui concentre avec une rare densité un grand nombre d'autorités publiques et d'acteurs privés jouant tous un rôle sur l'expérience du visiteur". La déclaration cite ainsi l'exemple du court trajet entre le nouveau parking et le mont, sur lequel "interviennent un syndicat mixte, deux communes, le Centre des monuments nationaux, un délégataire de service public et de nombreuses initiatives privées".
De même, elle souligne que "la dispersion des acteurs rend difficile la bonne allocation des ressources financières apportées par les deux millions de visiteurs [...] et a conduit à reporter sur les seules collectivités l'essentiel des charges relatives à l'accueil des visiteurs et à l'exploitation du barrage qui a redonné son insularité au mont Saint-Michel".

"Nouvelle ambition" et "gestion intégrée"

Si la déclaration met les formes, elle n'en correspond pas moins à une franche reprise en main du dossier par l'Etat, même si le texte fait valoir que "la volonté de l'Etat de porter une nouvelle ambition pour le mont Saint-Michel" s'exprime "en accord avec l'ensemble des collectivités locales impliquées". Matignon justifie cette reprise en main par le fait que "l'initiative de l'Etat est indispensable pour élaborer, avec les acteurs locaux, cette nouvelle ambition et pour organiser une gestion intégrée des services rendus aux visiteurs et aux habitants".
Pour concrétiser cette évolution, la déclaration commune annonce deux décisions. La première concerne l'engagement des démarches en vue de la création d'un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) national du mont Saint-Michel, qui sera chargé "de coordonner la gestion et le développement du site, depuis le stationnement et les transports jusqu'à l'abbaye". Le gouvernement charge Adolphe Colrat, inspecteur général de finances - et ancien préfet de la Manche - de mener une mission de préfiguration de ce futur Epic national. L'intéressé est notamment chargé "de construire, avec les collectivités territoriales et le CMN, un nouveau modèle économique pour financer les services rendus aux visiteurs du mont Saint-Michel". 
Ce modèle devra être auto-suffisant et "ne pas donner lieu à des contributions publiques d'équilibre". Il intégrera également le "chantier prioritaire" de l'amélioration de la délégation de service public concernant le transport et le stationnement.
Sans attendre la création de l'Epic, la seconde décision annoncée par le Premier ministre concerne la reprise, par l'Etat, de la responsabilité de l'exploitation du barrage sur le Couesnon pour poursuivre les travaux hydrauliques et le suivi environnemental de la baie, "confirmant ainsi l'enjeu national que recouvrent ces travaux". Du coup, l'Etat apportera "l'ensemble des financements nécessaires pour l'exploitation du site, pour 2017 et 2018, dans l'attente d'une décision définitive sur l'insertion de ce barrage dans le périmètre d'un futur établissement assurant la gestion et le développement du mont Saint- Michel".