Croissance - Investissements : François Hollande en appelle aux collectivités
Le temps n'est plus aux plans de relance et aux milliards virevoltants, aux New Deal miraculeux qui annonçaient le printemps. La croissance n'est pas venue et les caisses sont vides. L'enjeu n'est donc pas de "chercher des investissements nouveaux, nous n'en avons pas à notre disposition sur le plan budgétaire, mais de mieux mobiliser ce qui existe déjà", a dû reconnaître le président de la République qui présentait, jeudi en Aquitaine, sa stratégie pour moderniser la France à l'horizon 2020. Une stratégie qui consiste avant tout à faire les fonds de tirelire, au moment même où le président de la Cour des comptes demande de nouvelles coupes dans les dépenses publiques.
Cinq domaines seront prioritaires, a ainsi déclaré le chef de l'Etat, lors d'un déplacement à Aerocampus Aquitaine, un centre de formation spécialisé dans la maintenance aéronautique, accompagné notamment du président de la région, Alain Rousset : le logement, la rénovation thermique, la couverture en très haut débit d'ici dix ans et la création de quartiers ou cités numériques, les transports et l'aéronautique. "J'ai demandé au gouvernement de préparer une feuille de route pour dessiner la France des prochaines décennies", a-t-il précisé.
Pour la rénovation thermique par exemple, le Premier ministre présentera en février un programme de financement spécifique. Mais dans l'immédiat, Paris compte avant tout sur des redéploiements de crédits déjà prévus, notamment dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA), le "grand emprunt" de 35 milliards d'euros lancé par le précédent gouvernement, qui faisait l'objet d'un séminaire gouvernemental le jour même. Le programme ne sera pas ré-abondé. L'idée : redéployer deux milliards sur l'ensemble du programme vers des priorités comme "l'innovation, la filière numérique, la transition énergétique, l'économie du vivant, la santé et la formation".
"Une nouvelle méthode d'investissement public"
François Hollande dit vouloir "aller vite" de manière à anticiper des financements qui étaient prévus après 2014 et éviter la récession. Il préconise ainsi une "nouvelle méthode" d'investissement public, à la fois pour l'Etat et les collectivités locales qui, a-t-il rappelé, réalisent "entre 70 et 75% de l'investissement public". "Je leur lance un appel : l'investissement est de la responsabilité de l'Etat pour définir nos priorités, nos grands domaines d'excellence. Mais ce sont les collectivités qui la plupart du temps permettent que nous puissions atteindre les objectifs."
Souvent décriés, notamment par Alain Rousset, les partenariats public-privé (PPP) peuvent être un outil efficace, a-t-il souligné, prenant l'exemple du succès du Viaduc de Millau réalisé "en trois ans au lieu de quinze". Mais les élus locaux "doivent être accompagnés", pour éviter de se faire piéger par les "locations exorbitantes". "Accompagnons les investisseurs publics pour qu'ils puissent trouver le bon montage pour leur projet", a-t-il ajouté. François Hollande a rappelé qu'une enveloppe pluriannuelle de 20 milliards d'euros sur cinq ans financée par les fonds d'épargne de la Caisse des Dépôts allait permettre d'accompagner les collectivités et les hôpitaux, sous forme de prêts fléchés par projets de très long terme.
Paris compte aussi sur d'autres sources de financement mal exploitées, comme les fonds structurels qui seront décentralisés au niveau des régions dans le cadre de la prochaine programmation 2014-2020. François Hollande a par ailleurs mentionné la Banque européenne d'investissement qui vient d'être recapitalisée et dont l'Allemagne fait un bien meilleur usage, mais aussi la Grande-Bretagne qui est passée par elle pour financer son programme universitaire. "Ce sera le rôle du ministre des Affaires européennes, des préfets de régions, des présidents de régions et des présidents des collectivités, de faire en sorte que nous puissions mobiliser ces fonds pour la croissance", a-t-il insisté.
Relocaliser des activités productives
Au rang des investissements privés, François Hollande s'est félicité de la mise en œuvre du crédit d'impôt qui se traduira par "4% d'allègement dès 2013 sur les charges des entreprises". Autre volet : aller chercher des investisseurs étrangers, comme la communication du ministre de l'Economie présentée en Conseil des ministres ce mercredi s'y attèle. L'Association française pour les investissements internationaux (Afii) verra sa mission "élargie" pour relocaliser des activités productives en France. Comme l'a expliqué le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg, mercredi, la France souhaite en effet s'inspirer du modèle de "reshoring" mis en place aux Etats-Unis. L'idée serait de proposer un nouvel outil permettant de calculer les avantages financiers à une relocalisation, en tenant compte d'une série d'indicateurs, allant du coût du travail au foncier, en passant par la logistique… Dans une interview parue dans Les Echos, jeudi, le ministre a précisé que l'Afii avait d'ores et déjà identifié 300 entreprises susceptibles d'être intéressées par une relocalisation, dans des filières comme l'aéronautique, la pharmacie, le numérique...
François Hollande a également annoncé un programme de soutien à "l'innovation de rupture", visant à accompagner des entreprises vers des choix technologiques audacieux, à travers un fonds de 150 millions d'euros. La Banque publique d'investissement pourra aussi être mise à contribution.